Eau, air, terre, feu, numérique : sacrées propriétés

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Admettons que nous vivons à une époque de changements très importants, que nous nous situons à un tournant de l'histoire de l'humanité. Et l'omniprésence du numérique est un des fils rouges, voire le fil rouge de cette transition. Qu'est-ce qui est au cœur des changements induits par l'émergence du numérique à l'école, au travail, en famille, dans les gouvernements, et ailleurs ? Réponse : le fait que les flux d'informations numériques possèdent cinq propriétés socio-techniques. "Propriétés" car, comme l'air et l'eau, le numérique a des propriétés fondamentales. "Socio-techniques" car ces propriétés sont autant liées aux sciences dures (mathématiques, physique...) qu'aux sciences dites "molles" (psychologie, économie...). Les voici :

   
   * l'instantanéité (transfert d'informations quasiment immédiat)
   * la décentralisation (pas d'instance pivot pour diriger)
   * l'asynchronicité (chacun agit à son rythme)
   * la multilatéralité (échanges de plusieurs à plusieurs)
   * la symétrie (tout le monde est au même niveau). 

Ces 5 propriétés sont une des clés vers le "Graal de la communication numérique".


Jusqu'à cette page et dès la prochaine, les affirmations que vous lirez dans l'ouvrage "Citoyens du net" sont essentiellement des faits établis à l'aide de sources nombreuses et diverses. Ici, il s'agit d'une hypothèse, d'une proposition. Cette proposition nous semble être au cœur des enjeux de la société de l'information à l'ère du numérique. Elle propose un dénominateur commun pour s'y retrouver, un phare, un point de repère qui reste invariablement disponible, quel que soit le contexte ou le sujet lié aux environnements numériques.

Tout d'abord le contexte. Depuis l'émergence progressive du numérique dans la deuxième partie du 20e siècle, de nombreux experts ont décrit les propriétés du numérique. Au forum économique de Davos, John Perry Barlow écrit sa déclaration d'indépendance du cyberespace. Le philosophe Deleuze parle de "rhizome", tout en dénonçant la "société du spectacle" théorisée par Guy Debord. Chris Anderson, fameux propriétaire du magazine "Wired", qui a souvent un temps d'avance sur les idées, a mis en valeur les travaux de ceux qui parlent de phénomènes fondamentaux du numérique comme l'émergence de l'intelligence collective, de la longue traine ou de la société de l'abondance. Richard Stallman le premier a su relier les enjeux du numérique avec les enjeux de société en définissant les 4 libertés fondamentales du logiciel, puis en favorisant le déploiement de cette culture libre au-delà du logiciel. Tim Berners-Lee, initiateur du Web, parle de la Netneutralité comme du phénomène central sur lequel repose toute architecture de flux d'informations durables. Plus en amont, l'école de Palo Alto dans les années soixante a savamment étudié les enjeux des flux d'informations et leurs fruits sont nombreux et savoureux, notamment :

  • techniquement : la théorie de la l'information de Shannon et Weaver, qui a permis de gagner un temps précieux dans la transmission de données d'un ordinateur à l'autre
  • socialement : la programmation neurolinguistique, surnommée PNL, qui a fait ses premières gammes dans ce groupe de chercheurs créatifs et s'est aujourd'hui déployée comme discipline proche de la psychologie.

Intelligence collective, libertés fondamentales, toutes ces notions apportent des clés de lecture pour comprendre ce monde nouveau dans lequel les comportements du numérique influent sur tous nos actes, de manière plus ou moins visible et directe. Mais quand et comment ces clés sont-elles réunies ? Existe-t-il une grille de lecture complète ?

C'est le but de cette proposition, de cette hypothèse. C'est pour cela qu'on peut envisager, sans prétention exagérée, de la surnommer « le Graal de la communication numérique ». Elle est le fruit d'une dizaine d'années d'études menées à deux, entre Raphaël Rousseau et Théo Bondolfi, eux-mêmes inspirés par de nombreuses personnalités, dont notamment le philosophe Jürgen Habermas, l'informaticien et juriste-chercheur François Wollner de la fondation Cognis, et l'incontournable Richard Stallman qui le premier a identifié et promu la liberté comme fondement de la société numérique.

Nous avons donc appelé cette hypothèse les 'les propriétés socio-techniques du numérique. Elle est à disposition des experts et des chercheurs en communication. C'est un outil d'analyse, parmi d'autres. Elle se situe aux croisements entre la dimension purement technique, dite "science dure", et la dimension profondément sociale, dite science molle. Et rares sont les experts académiques qui s'aventurent dans les chemins de traverses. Car le monde académique, historiquement, cloisonne. Les disciplines transversales sont les parents pauvres, sauf si elles peuvent générer de rapides bénéfices et attirer ainsi les investissements privés.

De nombreuses innovations socio-techniques du numérique sont d'ailleurs nées hors du monde universitaire et dans un cadre profondément transdisciplinaire : l'Internet, le Web, Wikipedia... Or c'est justement cela, la particularité du numérique : le fruit des amours entre la matière et l'esprit, entre la technique et les interactions sociales.


Le bébé web de Johnson&Johnson

Nage a 35 ans, elle a son premier enfant et participe au concours du calendrier Johnson&Johnson pour gagner une voiture. Tous les mois elle doit acheter deux produits Johnson&Johnson dans une pharmacie, des shampoings, savons etc., faire une photo de son enfant et la mettre sur le web. Toutes les photos de tous les enfants sont disponibles pour tout le monde. Elle doit encore scanner les codes barres des deux produits pour bien montrer qu'elle a acheté des produits Johnson&Johnson. À la fin de l'année, si elle a donné ces preuves, c'est le public qui jugera du meilleur bébé Johnson&Johnson et les parents de ce dernier gagneront une voiture offerte par Johnson&Johnson.

La différence avec un concours traditionnelle, c'est que toutes les photos sont toutes disponibles sur le web, et que Johnson&Johnson n'a même pas besoin d'organiser le jury. Tout est participatif et tout sert les intérêts de l'entreprise Johnson&Johnson. C'est un excellent rapport qualité/prix, qui sert dans le cas présent les intérêts d'une entreprise privée. À l'autre bout du panel d'exemple de potentiel d'internet on trouve Wikipedia. Les mêmes propriétés socio-techniques sont à l'œuvre: tout le monde peut participer, tout le monde peut voir la contribution de l'un et de l'autre. La différence c'est que le résultat servira le bien commun, non pas une entreprise privée. Au-delà donc des considérations éthiques, on voit le puissant levier qu'Internet permet. Il reste donc à définir à qui profitera cet outil.