Concurrences déloyales : Différence entre versions

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Plus de la moitié des gens sur Terre vivent dans des villes, alors pourquoi vouloir en construire une de plus? N'est-il pas plus simple d'accompagner la transition vers l'écologie dans les villes et villages déjà existants? Oui bien sûr c'est plus simple. Alors pourquoi ne pas le faire? Parce que deux concurrences freinent terriblement toutes les initiatives qui sont démarrées. La première est la concurrence des entreprises irresponsables. En résumé elle crée des situations d'injustice, de fragilité, où nous devenons dépendants à des produits de consommation, à des postes de travail qui nous coupent de notre rôle de gardien de la planète et à nous oriente vers un modèle métro-boulot-dodo où il est très difficile de choisir le commerce équitable, la mobilité douce etc. La deuxième concurrence déloyale est celle de l'état assistentialiste qui « donne du poisson » à tous ceux qui sont dépassés par ce système de surconsommation et qui n'arrivent pas à s'intégrer. Ils reçoivent de l'aide sociale qui les maintient dans un état d'assistance et perdent la culture d'entreprendre. Ces deux concurrences déloyales font perdre la confiance en un monde meilleur. Les gens se disent « de toute façon il y a toujours eu des injustices sur Terre et la situation est plutôt en train d'empirer » de plus il est difficile de proposer des solutions globales comme par exemple l'abandon de la propriété privée au profit d'une économie fonctionnelle (voir article économie fonctionnelle) dans un lieu qui existe déjà. Alors que dans un nouveau lieu les gens n'ont pas l'obligation d'y venir mais s'ils viennent ils savent que les règles, le mode de fonctionnement ne permet pas de propriété privée et encourage par contre l'esprit d'entreprise. Ils ne peuvent pas dire « avant c'était mieux » ou « ça ne va pas marcher » car ils savent qu'ils sont là pour essayer concrètement et se lancer corps et âme dans l'aventure.
 
  
Créer un nouveau lieu lieu pour faire la promotion de nouvelles pratiques n'est pas recommandable. Il serait préférable de permettre d'évoluer aux gens là où ils vivent habituellement. <br>Cependant, dans un climat de concurrences déloyales, cet objectif est difficile à atteindre. Il y a des détracteurs qui oppose des forces contradictoires à la dynamique du projet. Nous sommes contraints de rester dans nos anciens réflexes, nos anciennes pratiques, nos anciennes manières d'être... <br> L'omniprésence de ces concurrences déloyales nous a poussé à choisir un lieu comme Ecopol, un lieu où la population dira: <br> « On a toujours fait comme ça mais on ne sait pas pourquoi et tant qu'on aura pas compris on acceptera pas! » <br> Il aurait certes été plus simple de ne proposer le projet à des personnes déjà sensibilisées et en accord avec les valeurs d'Ecopol, mais c'est irréaliste. C'est pourquoi, des personnes qui ont eu la curiosité de découvrir ce qui existait déjà, qui ont traversé le monde, récupéré de nombreuses informations, puis qui ont utilisé un système web pour confronter leurs idées avec les pratiques, pour les documenter; ont décidé de fonder Ecopol, de proposer aux brésiliens de Bahia une nouvelle façon de vivre. <br> Après avoir permis à la population locale de vivre de nouvelles choses, dans un lieu nouveau, on leur a dit: <br> «Finalement avec du recul je suis d'accord! Au début, je trouvais ça bizarre, c'est parce que j'avais pas pris le temps de bien regarder.  J'avais pas bien compris et j'avais projeté mes peurs. Comme j'avais un peu peur je trouvais que ça ne tenait pas la route ».
 
  
== Description des concurrences déloyales ==
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== Pourquoi un lieu nouveau ? ==
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Plus de la moitié des gens sur Terre vivent dans des villes. Il y a déjà tant de lieux de vie. Alors pourquoi vouloir en construire plus ? N'est-ce pas contribuer à dégrader encore plus l'environnement? N'est-il pas plus simple d'accompagner la transition vers l'écologie dans les lieux déjà existants?
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<br>L'idée d'Ecopol, c'est de démarrer des lieux de zéro en les protégeant au début des concurrences déloyales. Explications.
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Commençons notre explication par quelques données:
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L'écologie a le vent en poupe. Partout, sur la planète, les initiatives à succès se multiplient, qui montrent que l'on peut construire, cultiver,  produire différemment. Les énergies renouvelables fonctionnent. L'économie solidaire aussi. Internet a permis de mettre en valeur les pratiques durables, qui y sont documentées, que chacun peut tester et améliorer. Des prix Nobel ont été attribués au début du 21e siècle à des initiatives particulièrement utiles comme le microcrédit initié au Bangladesh et la reforestation de milliards d'arbres démarrée au Kenya. Mais il y a aussi des freins terribles, des forces contraires, qui explique que la situation évolue lentement.
*évasion fiscale des multinationales fait perdre aux pays en développement 125 milliards d’euros de recettes fiscales, soit 4 fois le montant nécessaire estimé par la FAO pour éradiquer la faim
 
*1% des plus riches mondiaux disposent d'un revenu cumulé égal à celui des 57% les plus pauvres
 
*chaque année de nombreuses firmes multinationales sont condamnées pour non respect de la concurrence
 
<br> Les intérêts privés sont plus fortsque le bien commun, dans notre univers économique, il est difficile pour les petits entreprises de survivre.
 
  
Au sortir de l'université, un jeune homme compétent et ayant une bonne expérience de vie décide de créer une coopérative qui vend des fruits et des légumes. Avec des amis, il va à la rencontre des agriculteurs et leur propose de leur acheter l'ensemble de leur récolte. Les producteurs pourront ainsi diversifier leurs productions et le groupe de jeunes les revendra localement dans des paniers qu'ils distribueront dans la ville voisine.
 
  
Pendant plusieurs années, la coopérative fonctionne, le chiffre d'affaire est bon, l'activité ne manque pas de clients. <br>Mais au bout de 2 à 3 ans, un des membres a besoin de liquidité, il veut revendre ses parts. Comme il estime qu'il s'est beaucoup investi dans le projet, et que la réussite de l'activité dépend de lui, il veut recevoir un bonus. Ces camarades-coopérateurs lui expliquent que son attitude va à l'encontre des principes coopératifs. <br> Afin d'obtenir les gains qu'il espère, ce membre propose à une multinationale ayant la même activité la vente du fichier clients de la coopérative. Il s'associe à cette multinationale leader dans le secteur et négocie sa participation au capital. <br>Il obtient donc le moyen de gagner beaucoup d'argent et met à mal la réussite de la coopérative. <br> Un autre exemple de concurrence déloyale, serait le cas du passager clandestin. Un des coopérateur est moins impliqué que les autres, il cherche à profiter du travail de ses camarades. Etant conscient que le projet revêt également une dimension affective, sociale et citoyenne, il abuse de la gentillesse du groupe. Alors qu'il ne remplit pas sa part de travail, il touche tout de même son salaire. Sa défense se base sur le fait que le projet a été monté pour répondre à une éthique et non pas pour rechercher la rentabilité.
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== Pas le temps ! ==
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Qu'est-ce qui freine l'adoption de pratiques durables rapidement et à large échelle ? Depuis le temps qu'on en parle, qu'on planifie et décrète, pourquoi n'y a-t-il toujours pas un seul pays ou une seule ville réellement sans voiture polluante, et souveraine d'un point de vue alimentaire ?
  
