Les friches revitalisées : Différence entre versions
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− | + | Parfois, lors d'une promenade dominicale en campagne, il nous arrive de passer devant des terrains vagues, sans exploitation agricole ni habitation. Apparemment, ce sont juste des coins mal entretenus ou abandonnés. Des herbes sauvages y ont vite remodelé le paysage, avec une créativité spontanée. Elles améliorent la qualité du sol et restaurent les écosystèmes. C'est le principe des terrains en friches, aussi nommés jachères. | |
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− | L'inspiration | + | A priori, ces lieux ont peu de valeur. Et pourtant, les jachères sont essentielles à la biodiversité. Les services publics d'aménagement du territoire et d'appui à l'agriculture ont depuis longtemps compris la nécessité de préserver et subventionner l'existence de zones de parcs naturels, d'étangs non canalisés, de forêts sauvages, de terres agricoles non exploitées. Ces mesures financées avec les impôts et taxes permettent notamment de renouveler la richesse des sols (vers de terre, insectes, papillons...), de remplir les nappes phréatiques d'eau potable et d'assurer la conservation d'espèces rares en quête de nids protégés pour croître. |
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+ | Dans les grandes villes, c'est un peu pareil. Certains quartiers industriels perdent leur raison d'être économique, le marché les dévalorisent. Les exploitations déclinent et ferment, les infrastructures se mettent à rouiller. L'asphalte est troué par les herbes. Des terrains vagues apparaissent. Les bâtiments vides sont parfois squattés sans autorisation, mais souvent prêtés contre bons soins ou loués à bas prix par des créatifs qui refaçonnent l'environnement. La plupart sont capables de bien vivre même dans des conditions inhabituelles voir difficiles. Ces personnes résilientes y créent des lofts époustouflants au cœur de la ville, mais aussi des écoles alternatives, des ONG humanitaires, des petites entreprises d'utilité publique pour aider les demandeurs d'emplois ou les sans-papiers, des coopératives d'habitation autogérées par les habitants, des brocantes, des centres de rencontres autogérés, etc. | ||
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+ | C'est ainsi que les friches industrielles se revitalisent tout en devenant de petits îlots d'innovation sociale et écologique. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le phénomène s'est accentué. Quelle ville n'a pas sa ou ses friches de béton et de métal, glauques, désertées, surprenantes, inspirantes et parfois dangereuses ? | ||
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+ | L'inspiration souvent citée est SoHo, ce quartier de New York devenu célèbre dès les années 1960, car ses usines abandonnées y offraient un espace immobilier bon marché. Nombre de bâtiments industriels furent alors transformés en studios ou lofts d'artistes. Dans les années 90, SoHo comptait quelque 300 galeries d'art et était célèbre pour ses créations contemporaines (graffitis, happening, photo-réalisme, etc.). Mais le succès aidant, les prix de l'immobilier ont tellement augmenté que les artistes n'y ont plus vraiment trouvé leur place. | ||
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+ | Les friches reconverties sont donc des écolieux à part entière. Sur le plan humain, ce sont des lieux plus propices au partage, à l'entraide, à la coopération transdisciplinaire, même si une bonne partie des friches créatives ne sont qu'éphémères, vite récupérées par les spéculateurs immobiliers. | ||
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+ | Parmi les friches industrialisées dont la reconversion est la plus intéressante, citons notamment : | ||
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+ | *La Friche Belle de Mai, à Marseille, ancienne usine à tabac devenue pôle d'entreprises créatives aux volumes impressionnants, dans lesquels les pouvoirs publics ont eu la bonne idée de miser pour l'incubation d'emplois innovants, reliant art et économie numérique ; | ||
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+ | *Christianien, ancienne base militaire au cœur de la capitale du Danemark, occupée dans les années 1970. Expérience qui, comme bien d'autres, a été à la fois un refuge pour marginaux anarchiques et un centre d'écologie communautaire de référence internationale ; | ||
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+ | *D'autres bases militaires en friche sont en cours de reconversion au Canada (écovillage Radar), mais aussi en Pologne et en Allemagne. | ||
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+ | Un des exemples les plus marquants est l'écovillage Zegg à une heure de Berlin, ancien centre de formation des nazis puis de la Stasi (puissants services secrets d'Allemagne de l'Est, durant la guerre froide entre 1950 et 1989), qui fut ensuite abandonné et racheté par une communauté qui l'a transformé en un magnifique écovillage. Sur le fumier fleurit la rose, dit le proverbe. | ||
