Les entrepreneurs sociaux : Différence entre versions

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Devinette : quelle est la différence entre un entrepreneur social et un chef d'entreprise classique? <br>
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'''Notions-clés''': ''[https://groups.diigo.com/group/ecopol/content/tag/entrepreneuriat entrepreneuriat social], [https://groups.diigo.com/group/ecopol/content/tag/%22%C3%A9conomie+sociale%22 économie sociale], [https://groups.diigo.com/group/ecopol/search?what=acteur acteur du changement], [https://fr.wikipedia.org/wiki/Incubateur_d%27entreprises incubation], [https://groups.diigo.com/group/ecopol/search?what=richesse richesse sociale], [https://fr.wikipedia.org/wiki/Risques_psychosociaux#Stress_au_travail stress au travail], [https://fr.wikipedia.org/wiki/Investissement investissement], [https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_renouvelable Energies Alternatives], [https://groups.diigo.com/group/ecopol/content/tag/ong ONG], [https://groups.diigo.com/group/ecopol/content/tag/Solidarit%C3%A9 solidarité], [https://groups.diigo.com/group/ecopol/content/tag/bien%20commun bien commun], [https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau réseau],   [https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89coblanchiment social washing].''
Il n'y en a qu'une : le premier ne peut espérer le moindre profit personnel à la revente de son entreprise!
 
<br>Est-ce donc si grave? Pas vraiment lorsqu'on considère attentivement que la possibilité de générer un profit, pour soi ou des actionnaires, se paye souvent au prix fort : stress au travail, plan sociaux au détriment des salariés, risques multiples de faillite, bénéfice net souvent rare ou peu élevé pour les petits entrepreneurs. On comprend pourquoi beaucoup de chefs d'entreprise changent leur point de vue : certains préfèrent s'orienter vers une activité utile aux autres, quitte un générer un salaire plus modeste, mais suffisant pour vivre. <br>
 
  
Selon la définition couramment admise, les [[http://wiki.ecopol.net/index.php/Les_entrepreneurs_sociaux entrepreneurs sociaux]] sont des individus qui apportent des solutions nouvelles à des problèmes pressants de société. Ils identifient des approches innovantes pour résoudre des problèmes qui apparaissaient souvent comme insolubles. Ces entrepreneurs ont la capacité de concilier l’approche économique avec des objectifs sociaux. Cependant, cette capacité n'annule pas nécessairement la tension qui existe entre les objectifs sociaux et les objectifs économiques. <br>
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'''Profils-clés''': ''[https://fr.wikipedia.org/wiki/Ashoka_(association) Ashoka],[https://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_des_Hommes_(association) Terre des Hommes], [https://fr.wikipedia.org/wiki/Weleda Weleda].''
L'entrepreneuriat social désigne toute initiative privée dont la finalité sociale est supérieure ou égale à la finalité économique (lucrativité). <br> C'est le cas, par exemple, des entreprises détenues par des fondations(comme Victorinox, le célèbre fabricant de couteaux suisses, ou Weleda, fabricant suisse de cosmétique naturelle. <br>
 
===L'impact social plus que les retombées économiques...===
 
Au fur et à mesure du développement de l'entrepreneuriat social, les acteurs ont été amenés à coopérer au sein de réseaux.
 
"Lancée en Inde en 1980 par Bill Drayton qui a popularisé le terme d’entrepreneur social, Ashoka - organisation sans but lucratif, laïque et apolitique - est le plus grand réseau d’entrepreneurs sociaux existant. Son objectif est de faire émerger un monde où chacun est capable d’agir rapidement et efficacement pour répondre aux défis sociétaux ("Chacun peut être acteur de changement" - "Everyone can be a changemaker™").<br>
 
"Le secteur social a besoin de structures équivalentes aux "fonds de capital-risque", capables d’identifier et d’accompagner les Entrepreneurs sociaux innovants pendant la phase de développement de leur activité". L’approche choisie par Ashoka est donc celle du "capital-risque philanthropique". Ashoka "investit" dans les entrepreneurs sociaux, qu’elle sélectionne pour leur projet innovant et leurs qualités entrepreneuriales, tout en attendant un "retour sur investissement" qui est social et non pas financier. Ce "retour" se calcule en fonction de l’augmentation de l’impact que les entrepreneurs sociaux ont sur la société. Source : [http://france.ashoka.org/ashoka ashoka.org]
 