C'est deux attitudes mettent en péril le projet collectif. D'une part, celui qui demande un bonus, entre dans une démarche de négociations, de bras de fer qui va épuiser et démoraliser le groupe. D'autre part, le passager clandestin met à mal le bon fonctionnement de l'organisation. <br> Cet exemple nous enseigne que la réussite d'un projet basé sur l'éthique ne dépend pas seulement de sa qualité. L'implication et les engagements sur le long terme des membres sont également des éléments essentiels.
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Faut-il encore faire preuve de patience? Impossible, toutes les études objectives montrent qu'on doit changer nos pratiques au plus vite. Sans quoi la planète ne pourra plus fournir les ressources nécessaires à la survie de l'espèce humaine.  
  
== Les mécanismes de survie ==
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Ces freins viendrait-il simplement du fait que la majorité des gens sont incrédules, qu'ils ne croient pas qu'il y a danger pour l'humanité à cause de l'usage excessif de nos ressources naturelles, qui pensent que la main invisible du marché suffit ? Non, certaines régulations semblent nécessaires, ne serait-ce que dans le domaine du nucléaire, mais difficile de s'entendre sur lesquelles précisément, tant nos peurs sont nombreuses et divergent, Ces freins viennent-ils des profiteurs sans scrupules, qui soudoient habilement les personnes opportunes pour conserver leur droit d'abuser de nos ressources naturelles rester ainsi en position dominante ? Peut-être en partie, mais cela n'explique pas tout. Car ces abus ne sont pas concertés, il n'y a pas vraiment de complot mondial, de dominance d'une pathologie auto-destructrice chez les humains. L'homme n'est pas que prédateur. Ce serait trop réducteur. L'humain est aussi bienveillant. Alors d'où vient le problème ? Ecopol propose une réponse, et des solutions pour remédier. La source c'est un environnement défavorable, trop dérégulé, qui a généré une oligarchie de obscure, avec des chiffres qui parlent d'eux-même : 1% des humains les plus riches possèdent plus de 80% des ressources.
  
Ce type de situation, bien qu'évitable est tout de même assez fréquent. <br> Nous sommes dans une société duale. Nous considérons que le monde est constitué de gagnants et de perdants. Nous vivons dans un climat de guerre économique. Les gens pensent que si ils ne sont pas des requins ils deviendront le plancton qui se fait dévorer. <br> Dans cette situation, celui qui accepte la précarité, qui s'engage et s'implique pour défendre sa vision du monde part perdant d'avance.  
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Les découvertes scientifiques du XXe siècle ont permis d'accélérer de manière impressionnante les flux de biens et de services. Ceux qui ont les moyens financiers peuvent tout avoir et ceci presque tout de suite. Grâce à Internet, aux avions, aux satellites, aux lasers, aux nanotechnologies, aux biotechnologies et au nucléaire, la planète est devenue un village global. Mais pas un écovillage.
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Un village qui souffre et délire. Car les gens à la tête des grands groupes d'influence n'ont pas eu le temps de s'attaquer aux problèmes de la crise économique mondiale. Soit parce qu'ils sont davantage occupés par leurs propres profits, soit parce que la somme des problèmes est devenue d'une complexité telle que la solution leur échappe, notamment parce qu'elle passe par une remise à plat du système.  Comme dans le Titanic, les réactions sont désorganisées, à la va-vite, sans recul. Tout le monde est débordé.  
  
Une des solutions pour dépasser ce genre de situation, serait d'accepter les règles du jeu. De changer les statuts de la coopérative et d'en faire une société anonyme.  
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A la tête des grands groupes qui dominent ce monde, il y a essentiellement des entrepreneurs habiles regroupés en communautés de pratiques. Tous pensent que s'ils ne jouent pas selon les règles imposées par leurs concurrents, qui consistent à combiner l'honnêteté globale avec de petites touches d'opportunisme sans scrupule, ils seront éjectés de la scène et d'autres moins scrupuleux encore les remplaceront. Alors ils ferment les yeux. La cause principale de cet état de fait est la concentration des pouvoirs. Un petit groupe impose ses règles, peu éthiques, tout en contrôlant finement la parole médiatique. Au final, toute proposition alternative apparaît utopiste, du moins souvent est-elle qualifiée de peu réaliste, voire d'irresponsable dans le contexte économique et social.  
<br>Mais là encore, le groupe de jeunes devrait affronter la concurrence déloyale. La multinationale pourrait jouer de son pouvoir, et négocierait des avantages avec les pouvoirs publics, en contrepartie de son implantation et des emplois qu'elle créera. <br>Elles pourraient demander:
 
*des contrepartie d'aides fiscales,
 
*la priorité sur un terrain,
 
*l'exclusivité de fourniture des établissements publics,
 
<br> Elle pourrait aussi s'inscrire dans une logique lobbyiste et oeuvrer par exemple pour baisser les critères de l'agriculture bio. Ainsi, elle pourra vendre du bio « pas si bio que ça », cultivés par exemple avec des pesticides ou autres produits chimiques.  Produits chimiques qui auraient été reconnus par la directive XYZ, et qualifiés de non risqué pour la santé. Cette directive serait basée sur les recherches d'une autorité sanitaire financée par cette même multinationale.
 
  
De ces exemples, on peut définir deux types de concurrences déloyales.
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Au contraire, dans le modèle de gouvernance proposé dans l'Ecopol, le but est justement de répartir le plus possible la gestion des ressources (voir article gouvernance) entre de nombreux petits responsables autonomes et bien coordonnés. Cela nous paraît être une proposition valable et porteuse de richesse tout autant que de valeurs.
  
