Smala visite des écolieux et s'en inspire

De Wiki ECOPOL

Dans les friches, à Forte Petrazza en Italie, qui fut un grand Fort longtemps contrôlé par la mafia, on a vu que la récupération de lieux qui avaient été contrôlés par des organisations criminelles constituait un très bon terreau pour faire refleurir des initiatives citoyennes, puisque ça ne pouvait pas être pire... Cela a suscité beaucoup d’espoir et laisse la porte ouverte à de nombreux possibles.

Dans la friche industrielle de La Belle de Mai à Marseille, on a pu constater l’importance d’avoir des incubateurs officiels, qui accompagnent les projets d’innovation et de créativité, que ce soit au niveau social, environnemental ou artistique, qui les met en réseaux, et qui facilitent les espaces et les dynamiques de coopération.

L’expérience d’Artamis à Genève a attiré notre attention sur le danger de cloisonnement progressif des artistes, lorsqu’il n’y a pas de volonté de l’Etat, dès le début, de soutenir, d’incuber, et d’accompagner la qualité du lieu. Artamis nous semble finalement n’avoir été qu’un provisoire qui dure, basé sur une écoute faible, une absence de règles cohérentes, et des responsables qui ne pouvaient pas être légitimes, au vu du terreau d’anarchie qu’alimentait un Etat absent. On a constaté les déviances que ça a généré en matière de conflits entre les usagers et les responsables des lieux, en matière d’état de non droit et plus largement de démotivation des personnes bienveillantes. Ces dernières se cassaient les dents sur des problèmes structurels, liés à des conditions défavorables de gestion, vu que rien n’était mis par écrit, compliquant ainsi les relations...

Nous avons observé la même situation à Piracanga au Brésil. Depuis 2003, on y apporte une participation relativement active dans le développement du tourisme, le coaching, le développement de micro-projets, l'appui au lieu. C’est un couple et quelques amis qui se sont transformés en une soixantaine de maisons et entre 200 et 500 habitants selon le moment de l’année. C’est un lieu paradisiaque, mais là aussi, l’absence de règles mises par écrit n'a pas amené la stimulation nécessaire pour que les gens s’impliquent activement, développent des micro-entreprises, autrement dit pour qu’ils innovent. Parce que, comme beaucoup de choses sont dans l’informel, quand il n’y a pas une culture de l’incubateur, il est difficile de s’impliquer activement.

Dans la plupart des lieux, notamment Piracanga, Forte Petrazza ou la Friche de Belle de Mai, on a vu que ceux qui avaient une bonne situation géographique étaient capables de compléter leurs activités par des revenus touristiques, et plus largement, de mélanger des activités pédagogiques de formation ou d’art, avec du logement. A ce titre, ils étaient à même d’augmenter leurs propres revenus et d’offrir en même temps au public une expérience d’immersion dans l’écolieu, pour vivre de l’intérieur, co-vivre avec les habitants, l’expérience de l’écologie communautaire.

A Attori Superiori, en Italie, avec qui on a un vrai lien d’amitié depuis de nombreuses années, on a vu à quel point le fait d’avoir des foyers indépendants pour les familles facilitait la dynamique communautaire. Cela permettait de leur faire apprécier la vie en communauté, dans le choix qui leur était laissé de se retrouver dans les espaces communs. Ils pouvaient ainsi en permanence en sortir pour retrouver leur chez eux. Ce dédale de 160 pièces semblait donner une qualité de vie exceptionnelle.
On a aussi vu qu’à Attori Superiori, on participait à la vie de la commune, notamment en faisant partie du service des pompiers, et qu'à ce titre, on était bien intégré. Cette intégration créait un climat de confiance et de collaboration avec les autres villageois. Le fait de rendre service à sa localité, à sa région, est quelque chose qui crée une très bonne dynamique d’intégration d’un projet pionnier dans une région.

