Eau, air, terre, feu, numérique : sacrées propriétés : Différence entre versions

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== Les cinq propriétés socio-techniques du numérique ==
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=== Les cinq propriétés socio-techniques du numérique ===
  
 
L'eau devient glace au-dessous de zéro degré Celsius et vapeur au-dessus de 100°. Elle est fluide ou solide, et de nombreuses substances peuvent s'y dissoudre. On dit même que l'eau a une mémoire. Et l'air ? Lui aussi a des propriétés intéressantes. Il est formé de différents gaz. Si on les refroidit suffisamment, ils finissent par passer à l'état liquide, puis à l'état solide. L'air est invisible pour les yeux. Et saviez-vous qu'on peut fabriquer des bombes avec de l'air liquide ? Pourtant sans air, la vie serait bien fade; et sans terre encore plus. Terre, air, eau, feu, éléments fondamentaux de la nature, avec leurs propriétés, non pas seulement physiques, mais aussi sociale. Ces éléments nous nourrissent, nous attirent et parfois nous font peur. Sacrées propriétés. Nous les conjuguons au quotidien, avec toutes sortes de recettes qui sont autant de programmes comportementaux : bailler, se laver, faire pousser des plantes sur son balcon... Revenons au feu : la découverte du feu par nos pères a tout changé dans l'histoire de l'humanité. Comment pouvions-nous vivre sans feu, avant ? C'est un peu la même question que nous nous posons aujourd'hui en pensant aux outils numériques. Téléphones, ordinateurs, satellites, transports, gouvernement, tout dépend du numérique. Ce n'est pas qu'une succession de uns et de zéro.  
 
L'eau devient glace au-dessous de zéro degré Celsius et vapeur au-dessus de 100°. Elle est fluide ou solide, et de nombreuses substances peuvent s'y dissoudre. On dit même que l'eau a une mémoire. Et l'air ? Lui aussi a des propriétés intéressantes. Il est formé de différents gaz. Si on les refroidit suffisamment, ils finissent par passer à l'état liquide, puis à l'état solide. L'air est invisible pour les yeux. Et saviez-vous qu'on peut fabriquer des bombes avec de l'air liquide ? Pourtant sans air, la vie serait bien fade; et sans terre encore plus. Terre, air, eau, feu, éléments fondamentaux de la nature, avec leurs propriétés, non pas seulement physiques, mais aussi sociale. Ces éléments nous nourrissent, nous attirent et parfois nous font peur. Sacrées propriétés. Nous les conjuguons au quotidien, avec toutes sortes de recettes qui sont autant de programmes comportementaux : bailler, se laver, faire pousser des plantes sur son balcon... Revenons au feu : la découverte du feu par nos pères a tout changé dans l'histoire de l'humanité. Comment pouvions-nous vivre sans feu, avant ? C'est un peu la même question que nous nous posons aujourd'hui en pensant aux outils numériques. Téléphones, ordinateurs, satellites, transports, gouvernement, tout dépend du numérique. Ce n'est pas qu'une succession de uns et de zéro.  

Version du 13 septembre 2011 à 23:51

Les cinq propriétés socio-techniques du numérique

L'eau devient glace au-dessous de zéro degré Celsius et vapeur au-dessus de 100°. Elle est fluide ou solide, et de nombreuses substances peuvent s'y dissoudre. On dit même que l'eau a une mémoire. Et l'air ? Lui aussi a des propriétés intéressantes. Il est formé de différents gaz. Si on les refroidit suffisamment, ils finissent par passer à l'état liquide, puis à l'état solide. L'air est invisible pour les yeux. Et saviez-vous qu'on peut fabriquer des bombes avec de l'air liquide ? Pourtant sans air, la vie serait bien fade; et sans terre encore plus. Terre, air, eau, feu, éléments fondamentaux de la nature, avec leurs propriétés, non pas seulement physiques, mais aussi sociale. Ces éléments nous nourrissent, nous attirent et parfois nous font peur. Sacrées propriétés. Nous les conjuguons au quotidien, avec toutes sortes de recettes qui sont autant de programmes comportementaux : bailler, se laver, faire pousser des plantes sur son balcon... Revenons au feu : la découverte du feu par nos pères a tout changé dans l'histoire de l'humanité. Comment pouvions-nous vivre sans feu, avant ? C'est un peu la même question que nous nous posons aujourd'hui en pensant aux outils numériques. Téléphones, ordinateurs, satellites, transports, gouvernement, tout dépend du numérique. Ce n'est pas qu'une succession de uns et de zéro.


