Motivation de l'initiateur d'Ecopol : Différence entre versions

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''«Vers six ans, j'ai commencé à me plonger dans les livres de la collection bibliothèques rose. Je me les enfilais d'un coup, en un ou deux jours. Ca m'embarquais dans des aventures autour du monde, avec des drames, des passions, des défis. Je vivais à Chailly-Village, un quartier plein de verdure et de calme à Lausanne. On se disait bonjour entre inconnus dans la rue, la vie était facile. Je jouais à planter des légumes avec mon père et j'ai eu l'idée un petit magasin pour aller à la rencontre des gens qui se promenaient, pour leur proposer ma petite production et faire du commerce. Je rêvais de faire des tunnels pour relier les jardins des camarades voisins, pour pouvoir leur rendre visite sans devoir traverser les routes dangereuses à causes des voitures. Mais parfois à l'école, au centre-ville ou en voyage, j'étais confronté aux souffrances du monde.
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'''''Notions-clé:'''''''[https://fr.wikipedia.org/wiki/Autoformation autodidacte],[https://groups.diigo.com/group/e_culture/search?what=cr%C3%A9atif+culturel créatif culturel],[http://ecoledevie.fr/ école de la vie],[https://groups.diigo.com/group/e_culture/search?what=formation+continue formation continue],[https://groups.diigo.com/group/e_culture/search?what=culture+num%C3%A9rique culture numérique],[http://tecfa.unige.ch/tecfa/maltt/cofor-1/textes/07_conf_fin.pdf acteur du changement],[https://fr.wikipedia.org/wiki/Entrepreneur porteur de projet],[https://groups.diigo.com/group/e_culture/search?what=animation+socioculturelle animation socioculturelle].''
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'''Par Théo Bondolfi'''''
  
Triste par exemple: Fathi Derder. Aujourd'hui conseiller national bien conservateur, sa carrière s'est bâtie en bonne partie sur la férocité de ses interviews à la radio puis télévision régionale. Quand il avait 5-6 ans, il avait pris l'habitude de m'attendre à la sortie de l'école pour me casser la gueule. Il avait 17 mois de plus. Je passais mon temps à proposer d'autres manières de faire dans la classe. Rétrospectivement, ça me parait assez évident que mon regard différent représentais quelque part un danger quelque part pour lui. J'avais bien sûr peur de ses réactions, peur de ses coups. Mais au fond j'avais surtout l'intuition confuse que c'était lui qui souffrait d'un complexe, qui cherchait de l'amour par ses actes violents. Au-delà de l'homme, qui pour moi importe peu mis à part l'anecdote de deux destins divergents bien qu'issus du même quartier, c'est de la dynamique socio-politique qu'il représente pour moi à laquelle je fais référence. Déjà à l'époque, j'étais triste de devoir accepter des relations tendues avec mes proches. Je cherchais activement à arranger les choses, sans ménager mes efforts, sans peur de prendre des coups. C'était dans mon ADN. 
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Vers cinq ans, j'ai commencé à me plonger dans les livres de la collection Bibliothèque Rose. Ça m'embarquait dans des aventures autour du monde. Drames, passions, défis, je me les enfilais d'un coup, en un ou deux jours. Je vivais à Chailly-Village, un quartier calme, plein de verdure, à Lausanne. On se disait bonjour entre inconnus dans la rue, chacun avait son potager, la vie était facile. Je jouais à planter des légumes avec mon père et j'avais eu l'idée de tenir un petit magasin pour proposer ma petite production et faire du commerce devant la maison. Ça marchait et ça m'a marqué. Avec des voisins de mon âge, je rêvais de faire des tunnels pour relier les jardins des camarades du voisinage.
 
