Internet au delà du petit écran : Différence entre versions

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Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c'est-à-dire de le divertir, de le détendre, pour le préparer entre deux messages. « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » C’est avec cette phrase de Patrick Le Lay, prononcée en juillet 2004 alors qu'il était président de la télévision TF1, que le journaliste d'investigation Christophe Nick s’est demandé jusqu’où pouvait aller la télé. En effet, depuis les années 80 le divertissement sur petit écran ne trouve plus sa force dans la moralité ou l’émotion que dans l’excitation de nos pulsions primitives. Sexe, violence, cruauté, humiliation, le cocktail parfait pour une audience assujettie à une logique économique plus que culturelle. Prochaine étape sur vos écrans HD ? Peut-être la mort en direct.
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''internet, télévision, passivité, participativité, bien commun, divertissement, information''
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Qu’il s’agisse de télévision ou d’Internet, le débat tourne régulièrement autour de l’opposition «&nbsp;passivité versus activité&nbsp;». Or, Internet n’est plus un sanctuaire préservé de tout risque de passivité&nbsp;: le Web sert de plus en plus à la consommation de télévision ou de cinéma en streaming ou en mode «&nbsp;rattrapage&nbsp;». La télévision de son côté n’a pas été longue à tomber dans la «&nbsp;convergence Web&nbsp;». La publicité, par conséquent, se déploie et se consomme désormais également sur Internet. Les observations extraites du documentaire ''Le temps de cerveau disponible''<ref>écrit par Christophe Nick et réalisé par Jean-Robert Viallet pour France 2 en 2010 </ref>, restent donc parfaitement adaptées à l’aire numérique&nbsp;:
  
'''Voyeurisme'''
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«&nbsp;Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c'est-à-dire de le divertir, de le détendre, pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible&nbsp;». C’est avec ces phrases de Patrick Le Lay, prononcée en juillet 2004 alors qu'il était président de la chaîne de télévision française TF1, que le journaliste d'investigation Christophe Nick s’est demandé jusqu’où pouvait aller la télé. Depuis les années 1980, le divertissement sur petit écran trouve moins sa force dans la moralité ou l’émotion que dans l’excitation de nos pulsions primitives. '''Sexe, violence, cruauté, humiliation, le cocktail parfait à destination d’une audience assujettie à une logique économique plus que culturelle.''' Prochaine étape sur nos écrans HD&nbsp;? Peut-être la mort en direct.
  
« La question qui se pose est celle-ci : sommes-nous des trafiquants d’émotions fortes ? Sommes-nous des courtiers en chair encore tiède ? Avons-nous raison de vous montrer ce que vous n’auriez jamais dû ou pu voir ? Avons-nous raison de penser qu’une civilisation se termine et qu’une autre commence ? Les faits sont là. Il est certain que jamais les images n’ont eu aucune importance qu’en ce moment. Autrefois c’est vous qui faisiez les images, et maintenant ce sont les images qui vous font. » Ces mots ont été prononcés par un journaliste en 1957. Ils prouvent que la télévision a toujours été consciente de son pouvoir de nuisance. Cela ne l’a pas empêché de devenir nuisible.
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=== Voyeurisme  ===
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«&nbsp;La question qui se pose est celle-ci&nbsp;: sommes-nous des trafiquants d’émotions fortes&nbsp;? Sommes-nous des courtiers en chair encore tiède&nbsp;? Avons-nous raison de vous montrer ce que vous n’auriez jamais dû ou pu voir&nbsp;? Avons-nous raison de penser qu’une civilisation se termine et qu’une autre commence&nbsp;? Les faits sont là. Il est certain que jamais les images n’ont eu autant d’importance (!!!) qu’en ce moment. Autrefois, c’est vous qui faisiez les images et maintenant ce sont les images qui vous font.&nbsp;»  
  