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===Agents du changement===
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Les entrepreneurs sociaux font figure de pionniers au sein de la famille des ''agents du changements'' (les change makers), qui incarnent la transition vers une économie nouvelle. Un agent de changement chevronné contribue au sein de l'entreprise à transformer le potentiel de l'entreprise en un véritable moteur de performance au quotidien, en intégrant la dimension humaine et du bien commun. Parmi les agents du changement, on trouve les ''managers de la complexité''. Alors que les entrepreneurs sociaux sont souvent spécialisés dans un domaine ou concentrés sur une thématique, les ''complexity managers'' (voir plus le chapitre suivant) sont des généralistes de la gestion transversale sur tout type de problématique. <br>
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La définition d'entrepreneur social est vaste. Ce sont des  entrepreneurs dans le sens où ils osent prendre des risques, tout en sachant les calculer et travailler en équipe pour toujours rester dans les chiffres positifs. Leur activité est durable. Lorsque l'utilité sociale est supérieure ou égale à la finalité économique, ce sont des entrepreneurs sociaux. Pour cela, ils doivent réussir à résoudre des situations qui paraissaient souvent insolubles si on se contente de suivre les lois du marché.
  
D'un autre côté, il existe'''les intrapreuneurs sociaux''', des entrepreneurs sociaux "infiltrés" au sein même de leur entreprise. Leur mérite est d'essayer de faire évoluer les pratiques dans un contexte pas forcément très propice. D'une manière générale, l'intrapreneuriat permet à une grande entreprise de mieux saisir les opportunités face à une inertie aux causes multiples (freins administratifs, économiques, psychologiques...). L'intrapreneuriat social propose lui des innovations à but non (ou peu) lucratif. C'est par exemple le cas d'un cadre qui parvient à créer une section microfinance ou un fonds de dotation au sein d'une grande banque ou d'un grand groupe. Si les porteurs de projets peuvent être sincères dans leur engagement, l'entreprise, elle, peut se saisir de ces innovations pour redorer son image. Après le '''greenwashing''', le risque de social washing n'est pas loin, mais l'intrapreneuriat social témoigne d'une évolution des pratiques ou tout au moins d'une prise de conscience.
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Les responsables d'entreprises actives dans l'ESS sont pour une bonne part, voire tous, des entrepreneurs sociaux. Leurs activités sont à la fois durables et utiles à la collectivité, quitte à générer un salaire ou des profits plus modestes, mais suffisants pour la viabilité de l'entreprise.
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Par exemple, la créatrice d'une entreprise de crèmes de soins bio est sur le bon chemin comme entrepreneuse sociale, pour autant que les crèmes soient proposées dans des emballages recyclables, avec des sous-traitants (producteurs et distributeurs) bénéficiant de bonnes conditions de travail, impliqués comme partenaires dans la direction commerciale.
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Deuxième illustration : un professionnel du marketing prend le risque de quitter son emploi pour se réorienter professionnellement. Il s'oriente vers la gestion des déchets sur les plages, considérant que c'est un scandale que tant de déchets, mégots de cigarettes, plastiques et autres, finissent dans la nature et polluent nos sols, notre air et notre eau. Il constitue une fondation avec deux retraités actifs qui l'appuient moralement et stratégiquement, et motivent deux amis à le seconder bénévolement quatre heures par semaine dans le démarrage de sa gestion administrative courante (comptabilité, fournisseur, site web...). Après plusieurs journées de réflexion en équipe, il conçoit, personnalise et commence à vendre des cendriers de poches aux hôtels et communes proches des plages concernées, pour qu'ils les offrent aux vacanciers et autres riverains. Après cinq ans de démarrage difficile où les résultats sont insuffisants pour en vivre dignement, il stabilise les revenus grâce à 1 000 petits clients et 10 grands. Il réussit à générer suffisamment de revenus pour couvrir durablement l'équivalent de trois postes de travail à temps plein, pour mener des campagnes de sensibilisation et coordonner un réseau d'une centaine de bénévoles. Il aurait pu créer cette même entreprise dans un but lucratif, et dès le succès économique, aurait pu revendre son fichier de clients à une multinationale du recyclage souhaitant profiter de ce marché émergent. Il aurait ainsi pu toucher un bon bénéfice. Il aurait aussi pu breveter son concept de cendrier de poche pour communiquer sur la gestion des déchets dans la nature (plages, pistes de skis...) et ainsi revendre le concept ou le louer en franchise. Mais il a préféré donner le libre accès à ses documents à toute personne souhaitant le copier pour mener des campagnes de sensibilisation comparables ailleurs sur terre, comme sur wikipédia.