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+ | Pour vous encourager à approfondir sur le web, citons aussi Emeryville, en Californie, Hammarby Sjöstad à Stockholm et Angus à Montréal ; | ||
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+ | En Suisse, l'équipe de la Smala a participé aux débuts d'Artamis à Genève, vaste site d'ateliers et de salles de spectacles sauvages, devenue coopérative d'habitation écologique après 15 ans de mutation, et surtout nous avons participé activement à la revitalisation du Flon<ref>Zoom sur La Belle de Mai et le Flon sur http://www.geocarrefour.revues.org/1905?</ref> à Lausanne, où l'aventure Ecopol est née<ref>Voir acte 4, l'histoire de la Smala, premiers articles.</ref>. | ||
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+ | | '''Le saviez-vous?''' | ||
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+ | '''Bidonvilles et squats sont des formes de friches''' | ||
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+ | Dans le film La cité de Dieu, qui se passe à Rio de Janeiro, les premières minutes racontent l'émergence d'une favela dans les années 1950. Au début, ce sont des migrants ruraux sans le sou qui arrivent à la périphérie de la ville et occupent des terrains en friche, sans autorisation. Sans aides publiques pour construire leurs logements, ils bricolent des solutions créatives pour l'eau et l'électricité. Leur dynamique communautaire mélange solidarité et violence, autogestion et anarchie, recréant l'urbanisme des médinas et autres cités de l'antiquité. | ||
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+ | Aujourd'hui, certains sont des catastrophes vivantes, comme on le voit dans le film Slumdog millionaire à Mumbai en Inde. Mais d'autres ont réussi à évoluer, se structurer et se pacifier en bonne partie, tout en restant largement indépendants des pouvoirs publics. | ||
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+ | Exemples inspirants pour les bidonvilles : Kalakuta Republic à Lagos au Nigeria, lieu mythique qui a résisté à toutes les dictatures par la force d'une famille d'artistes politiquement engagés et Olinda à Fortaleza au Brésil qui a sa propre monnaie (tous les deux avec plus d'un million d'habitants chacun), mais aussi Eco-Yoff à Dakar au Sénégal et Getsemani à Cartegena de la Indias en Colombie, le deuxième quartier historique, tombant en ruine mais rénové en bonne partie par les occupants dès 1990. | ||
− | + | Exemples de reconversion réussie pour les squats : l’îlot 13 à Genève, squat de plus de 100 appartements rachetés par ses habitants en coopérative d'habitation avec aides de l'Etat à la fin des années 1990 ou, dès les années 2010, le mouvement Heilhaus en Allemagne, qui transforme des HLM en écoquartiers pour l'insertion des exclus sociaux. | |
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− | + | == Notes et références == | |
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Version actuelle datée du 24 octobre 2016 à 20:11
Notions-clés:résilience écologique, friche industrielle, création artistique, ruche, écolieu, coopération, mixité, urbanisme, espèces premières, métamorphose.
Profils-clés: SoHo, le Flon, Belle de mai, Artamis.
Parfois, lors d'une promenade dominicale en campagne, il nous arrive de passer devant des terrains vagues, sans exploitation agricole ni habitation. Apparemment, ce sont juste des coins mal entretenus ou abandonnés. Des herbes sauvages y ont vite remodelé le paysage, avec une créativité spontanée. Elles améliorent la qualité du sol et restaurent les écosystèmes. C'est le principe des terrains en friches, aussi nommés jachères.
A priori, ces lieux ont peu de valeur. Et pourtant, les jachères sont essentielles à la biodiversité. Les services publics d'aménagement du territoire et d'appui à l'agriculture ont depuis longtemps compris la nécessité de préserver et subventionner l'existence de zones de parcs naturels, d'étangs non canalisés, de forêts sauvages, de terres agricoles non exploitées. Ces mesures financées avec les impôts et taxes permettent notamment de renouveler la richesse des sols (vers de terre, insectes, papillons...), de remplir les nappes phréatiques d'eau potable et d'assurer la conservation d'espèces rares en quête de nids protégés pour croître.
Dans les grandes villes, c'est un peu pareil. Certains quartiers industriels perdent leur raison d'être économique, le marché les dévalorisent. Les exploitations déclinent et ferment, les infrastructures se mettent à rouiller. L'asphalte est troué par les herbes. Des terrains vagues apparaissent. Les bâtiments vides sont parfois squattés sans autorisation, mais souvent prêtés contre bons soins ou loués à bas prix par des créatifs qui refaçonnent l'environnement. La plupart sont capables de bien vivre même dans des conditions inhabituelles voir difficiles. Ces personnes résilientes y créent des lofts époustouflants au cœur de la ville, mais aussi des écoles alternatives, des ONG humanitaires, des petites entreprises d'utilité publique pour aider les demandeurs d'emplois ou les sans-papiers, des coopératives d'habitation autogérées par les habitants, des brocantes, des centres de rencontres autogérés, etc.