===L'appât du gain===
 
  
Dans un monde où tout va très vite, où la complexité est poussée à son paroxysme, celui qui ne maitrise pas les enjeux juridiques, commerciaux et financiers peut très vite être dépassé. Dans ce contexte, les plus grands, les plus forts développe une énergie immense afin d'empêcher l'arrivée de nouveaux concurrents (loyaux) ou de manière à saboter les entreprises déjà présentes.
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== L'inertie est notre frein ==
<br>Les multiationales aujourd'hui ne méritent pas leur position dominante, elles ne font pas preuve de responsabilité. Le manque de scrupules déteint sur les comportements individuels.
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Le problème fondamental ? Les règles de l'économie de marché ne sont pas assez adaptées au respect des humains et de l'environnement. Elles semblent par ailleurs impossibles à contrôler.
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Tout va trop vite. Nous sommes sur un Titanic sans capitaine, incapable d'inverser la tendance. L'inertie du système est bien réelle alimentée par deux "concurrences déloyales" à l'oeuvre.
  
===Les passagers clandestins===
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La première, c'est la défaillance de la régulation des marchés économiques. Elle résulte de l'absence de conscience pour bien poser les limites de l'usage des technologies accélératrices. C'est cette immaturité collective face à ces outils puissants qui renforce les oligarchies d'abuseurs. D'où les sentiments populaires largement répandus que "le monde est injuste" et que "les bonnes initiatives sont soit étouffées soit détournées de leur sens".
  
Certaines personnes sont faibles et facilement attirées par le « farniente ». Lorsque, par exemple, elles constatent que certaines personnes bénéficient d'aides financières sans contreparties fortes, elles souhaitent avoir le même statut. Ces personnes ne valorisent pas le fait de s'investir, de travailler avec efficacité, elles préfèrent profiter du système. Elles finissent par ne plus se sentir comme faisant partie du système, trouver le système biaisé.
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Certes, les règles étaient moins justes et moins bien appliquées il y a 50 ans qu'aujourd'hui. Mais avec le développement de ces technologies accélératrices, les enjeux à tous les niveaux sont encore bien plus importants aujourd'hui qu'hier. Plus les progrès s'accélèrent, plus l'humanité et la nature sont fragilisées par des régulations défaillantes des marchés. C'est une spirale négative.
  
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Par ricochet, la deuxième concurrence est celle d'un état assistantialiste. Car comme le dit bien Albert Jacquard, "L'objectif affiché [de la société actuelle] est de devenir un "gagnant", comme si un gagnant n'était pas, par définition, un producteur de perdants" (''J'accuse l'économie triomphante'', 1995). Le système "produit" des laissés-pour-compte, inaptes à se prendre en main. Ils ont alors besoin d'aide. Aide que vont charitablement donner ceux qui ont préalablement accumulé les richesses, via les gouvernements et les fondations de bienfaisance. Les personnes ainsi assistées perdent leurs habitudes de prendre des initiatives. Les gouvernements achètent la paix sociale, faute de mieux. La responsabilité individuelle et le commerce équitable sont remplacés par de l'aide sociale pour ceux qui n'y croient plus. Et leur nombre augmente.
  
Dans ce contexte, il est très difficile de la protéger l'initiative individuelle dans le temps. Etre honnête, dans un monde globalisé, où toutes les grosses entreprises ont des pratiques de concurrence déloyale, de dumping par les prix, d'ententes stratégiques, de monopoles, de changements de normes, de lobbying, relève du défi. <br> Au final, on en arrive à préférer recevoir du poisson plutôt qu'apprendre à pêcher. On réalise que la pêche est déloyale, et que même en faisant partie d'une fédération de pêcheurs on ne sera pas entendu. À force d'injustices sociales, on arrête de croire en soi, on démissionne de son rôle de citoyen actif ou de travailleur autonome et engagé.
 
  
Les acteurs de la concurrence déloyale sont inconsciemment conscients du mal qu'ils font à la société. Cette conscience les pousse à tenter de compenser leurs déviances.  
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== Si Ecopol venait d'un lieu existant ==
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Le budget de démarrage est d'environ 10 millions d'euros, pour 100 à 500 pionniers et 10 000 visiteurs par an. Prenez un quartier d'une petite ville, de Tunisie par exemple, qui a vécu une belle révolution pacifique pleine d'espoir en 2011. Injectons ces ressources : argent, pionniers compétents, visiteurs qui font tourner l'économie locale. Environ la moitié du quartier est occupé par cette nouvelle dynamique. Ecole pour tous, travail pour tous, système informatique pour tous. Mêmes règles, équité des chances pour tous.
  
Dans le cas des premiers, lorsqu'ils auront accumulé de nombreuses richesses, ils adopteront une position libérale communiste. <br> Les dirigeants des grandes entreprises mondiales, qui sont les premiers à adopter des pratiques déloyales, créent des fondations et se gargarisent de leur charité. Ils agissent sans scrupules d'une part, abusent de leur pouvoir, et tentent par ailleurs de réduire les inégalités dont ils sont les créateurs.
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Sur le papier, c'est bien beau, mais il faudra négocier avec les habitants du quartier. Les amener à apprécier les règles de fonctionnement. S'ils ne les acceptent pas, que faire ? Des demi-mesures ? Des compromis ? Un temps d'adaptation ? Ou une rupture nette, en les relogeant ailleurs ? Si c'est comme ça, où iront-ils ? Auront-ils un point de chute ? Allons-nous les payer pour rebondir ailleurs ? Accepteront-ils ? Combien réussiront à s'intégrer ?
  
Les seconds, pour compenser leurs désengagements, feront preuve par exemple d'une grande générosité avec leurs proches. Ou bien ils pratiqueront la décroissance, ils choisiront de consommer peu mais resteront dépendant de l'état. Disposant de beaucoup de temps libres, ils s'impliqueront beaucoup pour leur quartier.
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Vous avez une autre idée ? Venez en discuter dans le forum de cet article! Car après plus de 30 ans d'expériences pratiques, d'entretiens avec des sociologues et praticiens, il ne semble pas y avoir de perspectives pour un écovillage s'établissant dans un lieu déjà occupé par de nombreux habitants.
  
Dans un cas, comme un autre, ces personnes pourraient être félicitées pour leurs actions charitables, sociales et citoyennes. Mais il ne faut pas oublier, que c'est par leurs agissements premiers, par le rôle dans le développement des concurrences déloyales, que la société souffre et qu'elle a donc besoin d'actions correctrices.
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La formule ne peut fonctionner à large échelle que si les règles de bases sont les mêmes pour tous : économie fonctionnelle, pas d'héritage, obligation de développer formellement ses compétences. Si ces règles sont optionnelles, cela fera trop de cas spéciaux, de principes non respectées, d'injustices, et au final on retombera sur les deux concurrences déloyales : l'absence de régulation et l'assistanat. C'est ce qui se passent dans les lieux communautaires que sont Auroville et Findhorn. C'est ce que ce vivent aussi les participants aux réseaux de l'économie solidaire et du microcrédit : on y constate des règles passablement défaillantes sur certains points-clés, et une part significative des habitants qui vivent d'aides sociales. Pas partout, pas tout le temps. Mais suffisamment, et toujours pour les mêmes raisons : un environnement défavorable, gangrené par les deux concurrences déloyales.  
  