Après la privatisation des années 80, la téléréalité est la deuxième révolution dans l’histoire de la télévision française. Avec la téléréalité, toutes les transgressions deviennent possibles. On élimine, on humilie et on s’exhibe en même temps. Le dispositif est conçu pour que ces transgressions soient vécues pour de vrai. Chaque participant est sommé de repousser tous les interdits. Contrairement aux mécanismes d’exhibition et de voyeurisme des années 80 et 90, les diffuseurs de téléréalité ne se contentent plus de la parole. Ils exigent des passages à l’acte. Les candidats doivent vivre en direct et en prime time tout ce qui pourra satisfaire leurs propres pulsions. C’est le spectacle du sexe, des larmes, de la violence. Ces passages à l’acte renouvelés entraînent les candidats vers des comportements de plus en plus régressifs. La domination de l’autre et le narcissisme, la cupidité et le cynisme deviennent les valeurs dominantes. Pour les adolescents, très nombreux à regarder la téléréalité, l’identification aux héros de ces émissions fonctionne à la perfection. Les passages à l’acte des candidats, estampillés du fameux « vu à la télé », deviennent pour eux une norme valable, des faits et gestes parfaitement imitables.
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Ces mots ont été prononcés par un journaliste en 1957 (!!!). Ils prouvent que la télévision a toujours été consciente de son pouvoir de nuisance. Cela ne l’a pas empêché de devenir nuisible.  
  
Toutes les sociétés ont toujours été faites, quelles qu’elles fussent, animistes, impériales, monarchiques, etc., elles ont toujours mis en place des dispositifs de contrôle des pulsions. Et là on peut se dire qu’on est arrivé à un point de l’histoire de l’humanité extrêmement inquiétant, moi je ne crois pas qu’il ait jamais existé une société qui prôna, de cette manière-là, l’exploitation des pulsions.
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Après la privatisation des années 1980, la téléréalité aura représenté la deuxième révolution dans l’histoire de la télévision française. Soudain toutes les transgressions sont devenues possibles. Le temps est venu de l’élimination mutuelle, de l’humiliation, de l’exhibition, au sein d’un dispositif conçu, comme son nom l’indique, pour que ces transgressions soient bien réelles. Les participants à ces nouveaux programmes étaient invités à repousser tous les interdits&nbsp;: contrairement aux mécanismes d’exhibition et de voyeurisme des années 1980 et 1990, les producteurs et diffuseurs de téléréalité ne se contentaient plus de la parole, mais exigeaient des passages à l’acte. Lesquels, encouragés et renouvelés, ont entraîné les candidats vers des comportements de plus en plus régressifs et pulsionnels. Brutalité, narcissisme, cupidité, cynisme, valeurs dominantes de la téléréalité, auront été également celles de l’époque. De fait, pour les adolescents, très nombreux à regarder les programmes de téléréalité, le phénomène d’identification a fonctionné parfaitement. Le passage à l’acte, la libération des instincts, légitimés par l’estampille du «&nbsp;vu à la télé&nbsp;», ont été banalisés et ont suscité une imitation massive et «&nbsp;décomplexée&nbsp;», pour reprendre un adjectif très en vogue dans la première décennie du nouveau siècle.  
  
Le problème ce n’est pas la télévision en soi. C’est la télévision telle qu’elle est passée sous le contrôle du marketing des produits de consommation. Avant, elle était sous le contrôle du pouvoir politique, c’était un problème évidemment. Mais aujourd’hui elle est sous le contrôle des prescripteurs de comportement que sont les publicitaires. Et ce que visent les publicitaires c’est essentiellement, selon des théories qui viennent du marketing américain d’ailleurs, de ce que l’on appelle la « lifetime value », qui vise à fidéliser des consommateurs à des marques, à des modèles comportementaux, pour pouvoir contrôler leur comportement et leur pouvoir d’achat le plus longtemps possible.
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Les sociétés quelles qu’elles fussent – animistes, impériales, monarchiques – ont toujours mis en place des dispositifs de contrôle des pulsions. Il n’est pas sûr qu’il ait déjà existé une société qui, comme la nôtre, célèbre le libre assouvissement des pulsions et leur exploitation. La télévision ne pose pas de problème en tant qu’outil technologique mais parce qu’après une courte phase de soumission au pouvoir politique, elle est passée sous le contrôle exclusif de l’idéologie du marketing, c’est-à-dire des prescripteurs de comportement fort peu philanthropes que sont les publicitaires. Les publicitaires visent essentiellement ce que les théories issues du marketing américain nomment la «&nbsp;lifetime value&nbsp;»&nbsp;: il s’agit de fidéliser les consommateurs à des marques et de les conditionner à suivre des modèles comportementaux qui les rendront d’autant plus contrôlables – eux et leur pouvoir d’achat. Dès lors que '''la télévision s’attaque à l’intégrité psychique et physique des individus,''' comme elle le fait sans s’en cacher depuis la fin du xx<sup>e</sup> siècle, dès lors qu’elle entreprend de «&nbsp;repenser&nbsp;», de «&nbsp;refabriquer&nbsp;» ceux auxquels elle s’adresse, elle n’est plus très loin de l’ultime transgression.  
  