C'est ainsi que les friches industrielles se revitalisent tout en devenant de petits îlots d'innovation sociale et écologique. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le phénomène s'est accentué. Quelle ville n'a pas sa ou ses friches de béton et de métal, glauques, désertées, surprenantes, inspirantes et parfois dangereuses ?
L'inspiration souvent citée est SoHo, ce quartier de New York devenu célèbre dès les années 1960, car ses usines abandonnées y offraient un espace immobilier bon marché. Nombre de bâtiments industriels furent alors transformés en studios ou lofts d'artistes. Dans les années 90, SoHo comptait quelque 300 galeries d'art et était célèbre pour ses créations contemporaines (graffitis, happening, photo-réalisme, etc.). Mais le succès aidant, les prix de l'immobilier ont tellement augmenté que les artistes n'y ont plus vraiment trouvé leur place.
Les friches reconverties sont donc des écolieux à part entière. Sur le plan humain, ce sont des lieux plus propices au partage, à l'entraide, à la coopération transdisciplinaire, même si une bonne partie des friches créatives ne sont qu'éphémères, vite récupérées par les spéculateurs immobiliers.
Parmi les friches industrialisées dont la reconversion est la plus intéressante, citons notamment :
- La Friche Belle de Mai, à Marseille, ancienne usine à tabac devenue pôle d'entreprises créatives aux volumes impressionnants, dans lesquels les pouvoirs publics ont eu la bonne idée de miser pour l'incubation d'emplois innovants, reliant art et économie numérique ;
- Christianien, ancienne base militaire au cœur de la capitale du Danemark, occupée dans les années 1970. Expérience qui, comme bien d'autres, a été à la fois un refuge pour marginaux anarchiques et un centre d'écologie communautaire de référence internationale ;
- D'autres bases militaires en friche sont en cours de reconversion au Canada (écovillage Radar), mais aussi en Pologne et en Allemagne.
Un des exemples les plus marquants est l'écovillage Zegg à une heure de Berlin, ancien centre de formation des nazis puis de la Stasi (puissants services secrets d'Allemagne de l'Est, durant la guerre froide entre 1950 et 1989), qui fut ensuite abandonné et racheté par une communauté qui l'a transformé en un magnifique écovillage. Sur le fumier fleurit la rose, dit le proverbe.
Pour vous encourager à approfondir sur le web, citons aussi Emeryville, en Californie, Hammarby Sjöstad à Stockholm et Angus à Montréal ;
En Suisse, l'équipe de la Smala a participé aux débuts d'Artamis à Genève, vaste site d'ateliers et de salles de spectacles sauvages, devenue coopérative d'habitation écologique après 15 ans de mutation, et surtout nous avons participé activement à la revitalisation du Flon[1] à Lausanne, où l'aventure Ecopol est née[2].
Le saviez-vous?
Bidonvilles et squats sont des formes de friches Dans le film La cité de Dieu, qui se passe à Rio de Janeiro, les premières minutes racontent l'émergence d'une favela dans les années 1950. Au début, ce sont des migrants ruraux sans le sou qui arrivent à la périphérie de la ville et occupent des terrains en friche, sans autorisation. Sans aides publiques pour construire leurs logements, ils bricolent des solutions créatives pour l'eau et l'électricité. Leur dynamique communautaire mélange solidarité et violence, autogestion et anarchie, recréant l'urbanisme des médinas et autres cités de l'antiquité. Aujourd'hui, certains sont des catastrophes vivantes, comme on le voit dans le film Slumdog millionaire à Mumbai en Inde. Mais d'autres ont réussi à évoluer, se structurer et se pacifier en bonne partie, tout en restant largement indépendants des pouvoirs publics. Exemples inspirants pour les bidonvilles : Kalakuta Republic à Lagos au Nigeria, lieu mythique qui a résisté à toutes les dictatures par la force d'une famille d'artistes politiquement engagés et Olinda à Fortaleza au Brésil qui a sa propre monnaie (tous les deux avec plus d'un million d'habitants chacun), mais aussi Eco-Yoff à Dakar au Sénégal et Getsemani à Cartegena de la Indias en Colombie, le deuxième quartier historique, tombant en ruine mais rénové en bonne partie par les occupants dès 1990. Exemples de reconversion réussie pour les squats : l’îlot 13 à Genève, squat de plus de 100 appartements rachetés par ses habitants en coopérative d'habitation avec aides de l'Etat à la fin des années 1990 ou, dès les années 2010, le mouvement Heilhaus en Allemagne, qui transforme des HLM en écoquartiers pour l'insertion des exclus sociaux. |
Notes et références
- ↑ Zoom sur La Belle de Mai et le Flon sur http://www.geocarrefour.revues.org/1905?
- ↑ Voir acte 4, l'histoire de la Smala, premiers articles.