Les formats au cœur de l'informatique
formats, logiciel libre
Champollion, en déchiffrant les hiéroglyphes, a relevé un sacré défi ! Il a dû décoder une langue que plus personne ne connaissait afin de pouvoir comprendre tous les textes laissés par les égyptiens... Eh bien, de nos jours, nous avons de nouveaux Champollion qui doivent déchiffrer les langues informatiques utilisées par certains programmes pour sauvegarder les informations de leurs utilisateurs. On parle ici de formats de fichiers, la grammaire et le vocabulaire employés afin de mettre en mémoire les informations sous forme de documents. Ces documents seront réutilisés ensuite par un programme analogue afin de prendre connaissance ou de modifier les informations qu'ils contiennent.
Pourquoi ne pas rendre publics tous les formats utilisés par chaque logiciel ? C'est souvent un moyen employé par les éditeurs de logiciels pour garder captifs les utilisateurs de leurs programmes. Si vous avez commencé à utiliser le logiciel XYZ de la société ABC, alors ils veulent être sûrs que vous utiliserez exclusivement XYZ dorénavant. C'est paradoxal dans un monde où l'on parle souvent de pluralité, de choix, de liberté, mais c'est un asservissement moderne. On peut également y voir une forme de lutte contre la concurrence car lorsque vos clients sont captifs, la concurrence n'est pas possible, sauf au prix de perdre tout un existant...
Les formats tenus secrets sont dits fermés, tandis que ceux qui sont publiés et dont l'usage est autorisé par tous sont dit ouverts. On ne peut pas faire de formats 100 % fermés avec des logiciels libres car en étudiant leur mode de fonctionnement, ces logiciels nous révéleraient comment ils conservent les informations dans les fichiers, donc les formats seraient déchiffrés aisément. En revanche, parmi les éditeurs de programmes non libres, certains optent pour des formats fermés, d'autres pour des formats ouverts.
Le problème des formats se pose à chaque fois qu'on veut exploiter l'information numérique produite par un logiciel :
- Lorsqu'on change la version du même logiciel ;
- Lorsqu'on passe d'un logiciel à l'autre ;
- Lorsqu'on échange de l'information entre deux personnes ayant chacune son ordinateur ;
- Lorsqu'on veut exploiter les données d'un logiciel n'existant plus, voire dont l'éditeur a fermé boutique.
C'est un sujet extrêmement sensible auquel tout utilisateur d'ordinateur a été ou sera confronté.
Si vous avez compris les formats, vous avez compris une des choses essentielles de l'informatique.
Type de format | Format libre utilisé par la majorité des éditeurs de logiciel | Format privateur |
---|---|---|
Pages web | HTML et ses dérivés (xml, ...) | Théoriquement aucun, le web étant entièrement ouvert à la base. Cependant, plusieurs greffons (plugins-addons) indispensables dans certains sites ôtent au web son côté universel... |
Documents textuels | OpenDocument (.odt) | Format de Microsoft Word (.doc, .docx) |
Tableur | OpenDocument (.ods) | Format de Microsoft Excel (.xls, .xlsx) |
Document textuel | OpenDocument (.odt) | Format de Microsoft Word (.doc, .docx) |
Présentation assistée par ordinateur (PréAO) | OpenDocument (.odp) | Format de Microsoft Powerpoint (.ppt, .pptx) |
Image | PNG, SVG, PNG, SVG | GIF, PSD, JPG, WMF |
Sons, musique | Ogg Theora | MP3 |
Vidéo, film | DIVX | AVI, MOV |
Sommaire
Libre, ouvert, privé, fermé : quels termes utiliser
Dans le domaine des formats, les termes utilisés sont formats ouverts et formats fermés. Le sens commun suggère que ouvert serait comme libre et fermé comme privateur/propriétaire.
Ouvert signifie en fait que nous pouvons tous accéder à l'information, la modifier, mais qu'il reste une interdiction : la redistribution.
Ouvert est déjà un bon pas en avant vers la libération des œuvres. Mais cette limite est considérée comme insuffisante s'il s'agit d'une information fonctionnelle : un mode d'emploi, un format de fichier, un logiciel. Par exemple : je trouve sur l'Internet une recette de gâteau. Je la modifie. Si elle n'est qu'ouverte, j'ai l'interdiction de redistribuer la recette, même si je mentionne la source. Idem avec le format de fichier. Exemple : un jeune informaticien trouve un bug dans le programme Firefox. Il répare, mais ne peux pas l'intégrer dans le fichier central du logiciel. Car le logiciel ou le format du fichier ou le livre appartient aux éditeurs. Et les éditeurs décident à qui ils donnent quoi... En format uniquement ouvert, pas libre, l'informaticien qui a réparé bénévolement le problème ne pourra pas redistribuer à ses contacts le résultat du travail effectué, car il n'a pas la liberté de redistribuer.
Libre, ouvert, des termes proches qui peuvent prêter à confusion. En général, les promoteurs du libre considèrent qu'il est compréhensible de prendre plusieurs années pour comprendre la différence, digérer l'idée, l'intégrer. C'est aussi compliqué que de coordonner ses pieds et ses mains pour conduire une voiture. Pour une conduite citoyenne sans risque sur les autoroutes de l'information, il est nécessaire d'être capable de faire la distinction.
Salutation à Francis Muguet
Chercheur français, Francis Muguet a mené la délégation des promoteurs du libre au sommet de l'ONU sur la société de l'information. En 2001, puis 2003, il a réussi un tour de force politique aux côtés de Richard Stallman, fondateur du mouvement du logiciel libre, au service du bien commun et de l'éthique numérique. Les gouvernements ont signé une déclaration finale en faveur de la culture du Free/Libre, et non pas de l'Open/Ouvert. C'est la reconnaissance de millions d'heures de débats dans les forums sur l'Internet depuis le milieu des années 1990 sur les enjeux de société qui se cachent derrière ces deux termes. Depuis, on peut dire que libre est le terme officiel des citoyens du Net et des gouvernements démocratiques. Dans la pratique, Open Source est plus usité, car les journalistes, faiseurs d'opinions, n'ont que trop rarement saisi les enjeux qui se cachent derrière ces termes. Membre du conseil scientifique d'Ynternet.org, Francis Muguet passait parfois dans les bureaux où ces lignes furent écrites. Il s'est éteint en septembre 2010. Ce paragraphe lui rend hommage.