Les villes écologiques

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Il fut un temps où les grands empereurs avaient le pouvoir de créer une ville à partir de rien. Il leur suffisait de pointer du doigt, et de dire : « ce sera là ! », pour que des milliers de petites mains s’attellent à la construction de nouvelles cités magnifiques. L'idée de construire des villes à partir de rien (from scratch en anglais), on l'a plus récemment vue à l’œuvre pour la construction de capitales comme Brasilia (Brésil) démarrée à la fin des années 1950, ou Naypyidaw (Birmanie) dans les années 1995-2010, ces deux villes n'ayant pas grand-chose d'intéressant d'un point de vue écologique. Autres temps, autres mœurs : au XXIe siècle, imaginer les villes du futur signifie aussi tenter de prendre compte de la dimension écologique appliquée à l'urbanisme. Les villes écologiques sont dans l'air du temps.

Aussi, partout sur terre, des grands écolieux émergent, de plus de 20 000 habitants. On peut donc les qualifier d'écovilles. Ils sont occupés uniquement par de nouveaux arrivants, qui doivent accepter les nouvelles pratiques pour y habiter. Ces nouveaux urbanismes écologiques sont principalement techniques (économies d'énergies, éviter le gaspillage, transports non polluants, etc.) et peu communautaires (écoles participatives, jardins partagés, etc.), car les urbanistes ne sont que peu formés à dessiner la vie en communauté, et rares sont ceux qui ont pratiqué cet art de la cohabitation au quotidien. Mais leur vision écologie technique est très forte, bien au-dessus des normes actuelles. C'est déjà un bon pas en avant.

L'expérience de Masdar

Masdar city[1] est une nouvelle ville, en construction depuis 2008 dans une pétro-monarchie d'Arabie, l'émirat d'Abu Dhabi. Elle se profile comme une ville industrielle offrant un nouveau modèle énergétique : une pollution zéro et une production d'électricité 100 % renouvelable (principalement le solaire et l'éolien).

Masdar signifie, « la source » en français. Quand on la voit, c’est effectivement une véritable oasis futuriste surgie en plein désert. Mais les dimensions humanistes et spirituelles ne sont que peu inclues dans le concept de base. De grandes multinationales comme Toyota la sponsorisent en y apportant leur technologie et leurs moyens.

« L’ambition était grandiose : il s’agissait d’inventer la première ville sans pétrole, zéro carbone, zéro déchet. Une éco-cité solaire. D'un côté, le pari est tenu : Masdar, c’est une architecture traditionnelle mêlant le pisé aux panneaux photovoltaïques, les arcs et les colonnes aux toits végétalisés et des modes de transport inventifs.

« La ville a bien surgi du sable, mais il lui manque les habitants ! Pourtant, lorsque le projet a été lancé, les promoteurs tablaient sur 40 000 habitants et 1 500 entreprises. On est aujourd’hui loin du compte. Pourquoi ? A cause d’une erreur de vision. C’est la preuve qu’on ne peut pas faire surgir une ville ex nihilo, simplement parce qu’elle est écologique.

« Une ville, c’est aussi un tissu économique un tissu social et ça, personne, même avec le meilleur projet du monde, ne peut en faire abstraction »[2], relate la radio France Inter, au cours d'un reportage consacré à cette initiative.

L'idée des écopolis

Jacques Attali, dans son rapport de la Commission pour la libération de la croissance française en 2008, préconise de créer dix « écopolis » de 50 000 habitants en France[3]. Chargé de proposer des solutions pour répondre aux défis de l'humanité, il écrit « le moment est venu pour la France de construire des quartiers ou des villes d'un genre nouveau, véritables laboratoires de la vie humaine avec un souci permanent d'équilibre financier, écologique, technologique et social ». Ces 50 000 habitants y trouveront leur emploi et leur logement dans un cadre où la mixité sociale sera une priorité, au même titre que les énergies renouvelables ou les espaces urbains durables.

Ceci montre à quel point l'initiative Ecopol, qui s'inscrit dans la logique de construction nouvelle (from scratch) et non pas de revitalisation, est loin d'être isolée.

Les villes qui se transforment en écovilles

Pour le développement d'une écoville, l'option la plus courante, mais aussi la plus difficile, consiste à garder les bâtiments existants et à accompagner l'évolution du mode de vie en impliquant les habitants déjà établis. Car qui dit personnes déjà établies, dit pratiques déjà établies. Dans ces villes aux pratiques insuffisamment durables, à l'impact environnemental trop négatif, c'est un défi politique de conduire un tel changement à large échelle.