A Auroville, l’écolieu d’écologie profonde le plus grand, nous avons retenus ces choses là :
L’indépendance législative et exécutive d’Auroville semble être un gros plus, pour qu’ils puissent développer des projets en faisant leurs propres choix sur l’aménagement du territoire, sur la gouvernance entre police préventive et répressive, pour qu’ils puissent s’autogérer en profondeur. En revanche, ils ont une grosse épine dans le pied : c'est d'avoir sur leur terrain (qui fait environ 10 kilomètres sur 10), de très petites poches, de l’ordre de carrés de dizaine de m2, genre 10 mètres sur 20, dont ils ne possèdent pas la gestion, et où s’entassent des habitants de la région. Ces Indiens qui viennent en quête de travail parce qu’ils ont le réflexe de se dire : « Tiens, parmi les 1 800 aurovilliens, il y en a une bonne partie qui est de culture occidentale et donc il y a de l’argent à gagner ».
L’installation de ces gens empêche ainsi la mixité de se créer. Il y a de ce fait un choc culturel permanent entre des choix de vie écologique et puis tout à coup, à quelques centaines de mètres, « bof », une petite maison avec un autre mode de vie. Ce phénomène rend la cohérence du message très difficile.
Par ailleurs, ils ont commencé à construire des petits lieux à gauche à droite sur ces 10 km2 mais ils n’ont jamais réussi à mettre en oeuvre leur plan urbanistique initial. Donc, ils ont eu un ver dans la pomme, dans le sens où il y a plein de petits villages, c’est très bien, mais ça amène une dispersion des énergies et de la communication. Cela a plus d’impacts sur la biodiversité. Tous ces petits lieux, au final, ça complique la dynamique du groupe et l’interaction entre l’homme et la nature. Ils ont pris l’habitude d’aller d’un endroit à l’autre en moto et donc ça pollue pas mal, même s’il y en a aussi qui vont en vélo. Il n’y a pas un habitat dense et compact qui serait cohérent pour un lieu durable et, à ce titre, ils ont manqué de fermeté au début et ils en paient le prix fort.

A Damanhur enfin, en Italie, on a pu voir qu’on peut aller jusqu’à créer une dynamique de groupe suffisante pour que les habitants de la partie écolieu d’un village soient élus à la mairie et président à la destinée du village de manière consensuelle avec des personnes qui n’ont pas fait le choix d’une vie écologique. Et donc, une approche mixte entre communautés intentionnelles et habitants individualistes est tout à fait possible.
On a aussi vu qu’il était possible d’avoir un supermarché avec uniquement des produits locaux. Ça marche tout à fait d’avoir une commune où la cigarette est interdite même à l’extérieur, sauf dans les espaces privés des habitants.
On a enfin vu à Damanhur, et plus largement dans de nombreux écolieux anthroposophes, que le fait d’accueillir et de fournir des prestations pour des seniors, ou des personnes en situation de handicap, était un revenu honnête et utile, et qu’il était important de le regarder sous l’angle d’un double intérêt de mixité sociale et de durabilité socio-économique.

La dernière chose qu’on peut dire c’est que, si les lieux comme Auroville, Findhorn et Damanhur, mettent beaucoup en avant l’aspect spirituel, on n'y a jamais subi de prosélytisme de type « viens participer à un rituel » ou « paie pour visiter un de nos monuments religieux du lieu». Au contraire, leur spiritualité est pratiquée de manière plutôt modérée et relativement œcuménique. Ce n’est pas du tout quelque chose qui est mis en avant, on n’est pas dans une situation sectaire et donc ça nous a aussi motivés.

On a aussi bien sûr visité des villes écologiques, et on s’est immergé dans les peuples premiers. Concrètement, on a même des membres qui ont une histoire de vie de type ancestral, comme la trésorière de l’association Smala qui a vu pour la première fois des éléments de base de la civilisation occidentale comme l’école ou les supermarchés vers la fin de l’adolescence, vers 17-18 ans. Avant, elle vivait dans un environnement où il y avait uniquement la nature, l’agriculture, le lien avec la terre. Elle a pu ensuite faire des études universitaires et donc, elle a un pied des deux côtés.
On a de nombreux membres qui font ces expériences en s’immergeant dans des lieux très naturels où il n’y a pas de civilisation moderne, qui se déconnectent pour de la méditation, pour des marches. On a par exemple un cohabitant qui a un statut d’avocat au Barreau du canton de Vaud et qui en même temps a fait des marches décroissantes, en allant de la Suisse à Rome à pieds pour réfléchir à son avenir. On a même des membres et sympathisants qui, après avoir visité des écovillages avec nous, sont partis au Népal à pieds avec un chien et deux ânes... Ce sont des sources d’inspiration pour nous, ça nous connecte avec les écolieux et la qualité de vie.