1984-1997 : MAD puis Tir Groupé, un état d'esprit

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Pour Smala, tout a commencé en 1984, lorsque Mariette Glauser lance le MAD avec des amis dans le quartier du Flon à Lausanne, devenu ensuite mondialement connu. A l'époque, le FLON, lieu alternatif, créatif, riche en diversité, est une friche industrielle reconvertie en espace de liberté et d'expériences : lofts, expos, concerts, ateliers d’artistes et d'artisans mais aussi actions sociales et écologie avant l'heure. Mariette gère le MAD sous sa forme non lucrative de l’époque (1984-1990). Fred Bernard y mixe de la valse à deux heures du matin. On récite des textes le dimanche avant le brunch dans les décors du réalisme fantastique débridé de la rue. C'était avant le virage 100% disco des années 90.

Dès 1988, Théo Bondolfi y fait ses premières armes d’entrepreneur socioculturel avec des performances théâtrales tandis que le maître Astor Piazzolla y donne son dernier concert. En 1990, dans l'entrepôt voici il co-crée l'Atelier 37, un grand loft d'artistes. Parmi les artistes de cette première ruche créative, citons notamment:

  • Dynamike et Thierry Romanens, deux musiciens-producteurs bien connus des ondes radio, dont l'indépendance de ton et la pluridisciplinarité sont restées profondes ;
  • Eric Mathyer et Solstice Denervaud, pionniers inspirants du centre de la Cité, du festival des Voix Sacrée, des premiers clowns d'hôpitaux en Romandie, personnalités toujours à l'avant-garde et dont Tir Groupé a toujours salué l'inspiration initiale ;
  • Les photographes Mario del Curto et Valdemar Verissimo ou encore feu Jacques Zeller, gastro-physicien et figure anarchiste régionale.

« Si l’on était au Flon, c’était pour un rendez-vous. Théo Bondolfi, de l’agence Tir Groupé - qui conçoit, gère et réalise des créations artistiques et culturelles traitant de photographies et de mises en scène - organisait une visite des lieux pour la presse. L’occasion de faire le point de visu sur la vie toujours plus diversifiée du Flon, de découvrir les innombrables ressources qu’offrent à ce jour les entrepôts devenus lofts et leur histoire.
« Situé au cœur de Lausanne, “Le Flon” est le lieu dans l’vent. Quartier d’entrepôts de fruits et légumes, de matériel, d’industries, jusque vers les années 1930, il n’avait plus pour destinée que l’enlisement. Aujourd’hui, c’est la fête. Dans le vigoureux rythme architectural du quartier, les entrepôts ont trouvé leurs plus belles solutions actuelles. Galeries d’art, artisans, ateliers de photographie, production ciné, librairie, centre de culture et de loisirs, écoles d’arts, de jazz, bistrot, s’y partagent l’espace.
« L’occupation du quartier pour des activités à vocation culturelle est géniale. Ce qui se passe là correspond à un besoin.
« L’artisanat trouve dans ce quartier les moyens de vivre. C’est le cas d’Yves Guala, relieur, qui a ouvert son atelier en début d’années avec un bail de cinq ans : “Pour les métiers comme le mien, qui n’ont pas de larges marges de bénéfice, les loyers abordables du Flon représentent une occasion trop rare…” “Mon espoir, dit un autre locataire, est que ce quartier devienne fort, il est très intéressant que ce lieu se développe…” “On peut imaginer qu’on aura notre mot à dire en temps et lieu”, confie un troisième. Un point de vue partagé par d’autres qui pensent que les occupants du Flon ont un droit de décision sur leur avenir. « D’une certaine manière, le quartier leur appartient, ils ont fait la nique, la guerre à la décrépitude, à l’abandon général qui avait porté le quartier vers la mort et qui ressuscite grâce à l’imagination, aux galeries, aux activités artisanales, à la musique, aux écoles. Peu à peu, le Flon représente un entité culturelle de valeur, tout en conservant une identité individuelle à chaque activité.»

Extraits de l'article A Lausanne, renaissance culturelle d’un quartier d’entrepôts, par Denis Leumick, quotidien L'Impartial, avril 1992.

1993 : création officielle de l'association Tir Groupé

Le MAD perd quelque peu son esprit transdisciplinaire. Mariette quitte la présidence. Théo trouve de nouveaux locaux, un immeuble du XIIIe siècle au cœur de la vieille ville de Lausanne, ancien site du désormais fameux centre socioculturel « Pôle Sud ». Le 8 mai, réunis dans le grenier tout poussiéreux, une trentaine de pionniers valident la métamorphose de l'agence-fantôme Tir Groupé en association à but non lucratif. On ne ménage pas nos efforts pour lui donner corps, et le succès est immédiat.

