Les entrepreneurs sociaux

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La possibilité de générer un profit, pour soi ou des actionnaires, se paye souvent au prix fort dans l'entreprise privée : stress au travail, plans sociaux au détriment des salariés, risques de faillite, bénéfice net souvent rare ou peu élevé pour les petits entrepreneurs. On comprend que certains chefs d'entreprise évoluent progressivement vers un recentrage de leurs aspirations. Ils préfèrent s'orienter vers une activité utile à la collectivité et durable. Quitte à générer un salaire ou des profits plus modestes, mais suffisants pour la viabilité de l'entreprise. Par exemple, des créateurs de start-up revendent leurs parts après quelques années et investissent leurs fonds dans une entreprise dédiée à la reforestation. C'est une source de revenus corrects à moyen terme, mais sans commune mesure avec les gains rapides obtenus au préalable.

Prenons un autre exemple, celui d'une personne qui a la bosse des affaires et qui sait comment générer de bons revenus. Elle peut s'engager pour des projets d'intérêt public, en entreprenant uniquement au sein d'associations ou fondations, donc sans se constituer de fonds personnels au passage. Elle laisse, à la fin de sa vie, un patrimoine sous la forme d'une institution dans laquelle l'oeuvre a dépassé l'homme. Reposant sur des valeurs fortes, cette institution a une grande probabilité de durer après le départ du fondateur. Parmi ces personnes qui mettent leurs compétences au service du bien commun, on peut citer Edmond Kaiser, pharmacien de Lausanne, fondateur de Terre des Hommes, ONG mondialement connue.

Certains entrepreneurs choisissent de faire participer les employés à la direction de l'entreprise, alors que personne ne le leur demande, en créant une coopérative co-gérée par les employés les plus expérimentés. C'est le cas de Nabil M'Rad, qui a co-fondé en France le groupe Energies Alternatives, stimulant ainsi des milliers de petits artisans pour démarrer une activité génératrice de revenus dans un réseau de solidarité durable.

Tous ces cas sont encore rares, mais ils existent. Ce livre en parle pour, justement, leur témoigner de la reconnaissance et encourager d'autres vocations parmi vous, lecteurs.

Il y a diverses manières d'être un entrepreneur social. Selon une définition assez large, les entrepreneurs sociaux sont des personnes qui apportent des solutions nouvelles à des problèmes pressants de société. Ils identifient des approches innovantes pour résoudre des situations qui apparaissaient souvent insolubles. Ces entrepreneurs ont la capacité de concilier l’approche économique (générer des revenus) avec des objectifs sociaux. Il s'agit de servir le bien commun, sans succomber à la pression du profit à tout prix.

L'entrepreneuriat social désigne donc toute initiative privée dont la finalité sociale est supérieure ou égale à la finalité économique (lucrativité). C'est le cas, par exemple, des entreprises détenues par des fondations (comme Victorinox, le célèbre fabricant de couteaux suisses, ou Weleda, fabricant suisse de cosmétiques naturels).

Quand l'impact social prime sur les retombées économiques...

Au fur et à mesure du développement de l'entrepreneuriat social, les acteurs ont été amenés à coopérer au sein de réseaux, comme le réseau Ashoka.

Lancée en Inde en 1980 par Bill Drayton, qui a popularisé le terme d’entrepreneur social, Ashoka - organisation sans but lucratif, laïque et apolitique - est le plus grand réseau d’entrepreneurs sociaux existant. Son objectif est de faire émerger un monde où chacun est capable d’agir rapidement et efficacement pour répondre aux défis sociétaux.

« Le secteur social a besoin de structures équivalentes aux « fonds de capital-risque », capables d’identifier et d’accompagner les entrepreneurs sociaux innovants pendant la phase de développement de leur activité », explique Ashoka. L’approche choisie est celle du « capital-risque philanthropique ». Ashoka « investit » dans les entrepreneurs sociaux. Elle les sélectionne pour leurs projets innovants et leurs qualités entrepreneuriales, tout en attendant un « retour sur investissement » qui est social et non pas financier. Ce retour se calcule en fonction de l’augmentation de l’impact que les entrepreneurs sociaux ont sur la société[1].

Agents du changement

Les entrepreneurs sociaux sont les plus courageux d'une plus grande famille, celle des agents du changement, en anglais change makers. Ces derniers incarnent la transition vers cette économie nouvelle sans nécessairement être créateur d'entreprise sociale. Sans être initiateur ou leader d'une entreprise, les agents du changement contribuent significativement à transformer le potentiel de l'organisation au sein de laquelle ils œuvrent. Ils sont un véritable moteur de performance au quotidien, tout en restant focalisés - précision essentielle ! - sur la dimension humaine et le bien commun.

Une bonne part des agents du changement sont "sécurisés" financièrement, dans le sens où ils ont un contrat d'emploi fixe. Ce sont donc des intrapreuneurs sociaux, c'est-à-dire des employés avec un comportement d'entrepreneurs et de fortes valeurs sociales, qui sont en quelque sorte des "infiltrés" au sein même des entreprises. Anges gardiens, facilitateurs, ils en font plus que leurs collègues, sans attendre de retour financier supplémentaire. Leur mérite est d'essayer de faire évoluer les pratiques dans un contexte pas forcément très propice.

L'intrapreneur social propose des innovations à but non (ou peu) lucratif, mais qui va souder les collaborateurs, améliorer l'image et la qualité du travail de l'entreprise. Ils plantent des graines qui porteront leurs fruits à moyen et à long terme. C'est par exemple le cas d'un cadre qui parvient à créer une section micro-finance ou un fonds de solidarité au sein d'une grande banque ou d'un grand groupe financier. Plus largement, c'est le cas de toute personne qui propose à sa direction un changement dans la gestion courante, servant les intérêts de la société en général. Ils peuvent par exemple faciliter le partage d'information et la cohésion sociale, au détriment de la compétition aveugle et des stratégies visant le rendement à (très) court terme, qui dominent trop souvent.

Néanmoins, si les porteurs de projets peuvent être sincères dans leur engagement, la direction de l'entreprise, elle, peut se saisir de ces innovations pour redorer son image. Après le greenwashing, le risque de social washing n'est pas très loin. Il n'empêche que l'intrapreneuriat social témoigne d'une évolution des pratiques ou tout au moins d'une prise de conscience.

Parmi ces agents du changement, on trouve une large palette de manières de s'engager pour un monde meilleur. Par exemple, les managers de la complexité. Alors que les entrepreneurs sociaux sont souvent spécialisés dans un domaine ou concentrés sur une thématique, les complexity managers (voir article Les gestionnaires de la complexité) sont des généralistes de la gestion transversale sur tout type de problématiques. Ils sont capables d'agir dans divers domaines et ainsi d'influer en profondeur sur des décisions clés, souvent en coulisse.


  1. Source : ashoka.org