Dès lors que la télévision brise le respect de l’intégrité physique, dès lors qu’elle nous repense, nous re-fabrique, elle se rapproche de l’ultime transgression.
 
  
== Nos bas instincts réveillés par la TV  ==
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En 1920, Freud découvre qu’un être humain est constitué par deux types de pulsions. Ce qu’il appelle les pulsions de vie et les pulsions de mort. Les pulsions de vie c’est des pulsions érotique, c’est des pulsions qui cherchent à s’unir à l’autre et finalement à engendrer du vivant. Mais en même temps l’être vivant est attiré par la mort. Parce que vivre c’est fatiguant, vivre c’est une épreuve, et donc il y a chez tous les êtres vivants, dit Freud, en même temps une pulsion de vie et une pulsion de mort. Si on admet que la télévision est ce qui exploite systématiquement les pulsions et qui les délie pour pouvoir les exploiter, alors ça veut dire que, ces pulsions ne pouvant plus être liées, elles se déchaînent. Et évidemment, inévitablement, on voit d’abord se déchaîner les pulsions de vie, c'est-à-dire tout ce qui est de l’ordre du sexuel, etc. et à un moment donné on voit apparaître des pulsions de mort, qui sont des pulsions de destruction.  
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=== Nos bas instincts réveillés par la TV<ref>Adapté du documentaire TV « Le temps de cerveau disponible », Christophe Nick & Jean-Robert Viallet, France 2, 2010</ref>  ===
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En 1920, Sigmund Freud a postulé que l’être humain était habité par deux types de pulsions, qu’il a appelées pulsions de vie et pulsions de mort. Les pulsions de vie sont, en substance, les pulsions érotiques, qui conduisent à l’union avec l’autre et ''in fine'' à engendrer du vivant. Mais, parce que vivre est une entreprise fatigante, voire une épreuve, il existe chez tous les êtres vivants, explique Freud, une pulsion de mort concomitante à la pulsion de vie. En encourageant les pulsions à se délier, littéralement à se «&nbsp;déchaîner&nbsp;», la télévision explore et exploite donc, en toute logique, des territoires intensément sexuels (pulsion de vie) et destructeurs (pulsion de mort). À ce jour, c’est en Grande-Bretagne, sur la chaîne privée Channel 4, que les programmateurs sont allés le plus loin en proposant la dissection filmée de véritables cadavres, le samedi soir. La même chaîne a lancé en 2010 un appel à candidatures&nbsp;: ses producteurs recherchaient un malade en phase terminale pour le filmer jusqu’à sa momification.  
  
C’est en Grande-Bretagne, sur Channel 4, que les programmateurs sont allés le plus loin : la dissection de véritables cadavres, le samedi soir.  
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Ce qui est ici à l’œuvre n’est rien de moins que la destruction des fondations sociales et humaines sur lesquelles s’est lentement bâtie la civilisation. La destruction de la confiance, la destruction des relations entre les individus, entre parents et enfants, la destruction en conséquence de tous les modèles d’autorité engendrent inévitablement des populations atomisées, «&nbsp;désaffectées&nbsp;», incontrôlables. Ce modèle de gouvernement par l’instinct produit de l’hyper-violence, ferment de la guerre civile.<ref>[http://www.mefeedia.com/watch/31604589 Vidéo] </ref>
  