== Attitudes à adopter face aux concurrences déloyales==
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=== Ecopol dans un lieu nouveau ===
  
Pour se protéger de ces deux concurrences déloyales il existe une solution: les bannir en amont. Ne pas accepter qu'elles existent dans notre environnement social et économique. <br> Mais ceci n'est possible que dans des situation particulières.
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Dans un lieu où personne n'habitait avant le démarrage d'Ecopol, les abus répétés sont sanctionnés par une exclusion. C'est dur, mais cela n'enlève en rien la cohérence sociale et éthique du propos. Car tout le monde peut y tenter sa chance. Il n'y a qu'un vrai risque : seule une part infime des candidats résidents deviendra résidente autonome après quelques années d'expérience, et beaucoup partiront après quelques mois d'essai. Selon les statistiques de l'association Smala qui a géré 35 maisons communautaires en Suisse romande depuis 1993 sous la responsabilité de Théo Bondolfi, environ une personne sur 15 à 25 a réussi à s'intégrer et à apprécier durablement la démarche. Les autres sont trop dépendants des concurrences déloyales. Et sur ceux qui y parviennent, seul un tiers reste. Les autres considèrent que cela a été une très bonne expérience, mais poursuivent leur route pour diverses raisons : opportunité professionnelle ailleurs, conjoint préférant une vie en famille plutôt qu'en communauté, études... L'intérêt de passer de la situation de maison communautaire à celle de pôle communautaire avec des centaines voire des milliers d'habitants, c'est justement de proposer une plus large palette d'options de travail, l'intimité pour les familles, des possibilités d'études, etc.  
  
===Vivre au Bhoutan===
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A noter enfin que plus il y aura de candidats, plus la communauté sera stable. Cela aussi, nous l'avons expérimenté dans la gérance Ecovie de Smala. Stable au sens de réduction du nombre d'entrées et sorties, augmentation des succès de l'intégration de nouveaux arrivants, et au final une équipe qui fait corps, ensemble, avec ses forces et ses faiblesses. C'est assurément une dynamique reproductible à différents endroits sur Terre.
  
Le  Bhoutan est un pays où on peut à peine fumer, parce qu'il n'y a pas de marchands de cigarettes.  Lorsqu'on est stressé la seule solution est la méditation. On ne peut passer des heures et heures devant la télévision tout simplement parce que ça n'existe pas. Le premier indicateur national est le bonheur intérieur brut, le bonheur national et non pas la production. Le troc est beaucoup pratiqué. <br>C'est un pays que l'on pourrait qualifier d'arriéré, cependant il existe des initiatives nouvelles. C'est un pays où les concurrences déloyales n'existent guère.
 
  
" D'abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, ensuite ils vous combattent " Gandhi
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== Conclusion : célébrons la théorie des jeux ==
<br>Ecopol, en tant que création ex-nihilo, sera un lieu vierge de toute concurrence déloyale. Créé à partir de rien, mais sur de bonnes bases pour se développer de manière saine et durable, Ecopol est une forme de resistance non violente.
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C'est beaucoup plus difficile de faire évoluer les choses quand des gens sont déjà installés. Et tant que les crises ne sont pas assez fortes, il y aura toujours une minorité de lobbies pour manipuler l'opinion publique. Ils évitent ainsi une remise en question fondamentale des règles du jeu qui leur assure une position dominante.  
  
Sources
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On dit que "sur le fumier fleurit la rose". Il est vrai que même dans les environnements les plus glauques, des personnes exceptionnelles émergent. Mais pas des groupes exceptionnels. Et surtout, les oeuvres de ces personnes exceptionnelles survivent difficilement. C'est pour cela que, si on revient à l'essentiel, c'est-à-dire à l'esprit collectif de l'humanité, si on veut faciliter l'enfantement d'une dynamique positive, il faut la couver dès le début.
  
www.ccfd-terresolidaire.org
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La proposition est d'incuber Ecopol, comme des parents avec une bonne expérience de vie protègent leurs enfants et leur donnent petit à petit la force d'affronter le monde. Ainsi, on peut assurer une sélection naturelle réaliste : la loi du plus coopératif. C'est le principe de la théorie des jeux<ref>http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_jeux</ref>. Elle dit en résumé que ceux qui survivent sont ceux qui pratiquent le principe de coopération, de réciprocité et de pardon.  
www.anarchopedia.org
 
  
==Nouvel encart==
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Et dans une société où les croyances qui colonisent notre esprit sont émises par une majorité de gens désemparés, proposant des demi-mesures, les freins sont trop forts pour relever les défis de l'écologie. Les bonnes initiatives sont soit étouffées, soit détournées de leur raison d'être. Une initiative globale protégée peut être utile à tous, pas seulement à ceux qui y vivront.
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Ce n'est pas ainsi que les écolieux comme Auroville et Findhorn ont démarré. Ni les réseaux de l'économie solidaire. Ils ont démarré dans un environnement défavorable, et ils ont souffert de la présence de nombreux vers dans la pomme, de mauvais départs à de nombreux égards. Essayons de voir si Ecopol fera mieux. Qui ne tente rien n'a rien.
  