Extraits de ce qu'en écrit Gilbert Salem, journaliste du quotidien 24Heures, en mars puis mai 1994 :
« Tout a été déjà dit. Tout a déjà été fait. La pureté ne réside plus dans l’unique mais dans le mélange, la redéfinition et l’actualisation de la pensée et de l’action. C’est le métissage. Très imprégnée de cette nouvelle maxime philosophique – signée Théo Bondolfi – l’association Tir Groupé, qui regroupe à Lausanne une cinquantaine de jeunes artistes et intellectuels, occupe depuis un an les deux derniers étages d’une vénérable maison du centre-ville lausannois.
« C'est un vaste espace dédaléen qui tient tout à la fois de la galerie d’art, du loft et du grenier de grand-maman. Ce Labyrinthe se répartit sur deux étages et 32 pièces reliées par des corridors tortueux qu’il a fallu déblayer, récurer, repeindre et réaménager. Un véritable nettoyage des écuries d’Augias auquel les nombreux membres (ou “membraves”) et sympathisants (ou “membrouilles”) de l’association se sont exténués en dépensant plus de 10 000 heures de travail bénévole.
« De salle en salle, de chambrette en vestibule et d’étage en étage, la configuration des lieux se modifie au gré de l’errance du visiteur. Certains locaux des espaces, chics et nets, d’exposition de photos ; des laboratoires, des bibliothèques. D’autres ressemblent à la chambre d’étudiant un brin (artistiquement) négligé, tiennent du loft new-yorkais ou encore des “couloirs hantés” de la maison de Frankenstein à Luna Park. Sous un magnifique toit en poutre datant de la Renaissance, l’espace Rencontre compose un amalgame de décors délicieusement dépareillés. C’est là que les visiteurs viennent se délasser, se rafraîchir le gosier et que des groupes de musiciens peuvent se produire.
« L’objectif de Tir Groupé est également de ne jamais étouffer leurs convives par une surdose sonore (“ici on peut parler, converser, c’est ce qu’il y a de plus important”). Ni par une homogénéité artistique, “ni par quelque autre forme d’absolu que ce soit”.
« Entre autres bonnes choses, Tir Groupé offre des “services de gestion et de diffusion de réalisations artistiques. Un point de chute pouvant servir d’intermédiaire culturel où chacun prend son projet en main en utilisant l’infrastructure de l’association (conseils, contacts, matériels, locaux)”.
« La Galerie du Labyrinthe accueille, elle, des expositions thématiques mensuelles par des groupes thématiques autonomes, elle est ouverte à toutes formes d’art. Ainsi, elle a exposé des photographes romands et étrangers, elle a invité, en octobre 1993, les 180 membres de l’Association des peintres, sculpteurs et architecte suisses. A partir de lundi, elle présentera, dans le cadre des manifestations tibétaines de Lausanne, des photos de Cartier-Bresson et d’Ashvin Gatha. Enfin, hier soir et ce soir dès 21 heures, le Labyrinthe organise une “Expo en pyjama, avec possibilité de dormir sur place (apporter son ours en peluche et sa brosse à dents).”»

En un an, la très dynamique équipe lausannoise de Tir Groupé a créé 10 expositions collectives, invité plus de 400 artistes, organisé une trentaine de soirées à thème ainsi que cinq stages. Plus de 20 000 personnes ont visités le Labyrinthe, leur loft mystérieux et charmeur. De plus en plus engoués par leur vocation philosophique et sociale, qui est de “faire entrer le métissage” dans les mœurs, les membres de Tir Groupé ont toujours de l’énergie et de l’intelligence à revendre.

Dès 1994, on signe aussi un contrat de bail à la place du Château, ancienne école de Chimie, dans une grande salle qu'on rénove entièrement (merci à Patricia Pennachio!). Comme le contrat de bail est précaire, on est prêt à rebondir.

Tir Groupé s’enrichit progressivement de nouveaux partenaires importants et de nouvelles personnalités fortes, dont Céline Hornemann (médecine douce), Marie-Jane Berchten (arts & société), Joanna Raphael (anciennement Théâtre 11, chants et arts divers), Jérôme Knobl (administration et informatique), ainsi que nos amis indéfectibles du Picnic de la Palud, une autre initiative humaniste originale.

Parmi les stars internationales, citons le photographe René Burri. Il y expose ses photos de Che Guevara et y dort avec son nouveau-né Léon, durant l'événement Dia Nights de 1994 organisé en partenariat avec le Musée de l'Elysée pour la photographie.