Ces pratiques d’exploitation de la mise en scène de la mort à la télévision, qui sont véritablement horrifiques, on aurait dit il y a encore très peu de temps diabolique, elles trouvent leur terrain à la fois avec la satisfaction de la pulsion de mort mais en même temps dans la nécessité de mettre en scène. Parce qu’il faut mettre en scène d’abord, une civilisation met toujours la mort en scène d’abord, d’une manière ou d’une autre. Et là, le faire en l’exploitant commercialement, c'est-à-dire que c’est une mise en scène totalement commerciale, tout comme la marchandise est mise en scène dans les galeries marchandes, est évidemment au service en quelque sorte du contraire de ce pourquoi est en principe fait la mise en scène de la mort, à savoir le respect de la mort.
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Début 2010, Channel 4 a lancé un appel à candidature. Elle recherche un malade, en phase terminale, pour le filmer jusqu’à sa momification.
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=== Les enfants passifs devant l'écran <ref>Source: La Liberté, 3 novembre 2010</ref> ===
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Selon des statistiques françaises (!!!), 87&nbsp;% des enfants d’âge scolaire passent au minimum deux heures par jour devant la télévision. Or, la passivité ainsi induite s'oppose directement au bon développement de l'enfant, comme l’explique Anne Jeger, psychologue clinicienne à Lausanne (Suisse) <ref>La Liberté, 3 novembre 2010</ref>&nbsp;:
  
Ce que les gens qui font ça sont en train de faire, c’est détruire la société. Ils sont en train de détruire toute confiance, ils sont en train de détruire les relations entre les individus, les parents, les enfants, donc tous les modèles d’autorité. Ils produisent de l’incontrôlable, ils produisent des individus « désaffectés », ils produisent de la guerre civile, ça ne peut que conduire à une hyper-violence.
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«&nbsp;L'enfant passif devant un écran ingurgite des messages et des images qui transmettent des valeurs et des croyances véhiculées dans les émissions regardées. Si ses parents sont absents, il va faire siennes ces valeurs. Car l'enfant se construit en s'identifiant et en imitant les modèles qu'il rencontre. Les médias influencent sa pensée, sa représentation du monde et celle des autres (gentils/méchants). Image simpliste du monde et perception tronquée d'une réalité qui est nuancée dans la vraie vie. On sait aujourd'hui qu'il suffit de vingt minutes d'exposition aux images cathodiques pour que les ondes cérébrales bêta, caractéristiques de l'état de veille, se transforment en ondes alpha qui nous rendent vulnérables aux suggestions.  
  
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«&nbsp;Devant un écran, l'enfant entre dans un monde qui est de toute façon virtuel puisqu'il passe à travers une image. Les images ont sur lui un pouvoir excitant et captent son attention. La télévision empêche de prendre des initiatives, de s'ennuyer – ce qui est essentiel pour développer sa maison intérieure, son imagination, sa créativité – et rend dépendant. Les effets sont sidérants&nbsp;: fatigue, irritabilité, troubles du sommeil, isolement social, obésité voire agressivité et violence.
  
''Adapté du Documentaire TV "le temps de cerveaux disponible" écrit par Christophe
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'''«&nbsp;Et même si certaines émissions sont instructives, il manque des échanges et du contact pour élaborer et confronter sa pensée.''' Car sans pensée critique, pas d'esprit critique et de recul sur les événements télévisuels et les événements de la vie. Quant à la violence, elle a toujours existé. Elle fait partie de nous. Elle se réveille quand elle est stimulée, provoquée. Et que se passe-t-il dans la tête d'un enfant quand il reste des heures devant un écran à regarder passivement des personnes se brutaliser et s'entretuer&nbsp;? Cette violence s'imprègne inévitablement dans son cerveau et génère de la peur... Et la peur génère la violence. Le monde est donc perçu comme menaçant et angoissant, avec tous les autres symptômes qui en découlent.&nbsp;»
Nick.''
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=== La télé et Internet : deux niveaux d’attention différents  ===
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Laisser les images nous tomber dans les yeux, affalé sur un canapé, la télécommande dans une main et un sandwich dans l’autre, constitue sans doute le comble de la passivité, voire de la léthargie. Par ailleurs, même si la télévision se répand dans l’espace numérique, son mode de fonctionnement reste par essence inéquitable&nbsp;: une station émet, produit&nbsp;; le téléspectateur reçoit, consomme. La survie des chaînes dépendant de leurs recettes publicitaires, la course à l’audience légitime l’utilisation de toutes les méthodes pour susciter l’intérêt du public.
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Les plus grands sites Web génèrent certes eux aussi des revenus grâce à la publicité, mais ce modèle économique n'est plus le seul disponible&nbsp;: les propriétés mêmes du numérique autorisent la mise en place d’un mode de fonctionnement équitable, symétrique et à hiérarchie horizontale (plaçant tout le monde au même niveau). C'est le propre d'un réseau neutre. Sur Internet la communication est instantanée comme à la télévision, mais elle est aussi&nbsp;:
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* '''Décentralisée&nbsp;:''' pas de centre de décision unique, chacun décide de son destin numérique&nbsp;;
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* '''Asynchrone&nbsp;: '''chacun agit à son rythme – une option que la télévision commence à proposer avec des émissions à la carte ou la possibilité d’interrompre provisoirement un programme diffusé en direct&nbsp;;
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* '''Multilatérale&nbsp;:''' elle permet les échanges entre groupes d’utilisateurs, ce qui n’est pas le cas de la télévision. (!!!)
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=== Le plaisir de servir le bien commun  ===
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Ce n’est pas autrement qu’un portail Web dépourvu de toute aide publique comme ''Wikipedia'' a pu devenir, en moins de dix ans, le cinquième site le plus visité au monde. Le projet a dû son succès aux dizaines de millions de petits dons annuels versés par les personnes qui avaient foi en lui.
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Il est incontestable qu’Internet peut engendrer exactement les mêmes vices et dérives que la télévision, si l’attitude de ses utilisateurs reste passive. Mais le Web, au contraire de la télévision, a vocation à sortir l’internaute de son seul rôle de consommateur et à faire de lui un «&nbsp;consomm’acteur&nbsp;» de son écosystème d’information. De nombreux sites, sans but lucratif, sont motivés par le seul plaisir de partager un savoir de qualité. Leurs concepteurs accueillent ainsi à bras ouverts les connaissances des internautes qui leur permettront d’améliorer leur projet.
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=== Le mot de la fin  ===
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'''La télé n'est pas durable car elle sert des intérêts privés&nbsp;; Internet est durable car il sert les intérêts des citoyens qui l'utilisent.'''
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== Notes et références ==
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<references/>