Un autre chiffre qui est significatif nous est donné par une des fondatrices du projet Ecopol, Marie Jane Berchten, qui a été responsable administrative d'une des sections régionales de la lutte suisse contre le crime organisé: c'est qu'un mouvement financier en dessous de 10 millions échappe à la surveillance des banques. Donc typiquement, quelqu'un qui va faire de nombreux mouvements financiers de quelques centaines de milliers de dollars ou d'euros va passer en dessous du radar des malversations financières que les banques vont spontanément signaler. En résumé, il suffit donc de morceler en plein de petits morceaux pour passer ce qu'on veut. Et ça c'est fréquent. Et typiquement on a là un exemple où les concurrences déloyales sont très fortes.
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=Encarts de cet article=
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== Libéral communisme : non merci !==
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La majorité des dirigeants de grandes entreprises pensent "mieux vaut d'abord faire le requin, et une fois bien installé, redistribuer charitablement ses richesses en aidant les pauvres à se remettre des discriminations structurelles subies". Ce sont des libéraux qui combattent leurs concurrents en ne respectant que partiellement les règles du marché. Les paradis fiscaux, par exemple, sont des moyens de contourner les règles du marché. Sitôt riches, ils redistribuent une partie de leurs pactole, tels les bons princes. Ils utilisent souvent les mêmes termes que dans ce livre : encourager les micro-initiatives, l'esprit d'entreprise sociale, le commerce équitable. Cela prête à confusion. Mais si on creuse on constate leurs abus. C'est bien simple : être riche de plusieurs millions ne peut être que le résultat d'un abus ou d'un héritage indu. Même rêver de gagner à la loterie, ce n'est pas une bonne idée. Cela génère de mauvais rêves. Des rêves d'argent indûment gagné. Mais dire cela, c'est politiquement très incorrect. C'est tabou. Il y a encore des tabous. Le vrai tabou, c'est que la charité ne peut être le résultat d'un commerce inéquitable. C'est un principe de cause à effet. ''Trade not aid'' disait l'ancien président américain Bill Clinton dans sa tournée en Afrique en 1998. J'étais là sur l'ile de Gorée, l'ile des esclaves devant Dakar, quand il a fait son discours. ''Négociez, n'aidez pas''. Dans un environnement libéral communiste, aux prises avec les deux concurrences déloyales, en pleine inertie, le défi de la négociation pour le commerce équitable est trop grand, même si parfois il peut donner de bons résultats. Mais dans un environnement protégé comme celui proposé par Ecopol, il est envisageable que quasiment tous les échanges soient équitables. 
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Les gens qui participent à l'aventure d'Ecopol sont informés que c'est cette dynamique qui leur est proposée. Non pas un modèle libéral-communiste d'abus puis de charité, financé par de grands investisseurs qui ont reçu des fonds indûs. Mais un vrai mode de fonctionnement micro-entrepreneurial, financé par des milliers de petits et moyens épargnants qui croient en cette idée. Un projet mis en oeuvre par des milliers de résidents pratiquants de la simplicité volontaire, où les défaillances de la régulation sont traquées collectivement, souplement sur la forme, fermement sur le fond.
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== Non-alignement ==
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''Avant en Yougoslavie, on n'avait pas de liberté d'expression, mais on avait à manger, du travail, la sécurité sociale, le respect. On pouvait aller dans tous les pays du monde avec notre passeport, sans visa, sauf une dizaine de pays sur terre. Et la libéralisation des marchés est passée par là. Maintenant en Bosnie on a la liberté d'expression, et c'est tout. On n'a plus à manger, plus de travail, la violence dans les rues, l'absence de respect. Et avec notre passeport, on ne peut plus voyager que dans une dizaine de pays.
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''
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''Paroles d'un chauffeur de taxi d'origine bosniaque à Grandvaux, Suisse, mars 2011.
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''PS : ce livre n'est en aucune manière une apologie du socialisme à la soviétique. C'est au contraire la mise en valeur d'une culture de non-alignement politique et culturel propre à la Yougoslavie des années 1950 à 1980. J'y ai vécu plusieurs mois, à 16 ans, dans les derniers mois de cette époque particulière du non-alignement. J'ai pu y constater les réalités de vie des non-alignés. Comme le propose aussi l'Ecopol, la Yougoslavie essayait d'échapper aux deux concurrences déloyales que sont l'économie de marché dite libérale avec une régulation défaillante et l'assistance sociale dite communiste. Une cinquantaine de pays participaient alors à cette dynamique, et la qualité de vie y était globalement bien meilleure. Parmi eux de grands pays comme l'Indonésie et le Nigeria. Le reste du monde était pris dans une guerre froide entre capitalistes et communistes.
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La liberté d'expression étant aujourd'hui facilitée par l'omniprésence d'Internet, il semble possible de réconcilier non-alignement et démocratie participative.
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=== Concurrences déloyales : chiffres et exemples ===
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*l'évasion fiscale des multinationales fait perdre aux pays en développement 125 milliards d’euros de recettes fiscales, soit 4 fois le montant nécessaire estimé par la FAO pour éradiquer la faim.
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*1% des plus riches mondiaux disposent d'un revenu cumulé égal à celui des 57% les plus pauvres.
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*chaque année de nombreuses firmes multinationales sont condamnées pour non respect de la concurrence.
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Exemple de prestations fournies plus souvent aux grandes entreprises qu'aux petites en échange de la création d'emplois
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*contrepartie d'aides fiscales,
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*priorité sur l'achat ou la location d'un terrain,
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*exclusivité de fourniture des établissements publics.
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<br> Les intérêts privés sont plus forts que le bien commun. Dans notre réalité économique, il est difficile pour les petites entreprises de survivre.
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''Sources : http://www.ccfd-terresolidaire.org
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==Vivre au Bhoutan==
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Le  Bhoutan est un pays où on peut à peine fumer, parce qu'il n'y a pas de marchands de cigarettes. Lorsqu'on est stressé la seule solution est la méditation. On ne peut passer des heures et heures devant la télévision tout simplement parce que ça n'existe pas. Le troc est beaucoup pratiqué. <br>C'est un pays que certains qualifieraient d'arriéré, cependant il existe des initiatives nouvelles. C'est un pays où les concurrences déloyales n'existent guère.
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L’une des particularités du Bhoutan est sa recherche du bonheur à travers l’amélioration de son bonheur national brut ou BNB<ref>http://fr.wikipedia.org/wiki/Bhoutan</ref>. Là où la majorité des gouvernements se basent sur la valeur du produit national brut (PNB) pour mesurer le niveau de richesse des citoyens, le Bhoutan a substitué le BNB pour mesurer le niveau de bonheur de ses habitants. Cet indice, instauré par le roi Jigme Singye Wangchuck en 1972, se base sur quatre principes fondamentaux, piliers du développement durable, à savoir :
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la croissance et le développement économiques responsables ;
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la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise ;
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la sauvegarde de l'environnement et la promotion du développement durable ;
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la bonne gouvernance responsable.
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==L'exception qui confirme la règle==
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Un autre chiffre qui est significatif nous est donné par une des fondatrices du projet Ecopol, Marie Jane Berchten. Elle a été responsable administrative d'une des sections régionales de la lutte suisse contre le crime organisé. Dans ce contexte, elle a constaté qu'un mouvement financier en dessous de 10 millions échappe à la surveillance des banques. Donc typiquement, un groupe mafieux qui n'a pas de lien avec une organisation terroriste, mais ne fait que blanchir de l'argent, et qui va faire de nombreux mouvements financiers de quelques centaines de milliers de dollars ou d'euros, va passer en dessous du radar des malversations financières que les banques vont spontanément signaler. Idem pour les évasions fiscales des bénéfices des grandes enreprises. En résumé, il suffit donc de morceler en plein de petits morceaux pour passer ce qu'on veut. Et ça c'est fréquent. Et typiquement on a là un exemple où les concurrences déloyales sont très fortes. Comment voulez-vous dans ce contexte assurer la pérennité d'initiatives honnêtes ? Très difficile, sauf dans quelques niches commerciales, comme les produits Weleda de l'anthroposophie (chiffre d'affaire annuel de 300 millions d'euros), qui est une des exceptions qui confirment cette règle.
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== Notes et références==
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Version actuelle datée du 10 juin 2013 à 17:21


Pourquoi un lieu nouveau ?