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On le voit, son esprit d'entrepreneur l'a amené à rester sur une ligne éthique forte, un choix d'utilité publique. Il ne touchera pas de jackpot, mais de quoi vivre dignement et économiser pour ses vieux jours. C'est un vrai entrepreneur social. Cet exemple est réel, il s'appelle Laurent Thurneer. Il a la quarantaine et dirige la fondation Summit. C'est le partenaire d'Ecopol pour la gestion des déchets. Il forme des responsables pour mener des campagnes en fonction du lieu pour concevoir des systèmes de gestion des déchets performants, etc.
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S'il continue ainsi, à la fin de sa vie Laurent laissera un patrimoine sous la forme d'une institution bien rodée (la fondation Summit), dans laquelle l’œuvre aura dépassé l'homme. Reposant sur des valeurs fortes, cette institution a une grande probabilité de durer après le départ du fondateur, et de garder relativement intacte l'intention initiale.
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Nous pouvons aussi citer la multinationale Weleda (propriété d'une fondation à but non lucratif anthroposophe créée par Rudolf Steiner), Greenpeace ; la Croix Rouge ; le comité international olympique ; mais aussi Victorinox (couteaux suisses) ; Mondragon (coopérative hispano-française de plus de 60 000 employés dont une bonne part sont copropriétaires ; la NEF (France), banque à but non lucratif !
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==Agents du changement et intrapreneurs sociaux==
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Certains entrepreneurs choisissent de faire participer les employés à la direction de leur entreprise, alors que personne ne le leur demande. En créant par exemple une coopérative cogérée par les employés les plus expérimentés, comme Mondragon au pays Basque, qui a plus de 50 000 employés dont plusieurs milliers sont copropriétaires, ou le réseau de coopératives Energies Alternatives en France, qui stimule des milliers de petits artisans ayant perdu leur emploi à démarrer une activité génératrice de revenus dans un réseau de solidarité durable.
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Tous ces cas sont encore rares, et rarement médiatisés, mais ils existent. Si ce livre en parle, c'est pour leur témoigner reconnaissance et encourager d'autres vocations.
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Les entrepreneurs sociaux font partie d'une famille plus vaste, celle des agents du changement, en anglais change makers. Ils incarnent la transition vers cette économie nouvelle sans nécessairement être créateurs d'entreprises sociales. Sans être initiateurs ou leaders d'une entreprise, les agents du changement contribuent significativement à transformer le potentiel de l'organisation au sein de laquelle ils œuvrent. Ils sont un véritable moteur de performance au quotidien, tout en restant focalisés sur la dimension humaine et le bien commun.
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Une bonne part des agents du changement sont « sécurisés » financièrement, dans le sens où ils ont un contrat d'emploi fixe. Ce sont donc des intrapreneurs sociaux. C'est-à-dire des employés avec un comportement d'entrepreneurs et de fortes valeurs sociales. Ils sont, en quelque sorte, des « infiltrés » au sein même des entreprises. Anges gardiens, facilitateurs, ils en font plus que leurs collègues, sans attendre un retour financier supplémentaire. Le mérite des intrapreneurs est de faire évoluer les pratiques dans une structure programmée pour stagner.
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Plus largement, l'intrapreneur social propose des innovations à but non (ou peu) lucratif, mais qui vont souder les collaborateurs et améliorer la qualité du travail de l'entreprise ou de l'administration publique. Ils plantent des graines qui porteront leurs fruits à moyen et à long terme. C'est par exemple le cas d'un cadre qui parvient à créer une section microfinance ou un fond de solidarité au sein d'une grande banque ou d'un grand groupe financier. Plus largement, c'est le cas de toute personne qui propose à sa direction un changement dans la gestion courante, servant les intérêts de la société en général. Ils peuvent par exemple faciliter le partage d'information et la cohésion sociale, au détriment de la compétition aveugle et des stratégies visant le rendement à (très) court terme qui dominent trop souvent.
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Néanmoins, si les porteurs de projets peuvent être sincères dans leur engagement, la direction de l'entreprise, elle, peut se saisir de ces innovations pour redorer son image. Après le greenwashing, le risque de social washing n'est pas très loin. Il n'empêche que l'intrapreneuriat social témoigne d'une évolution des pratiques ou tout au moins d'une prise de conscience.
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Mais il existe encore une autre catégorie dans les agents du changement. Alors que les entrepreneurs sociaux sont souvent spécialisés dans un domaine ou concentrés sur une thématique, les complexity managers sont des généralistes de la gestion transversale concernant une multitude de problématiques. Ils sont donc capables d'influer en profondeur sur des décisions clés (voir l'article « Les gestionnaires de la complexité »).
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== Notes et références ==
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<references/>