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Triste aussi les mendiants vus dans la rue durant mon premier voyage à Venise vers sept ans. Mains tendues dans le froid de l'hiver. Regards éteints. Des scènes qui sont habituelles aujourd'hui pour presque tout le monde, mais qui m'ont choqué à vie. Elles ont renforcé ma motivation à faire quelque chose pour que la vie soit plus belle en général, pas juste pour mon petit chez moi, vu que mon chez moi était déjà assez chouette à l'époque. Aujourd'hui encore, quand je vois une personne mendier dans la rue, même si je suis conscient que c'est parfois plus facile pour certains que de travailler vu leur chemin de vie, je sais surtout c'est le résultat d'un dysfonctionnement de notre société, une maladresse collective aux racines profondes, et une responsabilité tout aussi collective de réduire ces écarts, sans céder à la tentation de se dire que "ma foi y'a toujours eu des injustices, on ne peut pas changer le monde". Je me nourris de leur souffrance pour rester focalisé sur un objectif de bien commun, pour alimenter ma propre humanité et tenter faire un avec mes semblables, à ma modeste mesure.
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Mais parfois à l'école, au centre-ville ou en voyage, j'étais confronté à la tristesse du monde : les mauvaises nouvelles de guerres, de scandales, d'accidents. Enfant, cela me donnait un grand sentiment de perplexité et d'impuissance. Puis, adolescent, j'ai eu un déclic avec le livre Cinq milliards d'hommes dans un vaisseau d'Albert Jacquard : un manifeste pionnier de l'éco-conscience, qui dénonçait le péril nucléaire et montrait avec des mots simples l'étendue des problèmes de l'humanité, condamnée à s'adapter ou périr. A la fin de son livre, il mentionnait l'existence de solutions à tous ces problèmes, sans pour autant les décrire en détail. Symboliquement, j'aimerais préciser ici, que ce grand homme du XXe siècle, disparu en septembre 2013, était un des premiers parrains internationaux des projets de l'association Smala. J'ai eu la chance de passer quelques merveilleux moments avec lui. Il a éveillé tant d'âmes par son parcours exemplaire et son verbe si juste. Je lui suis profondément reconnaissant. Un récent hommage dans le quotidien suisse romand Le Courrier déplore son départ qui « laisse un vide immense, à la mesure de la médiocrité de la génération d'intellectuels qui squatte aujourd'hui la plupart des tribunes médiatiques ». Triste, mais son message d'espoir reste bien vivant !
  
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Dès mes huit ans, je me suis investi à fond dans des micro-projets concrets, par résilience probablement, pour tuer la tristesse, comme on dit au Brésil. Je participais principalement à des récoltes de fonds pour des causes. J'allais sonner aux portes de tout le quartier pour proposer les timbres de Pro Juventute au profit des enfants pauvres ou vendre les oranges d'Helvetas pour réduire la famine en Afrique. J'avais une bonne mémoire, je me souvenais de chaque personne, chaque rue, chaque réaction, j'affinais mes techniques de vente au service de projets au sein desquels je me sentais utile. J'aimais les gens. J'aimais essayer de les comprendre, de les sentir, d'interagir. Je les aime toujours autant. J'aime l'humanité, le projet humain, la vie si riche en chacun de nous, notre biodiversité intérieure. Je vois le verre à moitié plein parce que je me sens utile et libre de mes choix.
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Mes parents, intellectuels et enseignants, me semblaient assez loin de ce qui m'habitait, de mes choix culturels, même s'ils m'apportaient beaucoup. Alors, dès l'adolescence, j'ai quitté l'école formelle pour entrer dans l'école de la vie. Comme l'écrivait le philosophe et poète Rainer Maria Rilke, je me suis « détaché de ma famille pour donner de la force aux inconnus ». J'ai cherché d'autres personnes référentes, plus en phase avec mes intuitions, des personnes qui convergeaient vers cette idée de contribuer à créer un environnement plus favorable pour la société.
  