Version actuelle datée du 17 août 2012 à 11:47

internet, télévision, passivité, participativité, bien commun, divertissement, information


Qu’il s’agisse de télévision ou d’Internet, le débat tourne régulièrement autour de l’opposition « passivité versus activité ». Or, Internet n’est plus un sanctuaire préservé de tout risque de passivité : le Web sert de plus en plus à la consommation de télévision ou de cinéma en streaming ou en mode « rattrapage ». La télévision de son côté n’a pas été longue à tomber dans la « convergence Web ». La publicité, par conséquent, se déploie et se consomme désormais également sur Internet. Les observations extraites du documentaire Le temps de cerveau disponible[1], restent donc parfaitement adaptées à l’aire numérique :

« Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c'est-à-dire de le divertir, de le détendre, pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». C’est avec ces phrases de Patrick Le Lay, prononcée en juillet 2004 alors qu'il était président de la chaîne de télévision française TF1, que le journaliste d'investigation Christophe Nick s’est demandé jusqu’où pouvait aller la télé. Depuis les années 1980, le divertissement sur petit écran trouve moins sa force dans la moralité ou l’émotion que dans l’excitation de nos pulsions primitives. Sexe, violence, cruauté, humiliation, le cocktail parfait à destination d’une audience assujettie à une logique économique plus que culturelle. Prochaine étape sur nos écrans HD ? Peut-être la mort en direct.

Voyeurisme

« La question qui se pose est celle-ci : sommes-nous des trafiquants d’émotions fortes ? Sommes-nous des courtiers en chair encore tiède ? Avons-nous raison de vous montrer ce que vous n’auriez jamais dû ou pu voir ? Avons-nous raison de penser qu’une civilisation se termine et qu’une autre commence ? Les faits sont là. Il est certain que jamais les images n’ont eu autant d’importance (!!!) qu’en ce moment. Autrefois, c’est vous qui faisiez les images et maintenant ce sont les images qui vous font. »

Ces mots ont été prononcés par un journaliste en 1957 (!!!). Ils prouvent que la télévision a toujours été consciente de son pouvoir de nuisance. Cela ne l’a pas empêché de devenir nuisible.