C'est un écosystème, avec ses mécanismes, ses codes, ses zones d'influences, ses réactions en chaine... Et l'omniprésence de cet écosystème dans notre vie de tous les jours est un des fils rouges, voire LE fil rouge de la transition actuelle de l'homo Sapiens vers l'Homo Numéricus. Et qu'est-ce qui est au cœur des changements induits par l'émergence du numérique à l'école, au travail, en famille, dans les gouvernements, et ailleurs ? Réponse : le fait que les flux d'informations numériques possèdent cinq propriétés socio-techniques. Propriétés car, comme l'air et l'eau, le numérique a des propriétés fondamentales. Socio-techniques car ces propriétés sont autant liées aux sciences dures (mathématiques, physique...) qu'aux sciences dites "molles" (psychologie, économie...).

Quel que soit l'outil de communication numérique, nous avons identifié cinq propriétés fondamentales qui en régissent le fonctionnement :

   

1 - l'instantanéité : le transfert d'informations numériques est quasiment immédiat, véhiculées par l'électricité à environ 300'000 mètres par seconde. Les attentes éventuelles sont dues à l'engorgement ou aux filtres sur les canaux de transmission, comme les antivirus qui scannent les messages avant de les délivrer. Ces résistances sont néanmoins généralement infimes, et ne remettent pas en cause cette première propriété.

2 - la décentralisation : il n'y a pas d'instance pivot pour diriger les écosystèmes numériques. Concrètement, les entreprises privées comme Google n'y pourront rien, et les gouvernements non plus. Elles sont certaines possibilités de contrôle partiel, par exemple sur les noms de domaines et certains tuyaux de transmissions des données. Mais on le voit dans les mouvements populaires pour la démocratie, c'est peine perdue. C'est pour cela qu'Internet a été adopté par tous, au détriment du Minitel et du Videotext, qui fonctionnent de manière justement... centralisée. C'est pour cela que même le téléphone passe de plus en plus par Internet. La décentralisation réduit, voire annule, la fragilité des systèmes d'informations. Personne ne peut en prendre le contrôle ni couper le noeud central du réseau connexion, car tous les noeuds sont des centres potentiels, et qu'il y a des milliers de grands noeud sur terre. Ceci explique aussi qu'Internet ait été initialement financé par les militaires dans les années 1960 à 1980 : ils développaient ainsi un moyen d'éviter qu'un centre de commandement soit détruit, et qu'à cause de cela ils ne puissent plus coordonner les troupes sur le terrain. Or Internet et la téléphone portable Ce moyen est aujourd'hui à disposition des paysans et petits entrepreneurs du monde entier, qui peuvent coopérer directement sans dépendre d'une direction centrale.

3 - la multilatéralité : les échanges d'informations peuvent se faire de plusieurs à plusieurs. Le numérique permet non seulement les téléconférences à quelques-uns, mais aussi les communautés virtuelles avec des milliers voir des millions de participants, chacun contribuant à sa manière. Comme dans les encyclopédie participatives, les réseaux sociaux, les forums... C'est le principe de l'agora, espace de rencontre ouvert à tous, qui se renforce puissamment avec l'adoption d'un réseau cllectif mondiale des systèmes numériques.

4 - la symétrie : tout le monde est au même niveau. Imprimerie, radio et télévision sont des moyens de communication asymétriques. Il y a un émetteur et de nombreux récepteurs. Alors qu'avec les outils numériques, nous devenons tous des émetteurs susceptibles de toucher le monde entier. En créant un compte sur un blog ou dans un réseau social, nous devenons tous l'équivalent de stations de radio-télévisions. C'est vrai à tous les niveaux, pas seulement pour les enjeux citoyens, mais aussi pour la nouvelle économie du numérique. Bill Gates a démarré Microsoft adolescent et dans un garage. Idem pour Steve Jobs avec Apple. Ce qu'ils craignaient après avoir gagné beaucoup en vendant l'exclusivité de leur produits bien packagés, c'étaient les prochain génies qui allaient les détrôner. Ce qui ne manqua pas d'arriver avec les fondateurs de Google, Facebook puis Twitter, qui, maintenant qu'ils sont leaders, commencent eux aussi à avoir peur des créatifs dans leur garage.