Triste enfin et surtout, le livre "cinq milliard d'hommes dans un vaisseau" d'Albert Jacquard : un manifeste de l'écoconscience avant l'heure, qui dénonçait le péril nucléaire et montrait avec des mots simples l'étendue des problèmes de l'humanité, condamnée à s'adapter ou périr. Symboliquement, j'aimerais préciser ici que ce grand homme du 20e siècle, disparu la semaine du bouclage de ce livre en septembre 2013, était devenu un des premiers parrains internationaux des projets de l'association Smala. Il a éveillé tant d'âme par son parcours exemplaire et son verbe si juste. Je lui suis profondément reconnaissant.
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J'ai commencé à exprimer ma vision d'une humanité réconciliée avec elle-même et son environnement en réalisant des performances théâtrales, puis des photographies. Mes images montraient des gens interagissant dans la nature de manière décalée. Chaque mise en scène photographique était une aventure, comme un tournage de film. Scénario, budget, repérage, décor, casting de photo-modèles en herbe, équipe de production, transport, mini-formation, pique-nique... Avec, à la clé, des vernissages d'expositions et des fêtes mémorables. J'ai rapidement été soutenu par des gens incroyables, qui me faisaient confiance, alors que je n'avais même pas 18 ans.  
  
Dans mon petit lit d'enfant, quand la nuit tombait dans ce petit coin de paradis au bord du lac Léman, je n'arrivais pas toujours à m'endormir. Entre deux livres dans lesquels je ne pouvais oublier les descriptions des multiples facettes du désespoir présent dans le monde, je réfléchissais aux moyens de contribuer à une société où les choses seraient "meilleures". J'imaginais comment faire évoluer le fonctionnement de la justice, de l'école, de l'urbanisme... J'échafaudais des plans dans tous les sens, comme dans un labyrinthe infernal dont on cherche la porte de sortie. Je rêvais tout éveillé. C'étaient autant de graines pour mon destin.  
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Charles-Henri Favrod, alors directeur du musée de l'Elysée pour la photographie, m'a ouvert ses portes. Homme du monde, il m'a reconnu et encouragé. J'ai gagné en confiance et en joie de vivre. J'avais encore beaucoup de chemin à parcourir pour trouver ma voie, mais j'étais sur de bons rails, j'étais fou de bonheur de mordre la vie à pleines dents.  
  
Très vite, dès mes huit ans, je me suis investi à fond dans des micro-projets concrets. Principalement des récoltes de fonds pour des causes. J'allais sonner aux portes de tout le quartier pour proposer les timbres de Pro Juventute au profit des enfants pauvres, ou vendre les oranges d'Helvetas pour réduire la famine en Afrique. J'avais une bonne mémoire, je me souvenais de chaque personne, chaque rue, chaque réaction. Je me sentais utile. J'aimais les gens. J'aimais essayer de les comprendre, de les sentir, d'interagir.
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J'ai roulé ma bosse, j'ai voyagé et monté des projets d'« imagineur » touche-à-tout : curateur d'expositions, entrepreneur socioculturel, incubateur de réseaux, gestionnaire de programmes intergouvernementaux de coopération Nord/Sud, formateur d'adultes et réalisateur de films documentaires. Bref, tout ce qui a trait à la créativité et qui transcende les disciplines. Le succès est venu. Emotionnel. Humain. Structurel. Médiatique. J'ai vécu dans des lieux littéralement magiques, avec des gens magnifiques, dont certains sont décrits dans ce livre. J'ai tout perdu très souvent, simplement parce que je transformais des lieux abandonnés en musées vivants, finalement détruits par ceux qui me les avaient prêtés. Je ne payais pas de loyer, mais de lourdes charges de transformation, animation et entretien. Ces pertes répétées de lieux de vie, ces numéros de funambulisme socio-économique, je les ai pris du bon côté.  
 
 
Mes parents, intellectuels et enseignants, me semblaient passablement étranger à cette vision qui m'habitait, à mes sensibilités culturelles, même s'ils m'apportaient beaucoup. Alors dès l'adolescence, j'ai quitté l'école formelle pour entrer dans l'école de la vie. J'ai cherché d'autres références, plus en phase avec mes intuitions qui convergeaient vers cette idée de contribuer à "créer un environnement plus favorable pour la société".
 
 
 
J'ai commencé à exprimer ma vision d'une humanité réconciliée avec elle-même et son environnement en réalisant des performances théâtrales, puis des photographies. Mes images montraient des gens interagir dans la nature de manière décalée. Chaque mise en scène photographique était une aventure, comme un tournage de scène de film. Scénario, budget, décor, casting de photomodèles en herbe, équipe de production, transport, mini-formation, pic-nic... avec à la clé des vernissages d'expositions, des fêtes mémorables, avec des gens magnifiques qui me faisant confiance.
 