Plus de la moitié des gens sur Terre vivent dans des villes. Il y a déjà tant de lieux de vie. Alors pourquoi vouloir en construire plus ? N'est-ce pas contribuer à dégrader encore plus l'environnement? N'est-il pas plus simple d'accompagner la transition vers l'écologie dans les lieux déjà existants?
L'idée d'Ecopol, c'est de démarrer des lieux de zéro en les protégeant au début des concurrences déloyales. Explications.

L'écologie a le vent en poupe. Partout, sur la planète, les initiatives à succès se multiplient, qui montrent que l'on peut construire, cultiver, produire différemment. Les énergies renouvelables fonctionnent. L'économie solidaire aussi. Internet a permis de mettre en valeur les pratiques durables, qui y sont documentées, que chacun peut tester et améliorer. Des prix Nobel ont été attribués au début du 21e siècle à des initiatives particulièrement utiles comme le microcrédit initié au Bangladesh et la reforestation de milliards d'arbres démarrée au Kenya. Mais il y a aussi des freins terribles, des forces contraires, qui explique que la situation évolue lentement.


Pas le temps !

Qu'est-ce qui freine l'adoption de pratiques durables rapidement et à large échelle ? Depuis le temps qu'on en parle, qu'on planifie et décrète, pourquoi n'y a-t-il toujours pas un seul pays ou une seule ville réellement sans voiture polluante, et souveraine d'un point de vue alimentaire ?

Faut-il encore faire preuve de patience? Impossible, toutes les études objectives montrent qu'on doit changer nos pratiques au plus vite. Sans quoi la planète ne pourra plus fournir les ressources nécessaires à la survie de l'espèce humaine.

Ces freins viendrait-il simplement du fait que la majorité des gens sont incrédules, qu'ils ne croient pas qu'il y a danger pour l'humanité à cause de l'usage excessif de nos ressources naturelles, qui pensent que la main invisible du marché suffit ? Non, certaines régulations semblent nécessaires, ne serait-ce que dans le domaine du nucléaire, mais difficile de s'entendre sur lesquelles précisément, tant nos peurs sont nombreuses et divergent, Ces freins viennent-ils des profiteurs sans scrupules, qui soudoient habilement les personnes opportunes pour conserver leur droit d'abuser de nos ressources naturelles rester ainsi en position dominante ? Peut-être en partie, mais cela n'explique pas tout. Car ces abus ne sont pas concertés, il n'y a pas vraiment de complot mondial, de dominance d'une pathologie auto-destructrice chez les humains. L'homme n'est pas que prédateur. Ce serait trop réducteur. L'humain est aussi bienveillant. Alors d'où vient le problème ? Ecopol propose une réponse, et des solutions pour remédier. La source c'est un environnement défavorable, trop dérégulé, qui a généré une oligarchie de obscure, avec des chiffres qui parlent d'eux-même : 1% des humains les plus riches possèdent plus de 80% des ressources.

Les découvertes scientifiques du XXe siècle ont permis d'accélérer de manière impressionnante les flux de biens et de services. Ceux qui ont les moyens financiers peuvent tout avoir et ceci presque tout de suite. Grâce à Internet, aux avions, aux satellites, aux lasers, aux nanotechnologies, aux biotechnologies et au nucléaire, la planète est devenue un village global. Mais pas un écovillage. Un village qui souffre et délire. Car les gens à la tête des grands groupes d'influence n'ont pas eu le temps de s'attaquer aux problèmes de la crise économique mondiale. Soit parce qu'ils sont davantage occupés par leurs propres profits, soit parce que la somme des problèmes est devenue d'une complexité telle que la solution leur échappe, notamment parce qu'elle passe par une remise à plat du système. Comme dans le Titanic, les réactions sont désorganisées, à la va-vite, sans recul. Tout le monde est débordé.

A la tête des grands groupes qui dominent ce monde, il y a essentiellement des entrepreneurs habiles regroupés en communautés de pratiques. Tous pensent que s'ils ne jouent pas selon les règles imposées par leurs concurrents, qui consistent à combiner l'honnêteté globale avec de petites touches d'opportunisme sans scrupule, ils seront éjectés de la scène et d'autres moins scrupuleux encore les remplaceront. Alors ils ferment les yeux. La cause principale de cet état de fait est la concentration des pouvoirs. Un petit groupe impose ses règles, peu éthiques, tout en contrôlant finement la parole médiatique. Au final, toute proposition alternative apparaît utopiste, du moins souvent est-elle qualifiée de peu réaliste, voire d'irresponsable dans le contexte économique et social.

Au contraire, dans le modèle de gouvernance proposé dans l'Ecopol, le but est justement de répartir le plus possible la gestion des ressources (voir article gouvernance) entre de nombreux petits responsables autonomes et bien coordonnés. Cela nous paraît être une proposition valable et porteuse de richesse tout autant que de valeurs.


L'inertie est notre frein

Le problème fondamental ? Les règles de l'économie de marché ne sont pas assez adaptées au respect des humains et de l'environnement. Elles semblent par ailleurs impossibles à contrôler. Tout va trop vite. Nous sommes sur un Titanic sans capitaine, incapable d'inverser la tendance. L'inertie du système est bien réelle alimentée par deux "concurrences déloyales" à l'oeuvre.

La première, c'est la défaillance de la régulation des marchés économiques. Elle résulte de l'absence de conscience pour bien poser les limites de l'usage des technologies accélératrices. C'est cette immaturité collective face à ces outils puissants qui renforce les oligarchies d'abuseurs. D'où les sentiments populaires largement répandus que "le monde est injuste" et que "les bonnes initiatives sont soit étouffées soit détournées de leur sens".

Certes, les règles étaient moins justes et moins bien appliquées il y a 50 ans qu'aujourd'hui. Mais avec le développement de ces technologies accélératrices, les enjeux à tous les niveaux sont encore bien plus importants aujourd'hui qu'hier. Plus les progrès s'accélèrent, plus l'humanité et la nature sont fragilisées par des régulations défaillantes des marchés. C'est une spirale négative.

Par ricochet, la deuxième concurrence est celle d'un état assistantialiste. Car comme le dit bien Albert Jacquard, "L'objectif affiché [de la société actuelle] est de devenir un "gagnant", comme si un gagnant n'était pas, par définition, un producteur de perdants" (J'accuse l'économie triomphante, 1995). Le système "produit" des laissés-pour-compte, inaptes à se prendre en main. Ils ont alors besoin d'aide. Aide que vont charitablement donner ceux qui ont préalablement accumulé les richesses, via les gouvernements et les fondations de bienfaisance. Les personnes ainsi assistées perdent leurs habitudes de prendre des initiatives. Les gouvernements achètent la paix sociale, faute de mieux. La responsabilité individuelle et le commerce équitable sont remplacés par de l'aide sociale pour ceux qui n'y croient plus. Et leur nombre augmente.