5 - l'asynchronicité : chacun agit à son rythme. C'est la seule propriété qui n'est pas invariable. Elle est en option. Hier on regardait les programmes de télévision à une heure prédéfinie. Avec la télévision numérique, on peut choisir l'heure de vision, et même mettre sur pause le téléjournal pour aller aux toilettes. Plus largement, on peut choisir quand répondre aux messages, retrouver sur le web la trace d'un vieil article, . Le temps n'a plus la même raison d'être dans la communication numérique. On passe de Chronos, le temps fixe, à Kairos, le temps intérieur : une porte sur une autre perception de l'univers, de l'événement, de soi. Une notion immatérielle du temps mesurée non pas par la montre, mais par le ressenti.


Ces cinq propriétés sont une des clés pour bien comprendre le monde numérique. Pour bien s'y intégrer. Apprendre à utiliser un programme de traitement de texte est une porte d'entrée. Mais pour se sentir vraiment à l'aise dans les écosystèmes numériques, l'essentiel est de comprendre ces propriétés fondamentales, pour utiliser les outils informatiques avec fluidité.

Jusqu'à cet article et dès le prochain, les affirmations que vous lirez dans l'ouvrage "Citoyens du net" sont essentiellement des faits établis à l'aide de sources nombreuses et diverses qui reposent sur des études scientifiques. Ici, il s'agit d'une hypothèse, d'une proposition. Ses sources sont des Cette proposition nous semble être au cœur des enjeux de la société de l'information à l'ère du numérique. Elle décrit ces 5 propriétés comme un dénominateur commun pour s'y retrouver, un phare, un point de repère qui reste invariablement disponible, quel que soit le contexte ou le sujet lié aux environnements numériques.

Elle est le fruit d'une dizaine d'années d'études menées à deux, entre par Théo Bondolfi et Raphäel Rousseau. Nous avons été inspirés par de nombreuses personnalités, dont notamment le philosophe Jürgen Habermas, et des membres du conseil scientifique de la fondation Ynternet.org pour l'eCulture tel l'informaticien et juriste-chercheur François Wollner de la fondation Cognis, et l'incontournable Richard Stallman qui le premier a identifié et promu la liberté comme fondement de la société numérique.

[ICONE SUBJECTIF]

Étudions le contexte de ces propriétés du numérique. De nombreux scientifiques ont décrit des propriétés de l'information et du numérique. Après la deuxième guerre mondiale, l'équipe multidisciplinaire de l'école de Palo Alto défini de nombreuses propriétés de l'information tout en contribuant à créer les premiers réseaux informatiques pour les militaires.

Deux mathématiciens définissent la théorie l'information : Claude Shannon, et Warren Weaver. Ils réussissent à définir avec des chiffres puis à expliquer simplement des concepts compliqués. Par exemple le concept de bruit, c'est à dire les informations inutiles, comme la friture sur la ligne téléphonique. Leur théorie ne traite pas des propriétés du numérique, mais de l'information.

Relié lui aussi à l'école de Palo Alto, Marshall Mac Luhan est éducateur, philosophe et sociologue. Il produit quelques-unes des plus intéressantes analyses de l'impact des médias sur notre quotidien. Son oeuvre sur les théories de la communication se résume par cette formule : le message, c'est le médium. Il démontre que ce n'est pas le contenu qui affecte la société, mais le canal de transmission lui-même. En d'autre termes, le mode de fonctionnement d'Internet a plus d'impact sur la société que le contenu des pages web que nous lisons. C'est le moyen de transporter l'information qui compte, car le mode de fonctionnement des flux d'informations programme l'organisation de notre société. Comme le suggère la trilogie de films Matrix, dans laquelle les humains découvrent qu'ils sont comme des machines dépendantes d'un mode de fonctionnement collectif caché. Lamarck, ami et contradicteur de Darwin, le disait déjà au 19e siècle avec sa formule la fonction crée l'organe. Pour symboliser ces phénomènes nouveaux, le philosophe français Deleuze parlait quand à lui de "rhizome", une forme de réseau organique, avec plein de branches et racines qui s'entremêlent.