Dans la pratique, ces initiatives sont presque toujours un mélange entre approches endogènes et exogènes. Dans le cas présent, les deux démarches visent à réformer des lieux de l'intérieur, à proposer des évolutions profondes et rapides, en cinq à dix ans, plutôt que de construire des écolieux nouveaux. Elles font donc face aux résistances des personnes et des groupes déjà sur place (habitants, entreprises, élus, fonctionnaires). Chacun souhaitant préserver ses acquis, les villes ou quartiers en transition ne réussissent pas à atteindre un consensus fort. Chacun attend que l'autre fasse le premier pas. Résultat : des compromis souvent indigestes et inapplicables qui réduisent de beaucoup les intentions initiales et démotivent les habitants.

Parmi ces freins : une vision urbaniste et socio-économique basée sur la famille et non pas sur la communauté, un contexte de propriété privée qui rend la culture du partage difficile, une crise économique qui fait courir chacun pour gagner sa vie, sans avoir le temps et la force de changer de mode de vie. En synthèse : des programmes politiques truffés de bonnes intentions mais qui n'osent pas suffisamment remettre en question les pratiques actuelles au profit d'une nouvelle vision, jugée trop radicale. On appelle familièrement cela ménager la chèvre et le chou. Exemple : dessiner une centrale de tri des déchets prévue pour une augmentation des consommations par ménage, et ne pas imposer la réduction des emballages aux fabricants.

Le saviez-vous ?

Les démarches endogènes et exogènes

Les (co)pilotes de projets de transformation de villes en écovilles sont issus du service public, à la fois visionnaires et fonctionnaires (ou élus). Leur démarche s'effectue de haut en bas, des décideurs au peuple. On parle alors de démarche exogène.

Tandis que les mouvements dits transition towns[4], sont plutôt co-pilotés de bas en haut par des citoyens entreprenants, leaders associatifs qui, avec un appui populaire, encouragent leurs élus et fonctionnaires à cette transition. C'est l'approche dite endogène.

Malgré ces freins face aux nécessaires changements comportementaux, des villes industrialisées adoptent progressivement des pratiques écologiques fortes au niveau du transport, des déchets, de la vie de quartier…, et c'est déjà magnifique. Illustrations :

Porto Alegre, au Brésil, dont le rôle d'hôte du Forum social mondial dès 2001 est le résultat d'un siècle d'engagements pionniers. Sa principale initiative qui a inspiré le monde entier est le budget participatif. En synthèse, les habitants d'un quartier qui montrent leur capacité à se réunir régulièrement, à prendre des décisions communes et à assurer l'application efficace des décisions. Ils reçoivent des élus une part du budget dédié à leur quartier, et peuvent choisir comment investir ces fonds. Par exemple, dans des salaires de policiers de quartiers ou d'animateurs socioculturels, dans les travaux d'aménagement d'une rue piétonne, ou dans la création d'une crèche. Ceci fut notamment un des piliers concrets de la révolution bolivarienne amorcée en 2000 par Chavez au Venezuela. Cette méthode a été largement adaptée en Europe, mais souvent sous la forme d'une simple consultation des citoyens.

Curitiba, Brésil, pour ses transports publics très performants.

Lausanne, Suisse, qui a notamment préservé ses parcs et jardins dans des proportions presque uniques pour une ville du monde industriel, et qui préside le réseau mondial des écovilles.

La Havane, Cuba, dont 60 % de l'alimentation sont produits sur place, un vaste réseau de jardins urbains, de poulaillers, etc.

Séville, Espagne, ville d'un demi-million d'habitants, alimentée en électricité par un système révolutionnaire d'énergie solaire produite par la pression de vapeur chauffée par une concentration de miroirs.

Kalunborg, Danemark, qui a développé le principe de recyclage énergétique total pour ses industries et logements : la chaleur produite par l'industrie 1 va chauffer le quartier 2, dont les déchets organiques sont recyclés pour une entreprise 3, etc., en circuit presque fermé. C'est l'économie circulaire.

IMAGE 10 – ecoville https://www.dropbox.com/s/opiqnm63k0ctryx/Image10-villes.jpg?m=

IMAGE 11 – écoquartier https://www.dropbox.com/s/pe1rnhyjxksm6qz/Image11-%C3%A9coquartier.jpg?dl=0

  1. Lire aussi http://fr.wikipedia.org/wiki/Masdar.
  2. «Masdar City, ou l'échec d'une ville durable en plein désert », France Inter, 24 janvier 2014, émission l'Echo du matin.
  3. « Créer dix «Ecopolis» de 50 000 habitants », www.lefigaro.fr.
  4. Voir l'article « villes et villages en transition », dans ce même acte 2.