Après la privatisation des années 1980, la téléréalité aura représenté la deuxième révolution dans l’histoire de la télévision française. Soudain toutes les transgressions sont devenues possibles. Le temps est venu de l’élimination mutuelle, de l’humiliation, de l’exhibition, au sein d’un dispositif conçu, comme son nom l’indique, pour que ces transgressions soient bien réelles. Les participants à ces nouveaux programmes étaient invités à repousser tous les interdits : contrairement aux mécanismes d’exhibition et de voyeurisme des années 1980 et 1990, les producteurs et diffuseurs de téléréalité ne se contentaient plus de la parole, mais exigeaient des passages à l’acte. Lesquels, encouragés et renouvelés, ont entraîné les candidats vers des comportements de plus en plus régressifs et pulsionnels. Brutalité, narcissisme, cupidité, cynisme, valeurs dominantes de la téléréalité, auront été également celles de l’époque. De fait, pour les adolescents, très nombreux à regarder les programmes de téléréalité, le phénomène d’identification a fonctionné parfaitement. Le passage à l’acte, la libération des instincts, légitimés par l’estampille du « vu à la télé », ont été banalisés et ont suscité une imitation massive et « décomplexée », pour reprendre un adjectif très en vogue dans la première décennie du nouveau siècle.

Les sociétés quelles qu’elles fussent – animistes, impériales, monarchiques – ont toujours mis en place des dispositifs de contrôle des pulsions. Il n’est pas sûr qu’il ait déjà existé une société qui, comme la nôtre, célèbre le libre assouvissement des pulsions et leur exploitation. La télévision ne pose pas de problème en tant qu’outil technologique mais parce qu’après une courte phase de soumission au pouvoir politique, elle est passée sous le contrôle exclusif de l’idéologie du marketing, c’est-à-dire des prescripteurs de comportement fort peu philanthropes que sont les publicitaires. Les publicitaires visent essentiellement ce que les théories issues du marketing américain nomment la « lifetime value » : il s’agit de fidéliser les consommateurs à des marques et de les conditionner à suivre des modèles comportementaux qui les rendront d’autant plus contrôlables – eux et leur pouvoir d’achat. Dès lors que la télévision s’attaque à l’intégrité psychique et physique des individus, comme elle le fait sans s’en cacher depuis la fin du xxe siècle, dès lors qu’elle entreprend de « repenser », de « refabriquer » ceux auxquels elle s’adresse, elle n’est plus très loin de l’ultime transgression.


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Nos bas instincts réveillés par la TV[2]

En 1920, Sigmund Freud a postulé que l’être humain était habité par deux types de pulsions, qu’il a appelées pulsions de vie et pulsions de mort. Les pulsions de vie sont, en substance, les pulsions érotiques, qui conduisent à l’union avec l’autre et in fine à engendrer du vivant. Mais, parce que vivre est une entreprise fatigante, voire une épreuve, il existe chez tous les êtres vivants, explique Freud, une pulsion de mort concomitante à la pulsion de vie. En encourageant les pulsions à se délier, littéralement à se « déchaîner », la télévision explore et exploite donc, en toute logique, des territoires intensément sexuels (pulsion de vie) et destructeurs (pulsion de mort). À ce jour, c’est en Grande-Bretagne, sur la chaîne privée Channel 4, que les programmateurs sont allés le plus loin en proposant la dissection filmée de véritables cadavres, le samedi soir. La même chaîne a lancé en 2010 un appel à candidatures : ses producteurs recherchaient un malade en phase terminale pour le filmer jusqu’à sa momification.

Ce qui est ici à l’œuvre n’est rien de moins que la destruction des fondations sociales et humaines sur lesquelles s’est lentement bâtie la civilisation. La destruction de la confiance, la destruction des relations entre les individus, entre parents et enfants, la destruction en conséquence de tous les modèles d’autorité engendrent inévitablement des populations atomisées, « désaffectées », incontrôlables. Ce modèle de gouvernement par l’instinct produit de l’hyper-violence, ferment de la guerre civile.[3]

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Les enfants passifs devant l'écran [4]

Selon des statistiques françaises (!!!), 87 % des enfants d’âge scolaire passent au minimum deux heures par jour devant la télévision. Or, la passivité ainsi induite s'oppose directement au bon développement de l'enfant, comme l’explique Anne Jeger, psychologue clinicienne à Lausanne (Suisse) [5] :

« L'enfant passif devant un écran ingurgite des messages et des images qui transmettent des valeurs et des croyances véhiculées dans les émissions regardées. Si ses parents sont absents, il va faire siennes ces valeurs. Car l'enfant se construit en s'identifiant et en imitant les modèles qu'il rencontre. Les médias influencent sa pensée, sa représentation du monde et celle des autres (gentils/méchants). Image simpliste du monde et perception tronquée d'une réalité qui est nuancée dans la vraie vie. On sait aujourd'hui qu'il suffit de vingt minutes d'exposition aux images cathodiques pour que les ondes cérébrales bêta, caractéristiques de l'état de veille, se transforment en ondes alpha qui nous rendent vulnérables aux suggestions.