Comment se déclinent ces propriétés ? Si l'eau est source de vie et le feu outil de transformation, qu'en est-il du numérique ? Tim Berners-Lee, co-concepteur du World Wide Web autour de 1990, parle de la Netneutralité comme du phénomène central sur lequel repose toute architecture de flux d'informations numériques durables. Or la Netneutralité est justement une des conséquences principales des cinq propriétés socio-techniques du numérique. Le "tout est relatif" d'Einstein s'applique aussi ici, de manière simple : l'Energie humaine = les informations multipliées par la manière de les véhiculer. Si les flux d'informations sont bridés comme dans le média télévision où une station émet et tous reçoivent, les récepteurs sont passifs, peu énergétisés. Si au contraire le média est Internet, dans lequel les 5 propriétés sont à l'oeuvre sans restrictions sensibles, les récepteurs deviennent progressivement acteurs du média. On retrouve aussi ce même lien possible de cause à effet dans les quatre libertés fondamentales du mouvement logiciel libre. Son co-fondateur RMS le dit bien : il y autant d'utilisateurs de logiciels libre que de motivation à les utiliser. L'essentiel est de se rappeler que sans les quatre libertés fondamentales, l'information est bridée, la société est bridée. Ceci ne résout pas la question de savoir que faire avec la liberté, mais simplement permet de définir précisément la nature Puis en 1996 forum économique de Davos en 1996, John Perry Barlow a écrit la déclaration d'indépendance du cyberespace. C'est aussi lui qui co-initie le mouvement open source, forme édulcorée du mouvement de la culture libre. Au début des années 2000, Chris Anderson, propriétaire du magazine précurseur "Wired" aux USA, a mis en valeur les travaux de ceux qui parlent de phénomènes fondamentaux du numérique comme l'émergence de l'intelligence collective, de la longue traine ou de la société de l'abondance. Tous ces phénomènes sont autant de déclinaison des cinq propriétés fondamentales.

A quoi ça sert ? Intelligence collective, libertés fondamentales, toutes ces notions apportent des clés de lecture pour comprendre ce monde nouveau dans lequel les comportements du numérique influent sur tous nos actes, de manière plus ou moins visible et directe. Mais quand et comment ces clés sont-elles réunies ? Existe-t-il une grille de lecture complète ?

C'est le but de cette proposition des cinq propriétés sociétés techniques du numérique, de cette hypothèse. C'est pour cela qu'on peut envisager, sans prétention exagérée, de l'inclure parmi les clés de lecture de cette nouvelle ère du numérique.

Nous avons donc appelé cette hypothèse 'les propriétés socio-techniques du numérique. Elle est à disposition des experts et des chercheurs en communication. C'est un outil d'analyse, parmi d'autres. Un outil qui peut s'avérer puissant pour faire des choix dans cette société qui devient de plus en plus complexe.


Quel degré de fiabilité de cette théorie des 5 propriétés fondamentales du numérique ? Il n'y pas de parfaite démonstration de cette hypothèse par A + B pour l'instant, faute de moyens pour la documenter et la confronter dans des conférences, et du fait que cette hypothèse, comme l'école socio-technique, est à cheval entre disciplines sociales (par nature soumises à débat) et techniques (où tout peut être démontré "scientifiquement"). Mais c'est néanmoins un postulat solide, dont la plupart des démonstrations ont déjà été produites par les théoriciens de la communication, notamment ceux qui gravitaient dans la mouvance de l'école de Palo Alto, qui était profondément transdisciplinaire justement.

Rares sont les experts académiques qui s'aventurent dans les chemins de traverses. Car le monde académique, historiquement, cloisonne. Et les disciplines transversales sont les parents pauvres, sauf si elles peuvent générer de rapides bénéfices et attirer ainsi les investissements privés. Ce qui n'est pas le cas d'une hypothèse destinée à faciliter une meilleure compréhension des enjeux de société par les citoyens.

La bonne nouvelle, c'est qu'une bonne part des innovations socio-techniques du numérique sont d'ailleurs nées hors du monde universitaire et dans un cadre profondément transdisciplinaire : l'Internet, le Web, les logiciels libres... Or c'est justement cela, la particularité du numérique : le fruit des amours entre la matière et l'esprit, entre la technique et les l'organisation sociale.


L'école socio-technique

Ecole s'entend ici au sens "mouvement de pensée" et "groupe de travail". Les décennies 1950 et 1960 voient naître avec le Tavistock Institute de Londres, l'école dite socio-technique . Cette école étudie le lien entre les systèmes techniques et humains. Elle part du constat que les changements technologiques ont un impact déterminant sur le fonctionnement des groupes et sur les individus qui les composent. Ce qui implique que les décisions doivent tenir compte des facteurs humains (qualifications, attentes, sentiments, valeurs) et de l’environnement (équipement, machinerie, procédés, horaires de travail, conditions de travail). L'école systémique va s'inscrire en prolongation des travaux de cette école.


Internet en constante évolution ?

