Les peuples premiers

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La biodiversité de la nature nous émerveille avec ses 8,7 millions d’espèces animales et végétales. Les scientifiques en découvrent tous les jours de nouvelles et on estime que plus de 80 % des espèces restent à découvrir1. Nous aussi, en tant qu'espèce humaine, nous possédons notre propre biodiversité : culturelle ! Malgré l'uniformisation provoquée par la mondialisation, elle est visible chez les peuples premiers, multiples dans leurs cultures, leurs codes vestimentaires, leurs modes alimentaires, mais toujours en harmonie avec leur environnement. Malheureusement, cette biodiversité-là est aussi en voie de disparition.

« La terre est notre mère à tous ». Les Aborigènes respectent depuis la nuit des temps ce principe protecteur de l'équilibre de la planète. Aborigènes d’Australie, Papous d’Irian Jaya en Indonésie, Guayakis d’Amazonie, Mayas du Mexique, Pygmées du Zaïre, Karen de Birmanie, Bushmen du Kalahari au Botswana. Bien que certains de ces peuples se soient éteints, ils sont encore des milliers dans le monde à respecter l'héritage de leurs ancêtres. Ils perpétuent des langues, des cultures, des traditions, des mythes et une histoire millénaire. Ils coopèrent avec la nature plutôt que de la soumettre.

On désigne ces groupes par différentes expressions : peuples premiers, indigènes ou encore autochtones (terme désormais officiel). D'après le Fonds international de développement agricole, ils représenteraient environ 370 millions de personnes2, soit plus de 5 % de l'Humanité, dont 70 % en Asie. Les peuples autochtones sont « les descendants de ceux qui habitaient dans un pays ou une région géographique à l'époque où des groupes de population de cultures ou d'origines ethniques différentes sont arrivés puis devenus prédominants, par la conquête, l'occupation, la colonisation ou d'autres moyens », selon la définition du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

Le réseau mondial dit des « peuples premiers » est composé de peuples souvent spoliés par les Etats qui contrôlent les espaces où ils vivent depuis toujours. L'ONU les soutient : « Les autochtones sont souvent déplacés par les guerres et les catastrophes écologiques, expulsés de leurs terres ancestrales et privés des ressources indispensables à leur survie physique et culturelle. Leur savoir traditionnel est également souvent commercialisé et breveté sans leur consentement et sans leur participation ».

Malgré leurs difficultés, ces peuples ont décidé de se mobiliser et de coopérer internationalement. Bien que très peu connectés à internet, ils sont paradoxalement bien organisés sur la toile, en réseaux, faisant front commun contre l'uniformisation des cultures.

Ils ont beaucoup à nous apprendre

N'ayant pas adopté les technologies accélératrices modernes que sont l'électricité et le moteur, ces peuples ont un faible impact environnemental, avec un mode de vie durable et autonome. Leurs cultures traditionnelles font d'eux les gardiens de savoirs ancestraux, notamment en matière thérapeutique, mais aussi en matière économique et sociale. Ils sont la preuve vivante que l'Homme sait vivre heureux, en harmonie avec la nature et en communautés organisées.

« Ils présentent l’originalité d’être sans État mais pas pour autant sans règles. Ils parviennent même à faire appliquer leurs règles sans recourir à la police ou à la justice alors que nos sociétés peinent à faire appliquer les leurs malgré le recours à la contrainte. Au moment où, dans nos sociétés, apparaissent de plus en plus d'États sans règles, les sociétés ayant des règles sans État ont des messages utiles à nous faire passer. Concernant l'objet du pouvoir, la légitimité du pouvoir, la place du consentement, les modes de régulation.»[1]

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Une petite histoire... « Comme chaque soir, les Indiens Guayaquis se regroupent autour du feu du campement, sous la voûte puissante et sombre de la forêt amazonienne. Chacun vaque à ses activités pendant qu’un homme parle. Cet homme, tous les soirs, tient à peu près le même discours. Il rappelle les valeurs qui fondent la société Guayaquis, qui assurent sa survie, qui garantissent sa continuité. Son discours ne contient aucun ordre, aucune consigne, aucune instruction et surtout rien de nouveau.
Cet homme, qui parle ainsi et que personne n’écoute, c’est le chef de la tribu. Les Guayaquis l’appellent "Le Maître des mots". Ils l’ont choisi pour son éloquence. Il n’a aucun rôle coercitif, il assume une fonction de mémoire et de redite. Dans la société Guayaquis, parler pour ne rien dire est essentiel, afin de rassurer régulièrement la tribu en lui confirmant qu’il n’y a rien à dire de nouveau. Les Guayaquis sont les inventeurs d’une langue de bois auprès de laquelle ils se rassurent et se réchauffent. » Pierre Clastres. La Société contre l'État.[2]

« La défaite de ces peuples sur le terrain de la technologie a conduit nos sociétés à porter sur eux un regard oscillant entre mépris, indifférence ou mythologie du bon sauvage descendant d’un Eden perdu. Le moment est venu de porter sur ces peuples un nouveau regard dans la mesure où ils ont une véritable avance sur quatre questions décisives auxquelles nos sociétés se trouvent confrontées :

  • Le rapport des hommes à la nature,
  • Le rapport des hommes entre eux,
  • Le rapport aux situations de survie,
  • Le rapport à la règle.