« Devant un écran, l'enfant entre dans un monde qui est de toute façon virtuel puisqu'il passe à travers une image. Les images ont sur lui un pouvoir excitant et captent son attention. La télévision empêche de prendre des initiatives, de s'ennuyer – ce qui est essentiel pour développer sa maison intérieure, son imagination, sa créativité – et rend dépendant. Les effets sont sidérants : fatigue, irritabilité, troubles du sommeil, isolement social, obésité voire agressivité et violence.

« Et même si certaines émissions sont instructives, il manque des échanges et du contact pour élaborer et confronter sa pensée. Car sans pensée critique, pas d'esprit critique et de recul sur les événements télévisuels et les événements de la vie. Quant à la violence, elle a toujours existé. Elle fait partie de nous. Elle se réveille quand elle est stimulée, provoquée. Et que se passe-t-il dans la tête d'un enfant quand il reste des heures devant un écran à regarder passivement des personnes se brutaliser et s'entretuer ? Cette violence s'imprègne inévitablement dans son cerveau et génère de la peur... Et la peur génère la violence. Le monde est donc perçu comme menaçant et angoissant, avec tous les autres symptômes qui en découlent. »

La télé et Internet : deux niveaux d’attention différents

Laisser les images nous tomber dans les yeux, affalé sur un canapé, la télécommande dans une main et un sandwich dans l’autre, constitue sans doute le comble de la passivité, voire de la léthargie. Par ailleurs, même si la télévision se répand dans l’espace numérique, son mode de fonctionnement reste par essence inéquitable : une station émet, produit ; le téléspectateur reçoit, consomme. La survie des chaînes dépendant de leurs recettes publicitaires, la course à l’audience légitime l’utilisation de toutes les méthodes pour susciter l’intérêt du public.

Les plus grands sites Web génèrent certes eux aussi des revenus grâce à la publicité, mais ce modèle économique n'est plus le seul disponible : les propriétés mêmes du numérique autorisent la mise en place d’un mode de fonctionnement équitable, symétrique et à hiérarchie horizontale (plaçant tout le monde au même niveau). C'est le propre d'un réseau neutre. Sur Internet la communication est instantanée comme à la télévision, mais elle est aussi :

  • Décentralisée : pas de centre de décision unique, chacun décide de son destin numérique ;
  • Asynchrone : chacun agit à son rythme – une option que la télévision commence à proposer avec des émissions à la carte ou la possibilité d’interrompre provisoirement un programme diffusé en direct ;
  • Multilatérale : elle permet les échanges entre groupes d’utilisateurs, ce qui n’est pas le cas de la télévision. (!!!)

Le plaisir de servir le bien commun

Ce n’est pas autrement qu’un portail Web dépourvu de toute aide publique comme Wikipedia a pu devenir, en moins de dix ans, le cinquième site le plus visité au monde. Le projet a dû son succès aux dizaines de millions de petits dons annuels versés par les personnes qui avaient foi en lui.

Il est incontestable qu’Internet peut engendrer exactement les mêmes vices et dérives que la télévision, si l’attitude de ses utilisateurs reste passive. Mais le Web, au contraire de la télévision, a vocation à sortir l’internaute de son seul rôle de consommateur et à faire de lui un « consomm’acteur » de son écosystème d’information. De nombreux sites, sans but lucratif, sont motivés par le seul plaisir de partager un savoir de qualité. Leurs concepteurs accueillent ainsi à bras ouverts les connaissances des internautes qui leur permettront d’améliorer leur projet.

Le mot de la fin

La télé n'est pas durable car elle sert des intérêts privés ; Internet est durable car il sert les intérêts des citoyens qui l'utilisent.

Notes et références

  1. écrit par Christophe Nick et réalisé par Jean-Robert Viallet pour France 2 en 2010
  2. Adapté du documentaire TV « Le temps de cerveau disponible », Christophe Nick & Jean-Robert Viallet, France 2, 2010
  3. Vidéo
  4. Source: La Liberté, 3 novembre 2010
  5. La Liberté, 3 novembre 2010