''Communauté'' : un gros mot ?

De Wiki ECOPOL
Révision datée du 21 septembre 2013 à 17:28 par Move (discussion | contributions)

« Il faut s'entraider, c'est la loi de la nature »
Jean de La Fontaine

Les projets d'écolieux dont nous parlent les médias sont essentiellement « techniques » : il est question d'économie d'énergie, de matériaux sains, de préservation de sa santé. Mais on constate souvent que le chacun chez soi domine. On nous dit peu de choses le quotidien des cohabitants, leurs liens avec le monde du travail ou entre eux, les mise en communs de budgets pour acheter responsable, sur l'environnement socio-économique général. Quid en effet des structures permettant aux participants de monter des entreprises ensemble ? De partager les frais d'éducation des enfants ? De mutualiser certaines dépenses de santé ou de transport ? C'est de tout cela et bien encore qu'il est question dans l'écologie sociale, notion encore assez nouvelle et peu médiatisée. Sans doute parce qu'elle amène à parler de « communauté », un mot qui fait peur dans l'esprit du grand public.

Eh oui, l’idée de « vivre en communauté » est très, trop, souvent liée à des souvenirs négatives : manque de privacité, espaces communs mal rangées, personnes qui abusent et qui nous font perdre confiance dans le groupe, manque de respect de la liberté de l’autre, obligation de faire la vaisselle, notamment celle de ses voisins, déviances en tous genres. De plus, les expériences hippies des années 60 et 70 ont, semble-t-il, laissé un souvenir aigre-doux dans l’inconscient collectif.

Pourtant nous vivons en communauté de pratiques, tous les jours : la Communauté Européenne, les communautés d'usagers, les collaborateurs du travail, les communautés virtuelles... L'expression « faire du travail communautaire », se réfère au travail social réalisé dans un quartier, que ce soit pour développer des activités sportives, artistiques ou pour aider les gens à trouver du travail et à défendre leurs droits sociaux. La notion de communauté reste donc importante pour un grand nombre d'humains qui ont compris les limites du tout individuel. L'être humain est, par nature, un être social. Il a besoin de relations. Simplement, la méfiance règne dans cette époque de standardisation, où la différence représente souvent un risque. La complexité et la vitesse de la société de consommation, associées à la peur projetée par les médias qui doivent bien vendre de la publicité (et pour cela capter notre attention avec des nouvelles qui font sensation), tout cela et bien d'autres paramètres nous éloignent de nos racines et de notre confiance en l'autre, le prochain, le frère. Avons-nous même le temps pour dialoguer ?


Voilà pourquoi choisir sa communauté, c'est choisir d'habiter avec d'autres et de mélanger les cultures. C'est choisir son environnement de stimulation. C'est choisir le chemin vers la qualité de vie. C'est s'ouvrir à l'écologie communautaire.

L'expérience de Smala

Comme peuvent en témoigner les membres de l'association Smala, à l'initiative du projet Ecopol (voir l'acte 4, consacré à Smala), on peut vivre en communauté tout en préservant son intimité ou la cellule familiale : salle de bain, toilettes, cuisine, salon sont des espaces privés dans chaque foyer des écologis Smala. Un petit truc qui fait parfois toute la différence pour une bonne ambiance : on refuse d'accueillir les personnes qui n'acceptent pas d'abord de payer pour le nettoyage des espaces communs effectué par des concierges, et en même temps, on encourage les habitants à devenir concierges... et à facturer . Cela parait compliqué administrativement, car il faut payer d'abord et recevoir l'argent ensuite. Cela ne marche pas parfaitement non plus, mais en tout cas ça marche très bien pour des choses essentielle comme la propreté (on est en Suisse tout de même!), cela marche mieux que les tournus de bénévoles ou la liberté de faire chacun quand on peut. Nous avons défini de nombreuses autres règles de base tout aussi simple finalement, qui empruntent parfois à l'économie classique, parfois aux traditions ancestrales, parfois à la bohème, et toujours au bon sens. C'est pour cela que les maisons Smala sont comme des ruches où chacun peut venir butiner et pourquoi pas y faire son nid. Dans ces éco-lieux où certains travaillent, d'autres habitent et d'autres les deux, se trouvent conjuguées l'ambiance conviviale d'une famille recomposée et d'une maison de quartier, la propreté d'un hôtel et la qualité de gestion d'un institut de recherche.

Quand à l'écologie communautaire, vous le verrez dans ces articles, c'est une clé-de-voûte indispensable pour des projets de co-habitat qui ne se limitent pas à la mutualisation des achats pour la construction de logements moins gourmands en énergie.