 
 
Charles-Henri Favrod, alors directeur du musée de l'Elysée, m'a ouvert ses portes. Homme du monde, il m'a reconnu et encouragé.
 
J'ai gagné en confiance. J'avais encore beaucoup de chemin à parcourir pour perdre mon innocence et trouver ma voie, mais j'étais sur les rails.
 
 
Pour me faire les pieds, j'ai voyagé et travaillé comme ''"imagineur"'' touche-à-tout : curateur d'expositions, entrepreneur socioculturel, incubateur de réseaux, gestionnaire de programmes intergouvernementaux de coopération Nord/Sud, formateur d'adulte et réalisateur de films documentaires, bref, tout ce qui a trait à la créativité et qui transcende les disciplines. J'ai commencé à signer mes œuvres "imagination Théo Bondolfi", pour signifier que j'avais mis en image une vision, que j'avais accompagné cette vision en la documentant pour amener l’œuvre à dépasser l'homme. Je cumulais les expériences autodidactes dans des domaines où la formation académique n'est pas la seule entrée possible, à la différence notable des professions d'avocat ou de médecin. Des États-unis à la Yougoslavie, de l'Asie du Sud à l'Europe de l'Est, de l'Afrique de l'Ouest à l'Amérique du Sud, j'ai ainsi roulé ma bosse de 16 à 35 ans. Parallèlement, j'ai gardé la plupart de mes doigts de pied en Suisse, où je créais et surtout animait des ruches dédiées aux nouveaux modes de vie : les maisons Tir Groupé, renommées maisons Smala dès 1997.  
 
  
''Pour bien me former, j'ai cherché des mentors et des magazines spécialisés. Ils m'ont aidés à canaliser et à clarifier ce répertoire de pratiques, à m'orienter vers ce que je n'ai réussi à nommer que bien plus tard "écologie communautaire". En imaginant ces œuvres, dont quelques-unes sont relatées en filigrane pour illustrer cet ouvrage, j'ai pu réunir progressivement de nombreuses connaissances relatives aux pratiques durables, toutes plus inspirantes les unes que les autres. Comme un collectionneur, je les mettais dans ma besace de méthodes, d'idées et de manières de faire. C'est devenu une marque de fabrique : j'avais des suggestions de solutions à un répertoire de plus en plus large de problèmes de société. Solutions non pas toutes faites, mais simplement vécues, documentées. Elles s'appuyaient sur de vastes mouvements et experts, peu connus et pourtant bien concrets.  
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Je repense à Markus Jura Suisse, enfant de la nation suisse, auquel un film est consacré, Le fils prodigue. Clochard céleste à la Kerouac et ami de notre tribu, il m'a dit un jour « mourir riche est un constat d'échec ». Riche est bien entendu à prendre au sens financier. Je n'ai pas attendu mes derniers jours pour appliquer cette philosophie. J'ai choisi, sans le nommer, un certain chemin altruiste de la simplicité volontaire, tout en gérant assez jeune des budgets conséquents au service de projets d'intérêt public, requérant une grande conscience de la chose publique. J'ai juste développé un bon réseau pour toujours retomber sur mes pattes. Comme le dit bien Mariette, qui s'inspire de La Fontaine dans le film sur les 15 ans de Smala : « nous sommes comme des roseaux, parfois on plie mais on ne casse jamais ». Tous les projets que j'administrais ont fait l'objet d'audits externes finaux positifs, m'encourageant à poursuivre dans cette double voie de manager et de créatif.  
  
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Artistiquement, j'ai commencé à signer mes œuvres « Imagination Théo Bondolfi », pour signifier que j'avais mis en image une vision, que j'avais accompagné cette vision en la documentant, pour amener l’œuvre à dépasser l'homme. Je cumulais les expériences autodidactes dans des domaines où la formation académique n'est pas la seule entrée possible, à la différence notable des professions d'avocat ou de médecin. Des Etats-Unis à la Yougoslavie, de l'Asie du Sud à l'Europe de l'Est, de l'Afrique de l'Ouest à l'Amérique du Sud. Parallèlement, j'ai gardé la plupart de mes doigts de pied en Suisse, où je créais et surtout animais des ruches dédiées aux nouveaux modes de vie : les maisons Tir Groupé, renommées maisons Smala, dès 1997.
  