Version actuelle datée du 17 août 2016 à 11:15

Notions-clés: entrepreneuriat social, économie sociale, acteur du changement, incubation, richesse sociale, stress au travail, investissement, Energies Alternatives, ONG, solidarité, bien commun, réseau, social washing.

Profils-clés: Ashoka,Terre des Hommes, Weleda.


La définition d'entrepreneur social est vaste. Ce sont des entrepreneurs dans le sens où ils osent prendre des risques, tout en sachant les calculer et travailler en équipe pour toujours rester dans les chiffres positifs. Leur activité est durable. Lorsque l'utilité sociale est supérieure ou égale à la finalité économique, ce sont des entrepreneurs sociaux. Pour cela, ils doivent réussir à résoudre des situations qui paraissaient souvent insolubles si on se contente de suivre les lois du marché.

Les responsables d'entreprises actives dans l'ESS sont pour une bonne part, voire tous, des entrepreneurs sociaux. Leurs activités sont à la fois durables et utiles à la collectivité, quitte à générer un salaire ou des profits plus modestes, mais suffisants pour la viabilité de l'entreprise.

Par exemple, la créatrice d'une entreprise de crèmes de soins bio est sur le bon chemin comme entrepreneuse sociale, pour autant que les crèmes soient proposées dans des emballages recyclables, avec des sous-traitants (producteurs et distributeurs) bénéficiant de bonnes conditions de travail, impliqués comme partenaires dans la direction commerciale.

Deuxième illustration : un professionnel du marketing prend le risque de quitter son emploi pour se réorienter professionnellement. Il s'oriente vers la gestion des déchets sur les plages, considérant que c'est un scandale que tant de déchets, mégots de cigarettes, plastiques et autres, finissent dans la nature et polluent nos sols, notre air et notre eau. Il constitue une fondation avec deux retraités actifs qui l'appuient moralement et stratégiquement, et motivent deux amis à le seconder bénévolement quatre heures par semaine dans le démarrage de sa gestion administrative courante (comptabilité, fournisseur, site web...). Après plusieurs journées de réflexion en équipe, il conçoit, personnalise et commence à vendre des cendriers de poches aux hôtels et communes proches des plages concernées, pour qu'ils les offrent aux vacanciers et autres riverains. Après cinq ans de démarrage difficile où les résultats sont insuffisants pour en vivre dignement, il stabilise les revenus grâce à 1 000 petits clients et 10 grands. Il réussit à générer suffisamment de revenus pour couvrir durablement l'équivalent de trois postes de travail à temps plein, pour mener des campagnes de sensibilisation et coordonner un réseau d'une centaine de bénévoles. Il aurait pu créer cette même entreprise dans un but lucratif, et dès le succès économique, aurait pu revendre son fichier de clients à une multinationale du recyclage souhaitant profiter de ce marché émergent. Il aurait ainsi pu toucher un bon bénéfice. Il aurait aussi pu breveter son concept de cendrier de poche pour communiquer sur la gestion des déchets dans la nature (plages, pistes de skis...) et ainsi revendre le concept ou le louer en franchise. Mais il a préféré donner le libre accès à ses documents à toute personne souhaitant le copier pour mener des campagnes de sensibilisation comparables ailleurs sur terre, comme sur wikipédia.

On le voit, son esprit d'entrepreneur l'a amené à rester sur une ligne éthique forte, un choix d'utilité publique. Il ne touchera pas de jackpot, mais de quoi vivre dignement et économiser pour ses vieux jours. C'est un vrai entrepreneur social. Cet exemple est réel, il s'appelle Laurent Thurneer. Il a la quarantaine et dirige la fondation Summit. C'est le partenaire d'Ecopol pour la gestion des déchets. Il forme des responsables pour mener des campagnes en fonction du lieu pour concevoir des systèmes de gestion des déchets performants, etc.