Peut-on dire que l'Internet d'aujourd’hui est le même que celui d'il y a dix ou vingt ans ? A priori pas du tout, car les pratiques et le public sont différents. Visuellement, graphiquement, c'est aussi très différent. Mais cet a priori est profondément faux. Car l'intérêt des propriétés socio-techniques du numérique, c'est justement qu'elles ne dépendant pas du temps. Elles sont immuables. C'est pour ça que, comme le dit Yann Gouvernnec dans une interview sur sa vision des médias sociaux, les outils ont changé, mais pas l’esprit d’Internet. Les pionniers de l’Internet le savent tous. Une véritable révolution de l’information, de la communication et du marketing a déjà eu lieu il y a bien longtemps, mais aujourd’hui, elle s’ouvre au plus grand nombre avec tout ce que cela peut comporter d’opportunités, et de risques d’ailleurs. La question qui reste en suspend est de savoir si le numérique sera différent s'il sort du seul binaire. Des uns et zéros, le numérique pourrait passer à un écosystème multidimensionnel, comme le corps humain, avec ses enzymes transmetteurs, ses réseaux de synapses... Mais ce ne serait alors plus nécessaire du numérique. Ce serait un nouveau type de communication, plus... biologique.


Décryptage des bulles spéculatives d'Internet

Comment utiliser les propriétés socio-techniques du numérique pour rester numéro 1 dans un secteur du marché de l'économie numérique ? Mission impossible si les propriétaires des outils mis à disposition du public sont en fait des actionnaires et non pas les utilisateurs eux-même. Car la motivation des actionnaires ne peut être que le gain à court terme. Une direction d'entreprise visionnaire pourra réussir à imposer aux actionnaires pendant quelques années des stratégies d'investissements durables pour impliquer les utilisateurs, mais le marché forcera la direction de l'entreprise à miser sur le court terme. Alors que les entreprises possédées par les collaborateurs, qui font corps avec les besoins du public, sont beaucoup plus pérenne par nature. Car les propriétés des écosystèmes numériques génèrent par essence une dynamique de partage du savoir et d'équité des chances. Les communautés d'utilis'acteurs d'outils numériques libres gagnent invariablement du terrain, parfois avec deux pas en arrière puis trois pas en avant. Il n'y a pas que GNU/Linux et Wikipedia. Dans les domaines de l'eCommerce, du réseau social ou encore des serveurs web, les parts de marché des leaders se réduisent au profit de petits acteurs émergents. C'est pour cela qu'une fois arrivé au sommet, la seule stratégie des multinationales de la communication pour conserver une position dominante consiste à diversifier largement les activités en sortant partiellement de l'économie purement numérique, en revenant aux anciens paradigmes économique de la rareté, par l'achat de terres, l'acquisition d'actions d'entreprises du secteur énergétique. Cela permet d'occuper plusieurs terrains en parallèle, et de réinvestir les gains rapidement accumulés sur des valeurs sûres. Les fondateurs de Microsoft, Yahoo, Amazon ou eBay, pour citer quelques mastodontes de la Net-économie, ont souvent pris du recul et anticipé les éclatements de bulles dus à des concurrences naturelles dans cette économie numérique où les tout les acteurs sont au même niveau (propriété de la symétrie). Mais les actionnaires des géants de l'industrie numérique restent eux pour l'instant concentré sur les positions dominantes à court terme, et entrainent donc souvent ces entreprises vers des stratégies qui les fragilisent. Seule une implication très forte des utilisateurs dans la gestion des produits permet une réelle durabilité. Google l'a partiellement compris. Mais sa taille l'oblige à l'excellence de démocratie participative, ce dont il est bien loin.

D'autre part, comment obtenir ou conserver une position dominante dans un secteur d'action sur la matière, comme le secteur énergétique, agro-industriel ou pharmaceutique ? En achetant des médias. Les grands groupes industriels qui l'ont compris dans les années 1980 ont progressivement rachetés ou créé de nouveaux organe de presse écrite, télévisée et radio, et on investi massivement dans les portails web. Objectif : mieux contrôler les flux d'informations. Conserver leur réputation, en devenant ceux qui font les réputations. En bref, devenir le média plutôt que de subir. C'est une stratégie subversive, pratiquée à large échelle par tous ceux qui visent à conserver et/ou étendre leur influence. On ne peut plus se passer des médias pour gouverner. Mais cela ne sert qu'à court terme. Car à moyen terme, les propriétés du numérique donnent toujours la possibilité à l'intelligence collective de favoriser l'équité des chances là où l'inéquité devient trop flagrante, et permettent ainsi l'émergence de nouveaux acteurs. Souvent ces nouveaux acteurs émergent à la faveur de ruptures technologique. Par exemple l'émergence de la téléphonie sur Internet, qui réduit la domination des opérateurs télécoms.