Nos sociétés connaissent sur ces quatre questions une situation de crise.

  • Crise du rapport des hommes à leur environnement
  • Crise de reconnaissance entre les hommes
  • Crise des fonctions régulatrices
  • Crise des savoirs de survie en situation de pénurie.»[3]

L'art du consensus chez les Mossi

« Comme à chaque fois, lorsqu’une discorde éclate chez les Mossi, le chef regroupe les hommes sous l’arbre à palabres au centre du village. Tout le monde parle, se coupe la parole, s’interpelle. Le chef seul reste silencieux, se garde bien de trancher, d’arbitrer, de juger. Il est là pour faire circuler la parole.

Si le chef ne tranche pas, c’est qu’il est convaincu qu’en arbitrant il écarterait, il exclurait et qu’au bout du compte, il affaiblirait le groupe en le divisant. L’important n’est pas de choisir entre les différents points de vue, mais de restaurer l’unité. Alors il laisse circuler la parole jusqu’à ce qu’un discours commun se constitue, tel un ciment à prise lente, pour refaire la cohésion du groupe. Les Mossi sont les inventeurs de la concertation pour rechercher le consensus.» Jean-Claude Boulard, « Le Maître des mots ».[4]

Le saviez-vous?

« Les parcelles de terrain exploitées puis abandonnées par les Indiens d’Amazonie depuis plus de quarante ans sont deux fois plus riches en espèces sylvestres que la forêt voisine. Leur système de gestion traditionnelle de la forêt est, de loin, le plus efficace. Une étude menée en 2006 au Brésil montre que la vitesse de déforestation est 17 fois plus élevée hors des territoires autochtones. Depuis toujours, les populations ancestrales vivent de la forêt avec en corollaire la durabilité de cette relation. »

La vitesse de déforestation actuelle est de 13 millions d’hectares par an, soit l’équivalent d’une agglomération de 100 000 habitants toutes les heures. Près d’un quart des émissions de CO2 d’origine humaine, responsables du réchauffement climatique, est dû à la déforestation [5].

Le Potlatch ou la culture du don

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L'expression "repas canadien" vous rappelle-t-elle quelque chose? Elle désigne un moment de partage où chacun apporte quelque chose à manger de sucré ou de salé, tout est posé sur une table et chacun se sert. Ce repas canadien renvoie à une pratique traditionnelle appelée le potlatch : une personne offre à une autre un objet en fonction de l'importance qu'elle accorde à cet objet (importance évaluée personnellement) ; l'autre personne, en échange, offrira en retour un autre objet lui appartenant dont l'importance sera estimée comme équivalente à celle du premier objet offert.

Originellement, la culture du potlatch était pratiquée autant dans les tribus du monde amérindien (les Amériques) que dans de nombreuses ethnies de l'océan Pacifique, jusqu'aux Indes. C'est pourquoi les premiers colons européens ont pu considérablement spolier les indigènes qui pratiquaient le potlatch, car ils échangeaient de l'or contre de la bimbeloterie ; les Indiens, croyant à la valeur « potlatch » de ces échanges, pensaient que ces trocs étaient équilibrés.

C'est une pratique toujours vivante, car elle est au cœur des échanges humains non réglementés. Dans la culture occidentale actuelle, on utilise aussi la formule « briller ou disparaître », qui reflète une dynamique de type potlatch, dans les contextes et cérémonies suivantes :

  • Contribution aux repas communautaires, où chacun apporte spontanément un plat ou une boisson pour tous (salade, dessert...), aussi appelé « repas canadien » (excepté au Canada), en référence aux Amérindiens d'Amérique du Nord qui pratiquaient cette forme de potlatch.
  • Obtention d'une légitimité et d'une position hiérarchique plus importante, en fonction de la qualité et de la quantité des contributions faites dans une dynamique de groupe (par exemple, dans les milieux associatifs, les personnes qui s'engagent le plus comme volontaires auront un accès prioritaire aux ressources collectives, comme le bus ou le matériel informatique de l'association à laquelle ils contribuent).
  • Obtention des droits de modération dans une communauté virtuelle, comme c'est le cas de Wikipédia, en fonction des contributions antécédentes.

Le potlatch assure le fonctionnement de la communauté, car tout le monde y contribue. Lorsqu'une communauté, globalement équilibrée, constate que quelqu'un ne contribue pas au bien-être et au bien-vivre de la communauté, les plus sages vont discuter avec les membres à l'origine du déséquilibre pour leur demander de redevenir des contributeurs. [6]


  1. Centre de Ressources des Peuples Premiers, Messages bulletin n°1.
  2. Centre de Ressources des Peuples Premiers, Messages bulletin n°1.
  3. Centre de Ressources des Peuples Premiers : www.cpfi-lemans.com/peuples
  4. Centre de Ressources des Peuples Premiers, Messages bulletin n°1.
  5. Source: peuplespremiers.romandie.com
  6. Wikipedia Article Potlatch (anthropologie)