Et nous avons du succès. A l'heure où nous bouclons cette première édition du livre, en septembre 2013, nous venons de signer notre... 41e contrat de gestion de maison. Le succès de Smala réside dans le fait qu’il y a – malgré les préjugés sur la vie en communauté – une proportion grandissante de personnes qui souhaite faire cette expérience de cohabitation et/ou coopération dans des lieux plus humanistes, ici et maintenant, concrètement. Les offres sont quasiment inexistantes. Smala propose de vivre en respectant mieux l’environnement, en développement sa responsabilité individuelle dans cette société de consommation. Nos pratiques sont basées sur la simplicité volontaire, la sobriété heureuse, la jubilation dans l’effort de vivre.

Ces pionniers de l'écologie communautaire sont plus ou moins conscientes que la durabilité de la vie sur terre passe par la vie en communauté, que cela permet de réduire la consommation grâce au partage de matériels (réfrigérateur, connexion web, potager), tout en ayant une totale indépendance de rythme et des espaces réservés à l'usage privé. Ces personnes sont prêt à augmenter leur conscience en faisant l'expérience pratique, pour un week-end d'essai, puis quelques mois ou années. Ces personnes peuvent constater que, mise à part une réunion de maison par mois et le rangement régulier de leurs affaires dans les locaux communs, elles peuvent vivre entièrement à leur rythme.

Des relations humaines de qualité

Mis à part une séparation de couple, rien de plus délicat qu'un déménagement. Alors imaginer s'il s'agit en plus de déménager dans un lieu o?u vous devrez participer à une réunion par mois avec d'autres co-habitants, où vous devrez adopter certaines nouvelles pratiques de tri des déchêts, de mutualisation de certains achats... Vous l'avez compris, dans l'écologie communautaire, l'élément le plus délicat est le facteur humain. C'est ici qu'on parle d'écologie relationnelle, un art qui vise à établir une communication harmonieuse entre les êtres humains. La régulation des relations entre les acteurs d'un tel lieu, le bon équilibre entre libertés individuelles et la gestion du bien commun sont autant de dimensions à organiser. S’il ne fallait retenir qu’une chose, c’est simplement qu'on peut faire des erreurs. On peut même accepter des régressions dans la qualité de la dynamique de l’écologie communautaire. Si on ne dramatise pas, si on n'entre pas dans des jeux de pouvoirs où l'on cherche à imposer ses idées au risque de faire exploser le groupe, alors on s'aperçoit qu'au fond, il y a des choses qu'on perd mais d’autres qu'on récupère ! Au final, les solutions adoptées conviennent à ceux qui s'engagent dans des relations durables. Relations durables ne veut pas dire relations faciles, cela désigne surtout la capacité à s'accepter et à s'entendre sur les règles du jeu, au-delà des différences.

Pourtant, il est plus facile d'être solidaire lorsque tout va bien. Proposer un changement et mener ce changement à bien est plus conflictuel. Lorsqu'un groupe de personnes choisit d'expérimenter l'écologie communautaire, des discordances peuvent apparaître. D'où l'importance de mettre en place :

  • Une bonne gouvernance ou Qui décide quoi ? : afin que chacun se sente impliqué et écouté, il est essentiel de trouver une façon de décider qui soit la plus démocratique possible. Les outils de gestion informatiques, répondant aux critères de la culture libre (voir notre article Les netizens et la culture libre), favoriseront le dialogue, la résolution des conflits et protégeront des despotismes.
  • Un environnement social favorable : la présence de pionniers compétents dans la gestion des conflits est importante. Leur modération, leur recherche du consensus, leur attachement au bien commun et leur croyance en la non accumulation des ressources permettront de maintenir un climat sain et agréable pour tous.


En conclusion : bilan positif... après des démarrages où il faut s'accrocher

Notre message fondamental : expérimenter l'écologie communautaire, c'est salutaire pour le corps et l'esprit, pour autant qu'on ait un peu de résistance morale aux difficultés initiales d'adaptation. Pour ne parler que de notre expérience directe, la très grande majorité des près de deux mille personnes qui ont co-habité et/ou co-opéré dans des maisons Smala de 1993 à 2013 considèrent que cela a été pour elles une "école de la vie" très instructive, qu'elles ont beaucoup appris et que cela leur a été très utile pour leur développement humain. Nous écrivons cela après des entretiens avec plusieurs centaines d'entre eux, des demandes de feedbacks réguliers, etc.
Il est temps, avec l'initiative Ecopol, de passer à un plus large déploiement de cet art de vive Smala.

Avanti al popolo ! C'est parti mon kiki !