Si Ecopol venait d'un lieu existant

Le budget de démarrage est d'environ 10 millions d'euros, pour 100 à 500 pionniers et 10 000 visiteurs par an. Prenez un quartier d'une petite ville, de Tunisie par exemple, qui a vécu une belle révolution pacifique pleine d'espoir en 2011. Injectons ces ressources : argent, pionniers compétents, visiteurs qui font tourner l'économie locale. Environ la moitié du quartier est occupé par cette nouvelle dynamique. Ecole pour tous, travail pour tous, système informatique pour tous. Mêmes règles, équité des chances pour tous.

Sur le papier, c'est bien beau, mais il faudra négocier avec les habitants du quartier. Les amener à apprécier les règles de fonctionnement. S'ils ne les acceptent pas, que faire ? Des demi-mesures ? Des compromis ? Un temps d'adaptation ? Ou une rupture nette, en les relogeant ailleurs ? Si c'est comme ça, où iront-ils ? Auront-ils un point de chute ? Allons-nous les payer pour rebondir ailleurs ? Accepteront-ils ? Combien réussiront à s'intégrer ?

Vous avez une autre idée ? Venez en discuter dans le forum de cet article! Car après plus de 30 ans d'expériences pratiques, d'entretiens avec des sociologues et praticiens, il ne semble pas y avoir de perspectives pour un écovillage s'établissant dans un lieu déjà occupé par de nombreux habitants.

La formule ne peut fonctionner à large échelle que si les règles de bases sont les mêmes pour tous : économie fonctionnelle, pas d'héritage, obligation de développer formellement ses compétences. Si ces règles sont optionnelles, cela fera trop de cas spéciaux, de principes non respectées, d'injustices, et au final on retombera sur les deux concurrences déloyales : l'absence de régulation et l'assistanat. C'est ce qui se passent dans les lieux communautaires que sont Auroville et Findhorn. C'est ce que ce vivent aussi les participants aux réseaux de l'économie solidaire et du microcrédit : on y constate des règles passablement défaillantes sur certains points-clés, et une part significative des habitants qui vivent d'aides sociales. Pas partout, pas tout le temps. Mais suffisamment, et toujours pour les mêmes raisons : un environnement défavorable, gangrené par les deux concurrences déloyales.

Ecopol dans un lieu nouveau

Dans un lieu où personne n'habitait avant le démarrage d'Ecopol, les abus répétés sont sanctionnés par une exclusion. C'est dur, mais cela n'enlève en rien la cohérence sociale et éthique du propos. Car tout le monde peut y tenter sa chance. Il n'y a qu'un vrai risque : seule une part infime des candidats résidents deviendra résidente autonome après quelques années d'expérience, et beaucoup partiront après quelques mois d'essai. Selon les statistiques de l'association Smala qui a géré 35 maisons communautaires en Suisse romande depuis 1993 sous la responsabilité de Théo Bondolfi, environ une personne sur 15 à 25 a réussi à s'intégrer et à apprécier durablement la démarche. Les autres sont trop dépendants des concurrences déloyales. Et sur ceux qui y parviennent, seul un tiers reste. Les autres considèrent que cela a été une très bonne expérience, mais poursuivent leur route pour diverses raisons : opportunité professionnelle ailleurs, conjoint préférant une vie en famille plutôt qu'en communauté, études... L'intérêt de passer de la situation de maison communautaire à celle de pôle communautaire avec des centaines voire des milliers d'habitants, c'est justement de proposer une plus large palette d'options de travail, l'intimité pour les familles, des possibilités d'études, etc.

A noter enfin que plus il y aura de candidats, plus la communauté sera stable. Cela aussi, nous l'avons expérimenté dans la gérance Ecovie de Smala. Stable au sens de réduction du nombre d'entrées et sorties, augmentation des succès de l'intégration de nouveaux arrivants, et au final une équipe qui fait corps, ensemble, avec ses forces et ses faiblesses. C'est assurément une dynamique reproductible à différents endroits sur Terre.


Conclusion : célébrons la théorie des jeux

C'est beaucoup plus difficile de faire évoluer les choses quand des gens sont déjà installés. Et tant que les crises ne sont pas assez fortes, il y aura toujours une minorité de lobbies pour manipuler l'opinion publique. Ils évitent ainsi une remise en question fondamentale des règles du jeu qui leur assure une position dominante.

On dit que "sur le fumier fleurit la rose". Il est vrai que même dans les environnements les plus glauques, des personnes exceptionnelles émergent. Mais pas des groupes exceptionnels. Et surtout, les oeuvres de ces personnes exceptionnelles survivent difficilement. C'est pour cela que, si on revient à l'essentiel, c'est-à-dire à l'esprit collectif de l'humanité, si on veut faciliter l'enfantement d'une dynamique positive, il faut la couver dès le début.

La proposition est d'incuber Ecopol, comme des parents avec une bonne expérience de vie protègent leurs enfants et leur donnent petit à petit la force d'affronter le monde. Ainsi, on peut assurer une sélection naturelle réaliste : la loi du plus coopératif. C'est le principe de la théorie des jeux[1]. Elle dit en résumé que ceux qui survivent sont ceux qui pratiquent le principe de coopération, de réciprocité et de pardon.

Et dans une société où les croyances qui colonisent notre esprit sont émises par une majorité de gens désemparés, proposant des demi-mesures, les freins sont trop forts pour relever les défis de l'écologie. Les bonnes initiatives sont soit étouffées, soit détournées de leur raison d'être. Une initiative globale protégée peut être utile à tous, pas seulement à ceux qui y vivront.

Ce n'est pas ainsi que les écolieux comme Auroville et Findhorn ont démarré. Ni les réseaux de l'économie solidaire. Ils ont démarré dans un environnement défavorable, et ils ont souffert de la présence de nombreux vers dans la pomme, de mauvais départs à de nombreux égards. Essayons de voir si Ecopol fera mieux. Qui ne tente rien n'a rien.

Encarts de cet article

Libéral communisme : non merci !