Ce livre est le résultat de mes études sur le terrain. Je publie à un moment que j'espère être le milieu de ma vie, le début de la quarantaine, pour passer à une nouvelle étape, la diffusion sous une forme digeste d'une méthode globale qui me semble intéressante à tenter à large échelle : Ecopol"''.  
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Pour bien me former, j'ai cherché des mentors et des magazines spécialisés. Ils m'ont aidé à canaliser et à clarifier ce répertoire de pratiques, à m'orienter vers ce que j'ai réussi à nommer bien plus tard l'« écologie communautaire ». En imaginant ces œuvres, dont quelques-unes servent à illustrer cet ouvrage, j'ai pu réunir progressivement de nombreuses connaissances relatives aux pratiques durables, toutes plus inspirantes les unes que les autres. Comme un collectionneur, je les mettais dans ma besace de méthodes, d'idées et de manières de faire. C'est devenu une marque de fabrique : j'avais des suggestions de solutions pour des problèmes de société de plus en plus larges. Solutions non pas toutes faites, mais simplement vécues, documentées. Elles s'appuyaient sur des experts et de vastes mouvements, peu connus et pourtant bien concrets.  
  
Qu'y a-t-il de si nouveau. Rien pris individuellement. C'es le tout qui mérite de l'attention. Car sur ce chemin de vie, j'ai pu découvrir des réalités dont la presse parle peu. des pratiques particulièrement utiles pour répondre aux enjeux actuels de notre société, qui reste trop souvent sous le radar médiatique, qui sont mal considérée et ont donc bien moins d'échos qu'elle ne le mérite. C'est de ces réalités que parle ce livre. Si je l'avais eu dans les mains enfant ou du moins adolescent, j'aurais gagné un temps précieux. Il n'est pas trop tard, ni pour moi, ni pour vous. Le monde n'est pas malade, il enfante, a dit un poète.  
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De 16 à 35 ans, j'ai ainsi vogué d'un projet à l'autre, jusqu'à oser enfin parler de ma vision d'enfant, puis la nommer : Ecopol, des pôles internationaux d'écologie communautaire. Il m'a ensuite fallu près de 7 ans pour réussir à formaliser cette vision.  
  
Voici une petite contribution à cet accouchement. Bonne lecture. Bons rêves éveillés.
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Voilà, c'est fait. Ma vision est posée dans ce livre, résultat de mes études sur le terrain. Je le publie à un moment que j'espère être le milieu de ma vie, le début de la quarantaine, pour passer à une nouvelle étape, la diffusion sous une forme digeste de cette approche globale. Elle me semble intéressante à tenter à large échelle.
  
[[Fichier:Théo.jpg]]
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''Le monde n'est pas malade, il enfante,'' a écrit Xavier Sallantin, inspiré par Teilhard de Chardin. Ce livre est une petite contribution à cet accouchement.

Version actuelle datée du 26 juillet 2016 à 16:23

Notions-clé:''autodidacte,créatif culturel,école de la vie,formation continue,culture numérique,acteur du changement,porteur de projet,animation socioculturelle.


Par Théo Bondolfi

Vers cinq ans, j'ai commencé à me plonger dans les livres de la collection Bibliothèque Rose. Ça m'embarquait dans des aventures autour du monde. Drames, passions, défis, je me les enfilais d'un coup, en un ou deux jours. Je vivais à Chailly-Village, un quartier calme, plein de verdure, à Lausanne. On se disait bonjour entre inconnus dans la rue, chacun avait son potager, la vie était facile. Je jouais à planter des légumes avec mon père et j'avais eu l'idée de tenir un petit magasin pour proposer ma petite production et faire du commerce devant la maison. Ça marchait et ça m'a marqué. Avec des voisins de mon âge, je rêvais de faire des tunnels pour relier les jardins des camarades du voisinage.