Ainsi éclatent les bulles.


Transformisme versus déterminisme

Le principe de sélection naturelle symbolisée par l'idée de Charles Darwin d'une loi de la jungle où le fort plus gagne, s'est appuyée sur le transformisme, une théorie proposée par le chevalier de Lamarck (1744-1829). Dans son ouvrage, il formula une théorie scientifique globale qui tentait d'expliquer les transformations des êtres vivants dans leur progression du simple vers le complexe. Pour Lamarck, la matière a une tendance naturelle à se compliquer grâce aux "fluides" qui modifient le tissu cellulaire dans lequel ils se meuvent pour y ouvrir des passages, des canaux, pour y créer des organes. La vie se développe de l'inférieur vers le supérieur de façon progressive et régulière, en suivant son penchant naturel. Cette régularité est troublée par les circonstances extérieures qui expliquent la diversité parfois mal ordonnée du vivant.

Porté par l'élan de son "transformisme généralisé", Lamarck formula deux lois qui rendent compte de sa vision du processus évolutif :

1. "Dans tout animal qui n'a point dépassé le terme de ses développements, l'emploi plus fréquent et soutenu d'un organe quelconque fortifie peu à peu cet organe, le développe, l'agrandit et lui donne une puissance proportionnée à la durée de cet emploi, tandis que le défaut constant d'usage de tel organe l'affaiblit insensiblement, le détériore, diminue progressivement ses facultés et finit par le faire disparaître."

2. "Tout ce que la nature a fait acquérir ou perdre aux individus par l'influence constante des circonstances où leur race se trouve depuis longtemps exposée, et par conséquent par l'influence de l'emploi prédominant de tel organe, ou par celle d'un défaut d'usage constant de telle partie, elle le conserve pour la génération de nouveaux individus qui en proviennent, pourvu que les changements acquis soient communs aux deux sexes, ou à ceux qui ont produit ces nouveaux individus."

En amalgamant ces deux hypothèses, le langage courant simplifie en affirmant que "la fonction crée l'organe". La seconde loi de Lamarck postule sa fameuse thèse de l'hérédité qui aura, bien plus tard, une résonance exceptionnelle dans l'histoire des sciences. Il étayait ses deux lois par de nombreux exemples qui le conduisirent à les considérer comme des vérités et non plus comme de simples hypothèses. Les arguments utilisés sont parfois discutable, mais les faits sont là : aujourd'hui le fonctionnement d'Internet change l'organisation de notre société. Et Internet est régi par les cinq propriétés société techniques du numérique.

Adaptation d'un article de Jean-Claude Heudin sur Wikipedia et Virtual-Worlds.net


Pourquoi Internet ?

Cet ouvrage a été réalisée sous l'égide de la fondation Ynternet.org. A la création d'Ynternet.org en 1998, ses fondateurs ont choisi le symbole de la lettre Y, qui, en anglais, se prononce comme le mot "why", qui signifie "pourquoi". Le message : avant de savoir comment utiliser Internet, il est peut-être intéressant de savoir ... pourquoi l'utiliser.

Saviez-vous par exemple qu'un des principales sources d'inspiration conceptuelle de la création d'Internet, avant même l'école de Palo Alto animée par Gregory Bateson, c'est la réflexion sur l'existence de la noosphère développée par l'artiste Vrenadsky et le scientifique Pierre Teilhard de Chardin, qui tous deux furent des humanistes à la croisée des cultures d'occident et d'orient, de la science et de l'art, de la spiritualité et de la physique.... Croisements, interconnexions, autant de notions qui nous fascinent, nous passionnent sur le web, pour autant que nous apprenions à les connaitre, afin qu'elles ne nous fassent pas peur.

Alors, Internet : bureau de poste ? Bibliothèque du patrimoine commun de l'humanité ? Outil de contrôle ? Nouveau média où chacun est acteur ? Farce de mère nature qui nous amène à nous bloquer le dos devant un écran pour mieux s'ouvrir à l'autre et à nos qualités intérieures ? Défi émotionnel face au stress des problèmes techniques ? Symbole de la perte d'âme ou au contraire symbole de croissance de l'intelligence collective ?

Si chacun-e à une perception différente de l'écosystème numérique que représente Internet, il doit pourtant bien y avoir des points communs dans toutes ces réponses.