La majorité des dirigeants de grandes entreprises pensent "mieux vaut d'abord faire le requin, et une fois bien installé, redistribuer charitablement ses richesses en aidant les pauvres à se remettre des discriminations structurelles subies". Ce sont des libéraux qui combattent leurs concurrents en ne respectant que partiellement les règles du marché. Les paradis fiscaux, par exemple, sont des moyens de contourner les règles du marché. Sitôt riches, ils redistribuent une partie de leurs pactole, tels les bons princes. Ils utilisent souvent les mêmes termes que dans ce livre : encourager les micro-initiatives, l'esprit d'entreprise sociale, le commerce équitable. Cela prête à confusion. Mais si on creuse on constate leurs abus. C'est bien simple : être riche de plusieurs millions ne peut être que le résultat d'un abus ou d'un héritage indu. Même rêver de gagner à la loterie, ce n'est pas une bonne idée. Cela génère de mauvais rêves. Des rêves d'argent indûment gagné. Mais dire cela, c'est politiquement très incorrect. C'est tabou. Il y a encore des tabous. Le vrai tabou, c'est que la charité ne peut être le résultat d'un commerce inéquitable. C'est un principe de cause à effet. Trade not aid disait l'ancien président américain Bill Clinton dans sa tournée en Afrique en 1998. J'étais là sur l'ile de Gorée, l'ile des esclaves devant Dakar, quand il a fait son discours. Négociez, n'aidez pas. Dans un environnement libéral communiste, aux prises avec les deux concurrences déloyales, en pleine inertie, le défi de la négociation pour le commerce équitable est trop grand, même si parfois il peut donner de bons résultats. Mais dans un environnement protégé comme celui proposé par Ecopol, il est envisageable que quasiment tous les échanges soient équitables.

Les gens qui participent à l'aventure d'Ecopol sont informés que c'est cette dynamique qui leur est proposée. Non pas un modèle libéral-communiste d'abus puis de charité, financé par de grands investisseurs qui ont reçu des fonds indûs. Mais un vrai mode de fonctionnement micro-entrepreneurial, financé par des milliers de petits et moyens épargnants qui croient en cette idée. Un projet mis en oeuvre par des milliers de résidents pratiquants de la simplicité volontaire, où les défaillances de la régulation sont traquées collectivement, souplement sur la forme, fermement sur le fond.


Non-alignement

Avant en Yougoslavie, on n'avait pas de liberté d'expression, mais on avait à manger, du travail, la sécurité sociale, le respect. On pouvait aller dans tous les pays du monde avec notre passeport, sans visa, sauf une dizaine de pays sur terre. Et la libéralisation des marchés est passée par là. Maintenant en Bosnie on a la liberté d'expression, et c'est tout. On n'a plus à manger, plus de travail, la violence dans les rues, l'absence de respect. Et avec notre passeport, on ne peut plus voyager que dans une dizaine de pays.

Paroles d'un chauffeur de taxi d'origine bosniaque à Grandvaux, Suisse, mars 2011. PS : ce livre n'est en aucune manière une apologie du socialisme à la soviétique. C'est au contraire la mise en valeur d'une culture de non-alignement politique et culturel propre à la Yougoslavie des années 1950 à 1980. J'y ai vécu plusieurs mois, à 16 ans, dans les derniers mois de cette époque particulière du non-alignement. J'ai pu y constater les réalités de vie des non-alignés. Comme le propose aussi l'Ecopol, la Yougoslavie essayait d'échapper aux deux concurrences déloyales que sont l'économie de marché dite libérale avec une régulation défaillante et l'assistance sociale dite communiste. Une cinquantaine de pays participaient alors à cette dynamique, et la qualité de vie y était globalement bien meilleure. Parmi eux de grands pays comme l'Indonésie et le Nigeria. Le reste du monde était pris dans une guerre froide entre capitalistes et communistes. La liberté d'expression étant aujourd'hui facilitée par l'omniprésence d'Internet, il semble possible de réconcilier non-alignement et démocratie participative.


Concurrences déloyales : chiffres et exemples

  • l'évasion fiscale des multinationales fait perdre aux pays en développement 125 milliards d’euros de recettes fiscales, soit 4 fois le montant nécessaire estimé par la FAO pour éradiquer la faim.
  • 1% des plus riches mondiaux disposent d'un revenu cumulé égal à celui des 57% les plus pauvres.
  • chaque année de nombreuses firmes multinationales sont condamnées pour non respect de la concurrence.

Exemple de prestations fournies plus souvent aux grandes entreprises qu'aux petites en échange de la création d'emplois

  • contrepartie d'aides fiscales,
  • priorité sur l'achat ou la location d'un terrain,
  • exclusivité de fourniture des établissements publics.



Les intérêts privés sont plus forts que le bien commun. Dans notre réalité économique, il est difficile pour les petites entreprises de survivre.


Sources : http://www.ccfd-terresolidaire.org

Vivre au Bhoutan

Le Bhoutan est un pays où on peut à peine fumer, parce qu'il n'y a pas de marchands de cigarettes. Lorsqu'on est stressé la seule solution est la méditation. On ne peut passer des heures et heures devant la télévision tout simplement parce que ça n'existe pas. Le troc est beaucoup pratiqué.
C'est un pays que certains qualifieraient d'arriéré, cependant il existe des initiatives nouvelles. C'est un pays où les concurrences déloyales n'existent guère.

L’une des particularités du Bhoutan est sa recherche du bonheur à travers l’amélioration de son bonheur national brut ou BNB[2]. Là où la majorité des gouvernements se basent sur la valeur du produit national brut (PNB) pour mesurer le niveau de richesse des citoyens, le Bhoutan a substitué le BNB pour mesurer le niveau de bonheur de ses habitants. Cet indice, instauré par le roi Jigme Singye Wangchuck en 1972, se base sur quatre principes fondamentaux, piliers du développement durable, à savoir : la croissance et le développement économiques responsables ; la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise ; la sauvegarde de l'environnement et la promotion du développement durable ; la bonne gouvernance responsable.

L'exception qui confirme la règle

Un autre chiffre qui est significatif nous est donné par une des fondatrices du projet Ecopol, Marie Jane Berchten. Elle a été responsable administrative d'une des sections régionales de la lutte suisse contre le crime organisé. Dans ce contexte, elle a constaté qu'un mouvement financier en dessous de 10 millions échappe à la surveillance des banques. Donc typiquement, un groupe mafieux qui n'a pas de lien avec une organisation terroriste, mais ne fait que blanchir de l'argent, et qui va faire de nombreux mouvements financiers de quelques centaines de milliers de dollars ou d'euros, va passer en dessous du radar des malversations financières que les banques vont spontanément signaler. Idem pour les évasions fiscales des bénéfices des grandes enreprises. En résumé, il suffit donc de morceler en plein de petits morceaux pour passer ce qu'on veut. Et ça c'est fréquent. Et typiquement on a là un exemple où les concurrences déloyales sont très fortes. Comment voulez-vous dans ce contexte assurer la pérennité d'initiatives honnêtes ? Très difficile, sauf dans quelques niches commerciales, comme les produits Weleda de l'anthroposophie (chiffre d'affaire annuel de 300 millions d'euros), qui est une des exceptions qui confirment cette règle.

Notes et références