Mais parfois à l'école, au centre-ville ou en voyage, j'étais confronté à la tristesse du monde : les mauvaises nouvelles de guerres, de scandales, d'accidents. Enfant, cela me donnait un grand sentiment de perplexité et d'impuissance. Puis, adolescent, j'ai eu un déclic avec le livre Cinq milliards d'hommes dans un vaisseau d'Albert Jacquard : un manifeste pionnier de l'éco-conscience, qui dénonçait le péril nucléaire et montrait avec des mots simples l'étendue des problèmes de l'humanité, condamnée à s'adapter ou périr. A la fin de son livre, il mentionnait l'existence de solutions à tous ces problèmes, sans pour autant les décrire en détail. Symboliquement, j'aimerais préciser ici, que ce grand homme du XXe siècle, disparu en septembre 2013, était un des premiers parrains internationaux des projets de l'association Smala. J'ai eu la chance de passer quelques merveilleux moments avec lui. Il a éveillé tant d'âmes par son parcours exemplaire et son verbe si juste. Je lui suis profondément reconnaissant. Un récent hommage dans le quotidien suisse romand Le Courrier déplore son départ qui « laisse un vide immense, à la mesure de la médiocrité de la génération d'intellectuels qui squatte aujourd'hui la plupart des tribunes médiatiques ». Triste, mais son message d'espoir reste bien vivant !

Dès mes huit ans, je me suis investi à fond dans des micro-projets concrets, par résilience probablement, pour tuer la tristesse, comme on dit au Brésil. Je participais principalement à des récoltes de fonds pour des causes. J'allais sonner aux portes de tout le quartier pour proposer les timbres de Pro Juventute au profit des enfants pauvres ou vendre les oranges d'Helvetas pour réduire la famine en Afrique. J'avais une bonne mémoire, je me souvenais de chaque personne, chaque rue, chaque réaction, j'affinais mes techniques de vente au service de projets au sein desquels je me sentais utile. J'aimais les gens. J'aimais essayer de les comprendre, de les sentir, d'interagir. Je les aime toujours autant. J'aime l'humanité, le projet humain, la vie si riche en chacun de nous, notre biodiversité intérieure. Je vois le verre à moitié plein parce que je me sens utile et libre de mes choix.

Mes parents, intellectuels et enseignants, me semblaient assez loin de ce qui m'habitait, de mes choix culturels, même s'ils m'apportaient beaucoup. Alors, dès l'adolescence, j'ai quitté l'école formelle pour entrer dans l'école de la vie. Comme l'écrivait le philosophe et poète Rainer Maria Rilke, je me suis « détaché de ma famille pour donner de la force aux inconnus ». J'ai cherché d'autres personnes référentes, plus en phase avec mes intuitions, des personnes qui convergeaient vers cette idée de contribuer à créer un environnement plus favorable pour la société.

J'ai commencé à exprimer ma vision d'une humanité réconciliée avec elle-même et son environnement en réalisant des performances théâtrales, puis des photographies. Mes images montraient des gens interagissant dans la nature de manière décalée. Chaque mise en scène photographique était une aventure, comme un tournage de film. Scénario, budget, repérage, décor, casting de photo-modèles en herbe, équipe de production, transport, mini-formation, pique-nique... Avec, à la clé, des vernissages d'expositions et des fêtes mémorables. J'ai rapidement été soutenu par des gens incroyables, qui me faisaient confiance, alors que je n'avais même pas 18 ans.

Charles-Henri Favrod, alors directeur du musée de l'Elysée pour la photographie, m'a ouvert ses portes. Homme du monde, il m'a reconnu et encouragé. J'ai gagné en confiance et en joie de vivre. J'avais encore beaucoup de chemin à parcourir pour trouver ma voie, mais j'étais sur de bons rails, j'étais fou de bonheur de mordre la vie à pleines dents.