S'il continue ainsi, à la fin de sa vie Laurent laissera un patrimoine sous la forme d'une institution bien rodée (la fondation Summit), dans laquelle l’œuvre aura dépassé l'homme. Reposant sur des valeurs fortes, cette institution a une grande probabilité de durer après le départ du fondateur, et de garder relativement intacte l'intention initiale.

Nous pouvons aussi citer la multinationale Weleda (propriété d'une fondation à but non lucratif anthroposophe créée par Rudolf Steiner), Greenpeace ; la Croix Rouge ; le comité international olympique ; mais aussi Victorinox (couteaux suisses) ; Mondragon (coopérative hispano-française de plus de 60 000 employés dont une bonne part sont copropriétaires ; la NEF (France), banque à but non lucratif !

Agents du changement et intrapreneurs sociaux

Certains entrepreneurs choisissent de faire participer les employés à la direction de leur entreprise, alors que personne ne le leur demande. En créant par exemple une coopérative cogérée par les employés les plus expérimentés, comme Mondragon au pays Basque, qui a plus de 50 000 employés dont plusieurs milliers sont copropriétaires, ou le réseau de coopératives Energies Alternatives en France, qui stimule des milliers de petits artisans ayant perdu leur emploi à démarrer une activité génératrice de revenus dans un réseau de solidarité durable.

Tous ces cas sont encore rares, et rarement médiatisés, mais ils existent. Si ce livre en parle, c'est pour leur témoigner reconnaissance et encourager d'autres vocations.

Les entrepreneurs sociaux font partie d'une famille plus vaste, celle des agents du changement, en anglais change makers. Ils incarnent la transition vers cette économie nouvelle sans nécessairement être créateurs d'entreprises sociales. Sans être initiateurs ou leaders d'une entreprise, les agents du changement contribuent significativement à transformer le potentiel de l'organisation au sein de laquelle ils œuvrent. Ils sont un véritable moteur de performance au quotidien, tout en restant focalisés sur la dimension humaine et le bien commun.

Une bonne part des agents du changement sont « sécurisés » financièrement, dans le sens où ils ont un contrat d'emploi fixe. Ce sont donc des intrapreneurs sociaux. C'est-à-dire des employés avec un comportement d'entrepreneurs et de fortes valeurs sociales. Ils sont, en quelque sorte, des « infiltrés » au sein même des entreprises. Anges gardiens, facilitateurs, ils en font plus que leurs collègues, sans attendre un retour financier supplémentaire. Le mérite des intrapreneurs est de faire évoluer les pratiques dans une structure programmée pour stagner.

Plus largement, l'intrapreneur social propose des innovations à but non (ou peu) lucratif, mais qui vont souder les collaborateurs et améliorer la qualité du travail de l'entreprise ou de l'administration publique. Ils plantent des graines qui porteront leurs fruits à moyen et à long terme. C'est par exemple le cas d'un cadre qui parvient à créer une section microfinance ou un fond de solidarité au sein d'une grande banque ou d'un grand groupe financier. Plus largement, c'est le cas de toute personne qui propose à sa direction un changement dans la gestion courante, servant les intérêts de la société en général. Ils peuvent par exemple faciliter le partage d'information et la cohésion sociale, au détriment de la compétition aveugle et des stratégies visant le rendement à (très) court terme qui dominent trop souvent.

Néanmoins, si les porteurs de projets peuvent être sincères dans leur engagement, la direction de l'entreprise, elle, peut se saisir de ces innovations pour redorer son image. Après le greenwashing, le risque de social washing n'est pas très loin. Il n'empêche que l'intrapreneuriat social témoigne d'une évolution des pratiques ou tout au moins d'une prise de conscience.

Mais il existe encore une autre catégorie dans les agents du changement. Alors que les entrepreneurs sociaux sont souvent spécialisés dans un domaine ou concentrés sur une thématique, les complexity managers sont des généralistes de la gestion transversale concernant une multitude de problématiques. Ils sont donc capables d'influer en profondeur sur des décisions clés (voir l'article « Les gestionnaires de la complexité »).


Notes et références