J'ai roulé ma bosse, j'ai voyagé et monté des projets d'« imagineur » touche-à-tout : curateur d'expositions, entrepreneur socioculturel, incubateur de réseaux, gestionnaire de programmes intergouvernementaux de coopération Nord/Sud, formateur d'adultes et réalisateur de films documentaires. Bref, tout ce qui a trait à la créativité et qui transcende les disciplines. Le succès est venu. Emotionnel. Humain. Structurel. Médiatique. J'ai vécu dans des lieux littéralement magiques, avec des gens magnifiques, dont certains sont décrits dans ce livre. J'ai tout perdu très souvent, simplement parce que je transformais des lieux abandonnés en musées vivants, finalement détruits par ceux qui me les avaient prêtés. Je ne payais pas de loyer, mais de lourdes charges de transformation, animation et entretien. Ces pertes répétées de lieux de vie, ces numéros de funambulisme socio-économique, je les ai pris du bon côté.

Je repense à Markus Jura Suisse, enfant de la nation suisse, auquel un film est consacré, Le fils prodigue. Clochard céleste à la Kerouac et ami de notre tribu, il m'a dit un jour « mourir riche est un constat d'échec ». Riche est bien entendu à prendre au sens financier. Je n'ai pas attendu mes derniers jours pour appliquer cette philosophie. J'ai choisi, sans le nommer, un certain chemin altruiste de la simplicité volontaire, tout en gérant assez jeune des budgets conséquents au service de projets d'intérêt public, requérant une grande conscience de la chose publique. J'ai juste développé un bon réseau pour toujours retomber sur mes pattes. Comme le dit bien Mariette, qui s'inspire de La Fontaine dans le film sur les 15 ans de Smala : « nous sommes comme des roseaux, parfois on plie mais on ne casse jamais ». Tous les projets que j'administrais ont fait l'objet d'audits externes finaux positifs, m'encourageant à poursuivre dans cette double voie de manager et de créatif.

Artistiquement, j'ai commencé à signer mes œuvres « Imagination Théo Bondolfi », pour signifier que j'avais mis en image une vision, que j'avais accompagné cette vision en la documentant, pour amener l’œuvre à dépasser l'homme. Je cumulais les expériences autodidactes dans des domaines où la formation académique n'est pas la seule entrée possible, à la différence notable des professions d'avocat ou de médecin. Des Etats-Unis à la Yougoslavie, de l'Asie du Sud à l'Europe de l'Est, de l'Afrique de l'Ouest à l'Amérique du Sud. Parallèlement, j'ai gardé la plupart de mes doigts de pied en Suisse, où je créais et surtout animais des ruches dédiées aux nouveaux modes de vie : les maisons Tir Groupé, renommées maisons Smala, dès 1997.

Pour bien me former, j'ai cherché des mentors et des magazines spécialisés. Ils m'ont aidé à canaliser et à clarifier ce répertoire de pratiques, à m'orienter vers ce que j'ai réussi à nommer bien plus tard l'« écologie communautaire ». En imaginant ces œuvres, dont quelques-unes servent à illustrer cet ouvrage, j'ai pu réunir progressivement de nombreuses connaissances relatives aux pratiques durables, toutes plus inspirantes les unes que les autres. Comme un collectionneur, je les mettais dans ma besace de méthodes, d'idées et de manières de faire. C'est devenu une marque de fabrique : j'avais des suggestions de solutions pour des problèmes de société de plus en plus larges. Solutions non pas toutes faites, mais simplement vécues, documentées. Elles s'appuyaient sur des experts et de vastes mouvements, peu connus et pourtant bien concrets.

De 16 à 35 ans, j'ai ainsi vogué d'un projet à l'autre, jusqu'à oser enfin parler de ma vision d'enfant, puis la nommer : Ecopol, des pôles internationaux d'écologie communautaire. Il m'a ensuite fallu près de 7 ans pour réussir à formaliser cette vision.

Voilà, c'est fait. Ma vision est posée dans ce livre, résultat de mes études sur le terrain. Je le publie à un moment que j'espère être le milieu de ma vie, le début de la quarantaine, pour passer à une nouvelle étape, la diffusion sous une forme digeste de cette approche globale. Elle me semble intéressante à tenter à large échelle.

Le monde n'est pas malade, il enfante, a écrit Xavier Sallantin, inspiré par Teilhard de Chardin. Ce livre est une petite contribution à cet accouchement.