Le contrat social de Debian : Différence entre versions
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− | Dans les petites entreprises traditionnelles, le patron planifie généralement de transmettre l'entreprise à un de ses enfants. Autrefois, un bon patron commençait par faire balayer le sol par son fils. Ainsi le fils devait gravir lentement les échelons, en occupant la plupart des postes de l'entreprise sans discrimination. Ce faisant, il apprenait tous les métiers de l'entreprise, progressivement, jusqu'à prendre la place de son père... s'il le | + | Dans les petites entreprises traditionnelles, le patron planifie généralement de transmettre l'entreprise à un de ses enfants. Autrefois, un bon patron commençait par faire balayer le sol par son fils. Ainsi le fils devait gravir lentement les échelons, en occupant la plupart des postes de l'entreprise sans discrimination. Ce faisant, il apprenait tous les métiers de l'entreprise, progressivement, jusqu'à prendre la place de son père... s'il le méritait ! Dans les modèles socio-économiques du libre, c'est presque la même chose, particulièrement les modèles basés sur des règles de gouvernance discutée par l'ensemble des contributeurs. Seuls les plus méritants peuvent prétendre à un rôle de leader, il faut d'abord avoir acquis une une vision d'ensemble du sujet, des capacités d'adaptation rapide et une expérience globale sur les activités de la communauté. Ainsi on apprend d'abord en faisant, du plus simple au plus complexe, on obtient de l'aide des plus expérimentés, qui nous guident et nous aident. Puis on devient expert, on peut aider les autres, et vendre ses compétences. Il n'est pas rare de voir un debianiste, souvent consultant informatique indépendant, résoudre en quelques heures un problème de bug informatique qu'une équipe d'informaticiens n'a pas réussi à réparer. Le consultant pourra ainsi facturer cher, avec une garantie de résultat, et dans les faits ne passer qu'une seule journée passé à résoudre un problème. Mais avant cela, il a passé d'innombrables heures à s'auto-former. C'est une nouvelle manière de faire, qui peut tout à fait porter ses fruits. |
Voici des extraits de l'introduction de la thèse de doctorat en sociologie de Michael Vicente <ref>http://www.utc.fr/costech/v2/pages/infos-chercheur.php?p=ar&id=76 </ref>. Titre : '''La professionnalisation des développeurs de logiciel libre: Métiers, trajectoires et réseaux de coopération'''. <br>Citation : | Voici des extraits de l'introduction de la thèse de doctorat en sociologie de Michael Vicente <ref>http://www.utc.fr/costech/v2/pages/infos-chercheur.php?p=ar&id=76 </ref>. Titre : '''La professionnalisation des développeurs de logiciel libre: Métiers, trajectoires et réseaux de coopération'''. <br>Citation : |
Version du 1 octobre 2011 à 15:04
Sommaire
Un géant méconnu
Au début des années 1990, Ian Murdock, un étudiant en informatique à l'université Purdue, avait découvert le système d'exploitation GNU/Linux [1]. Comme beaucoup d'autres informaticiens sensibles au partage du savoir, il avait commencé à y ajouter des fonctions logicielles de manière à constituer une distribution GNU/Linux, comme on assemble des pièces de Légo. Très vite, sa coopération avec d'autres développeurs a permis l'émergence de la distribution Debian. Elle est la base pour de nombreuses autres distributions, dont la plus utilisée est Ubuntu. A sa manière, Debian est donc non seulement un projet durable, mais aussi et surtout un projet leader dans le domaine des serveurs informatiques. Depuis le début des années 2000 et sans discontinuer, la majorité des informaticiens professionnels sensibles au logiciel libre recommandent Debian comme solution serveur la plus performante. C'est ainsi qu'une bonne moitié des serveurs qui affichent les pages web tournent sous Debian. Bien que très intéressant, ce succès socio-économique est rarement mis en valeur par les médias traditionnels. On connait Microsoft, Google, Facebook, mais rarement les logiciels libres et encore moins Debian. Par son très haut degré d'innovation organisationnelle, le fonctionnement de Debian fait par contre l'objet de nombreuses recherches universitaire en économie, sociologie, anthropologie des organisations... Comme Wikipedia, le projet Debian doit son succès à son mode de fonctionnement social, car au-delà d'un regroupement de programmeurs passionnés par la création logicielle, la communauté Debian s'est dotée d'une organisation très efficace ressemblant beaucoup à une démocratie.
Fonctionnement méritocratique
Chacun peut contribuer au projet Debian. Plus les contributions sont utiles, plus la reconnaissance est grande. Il y a plus de 1000 membres actifs et compétents qui assurent la qualité des mises à jours du logiciel Debian. Pour un informaticien libre, être développeur Debian[2] est non seulement une reconnaissance sociale, mais aussi l'assurance de pouvoir en tout temps justifier des contributions au projet Debian pour se faire facilement engager, si nécessaire, dans une entreprise informatique, toujours à la recherche de talents. Le leader de la communauté Debian est élu pour 2 ans, par tous les développeurs enregistrés. Les discussions (par liste de diffusion électronique) sont ouvertes aux non-membres. Tout est débattu ouvertement, toute proposition d'amélioration est étudiée. La communauté a défini et fait évoluer un code de conduite public et un processus d'intégration très strict, pour éviter les privilèges du statut et miser uniquement sur la compétence, la reconnaissance par les pairs. En outre, Debian a produit sa propre définition du logiciel libre (DFSG pour Debian Free Software Guidelines), qui fait référence dans le domaine, en parallèle de la Définition du logiciel libre de la Free Software Foundation (FSF) et de la définition de l'Open Source par l'OSI (Open Source Initiative).
Une nouvelle manière de gagner sa vie
Dans les petites entreprises traditionnelles, le patron planifie généralement de transmettre l'entreprise à un de ses enfants. Autrefois, un bon patron commençait par faire balayer le sol par son fils. Ainsi le fils devait gravir lentement les échelons, en occupant la plupart des postes de l'entreprise sans discrimination. Ce faisant, il apprenait tous les métiers de l'entreprise, progressivement, jusqu'à prendre la place de son père... s'il le méritait ! Dans les modèles socio-économiques du libre, c'est presque la même chose, particulièrement les modèles basés sur des règles de gouvernance discutée par l'ensemble des contributeurs. Seuls les plus méritants peuvent prétendre à un rôle de leader, il faut d'abord avoir acquis une une vision d'ensemble du sujet, des capacités d'adaptation rapide et une expérience globale sur les activités de la communauté. Ainsi on apprend d'abord en faisant, du plus simple au plus complexe, on obtient de l'aide des plus expérimentés, qui nous guident et nous aident. Puis on devient expert, on peut aider les autres, et vendre ses compétences. Il n'est pas rare de voir un debianiste, souvent consultant informatique indépendant, résoudre en quelques heures un problème de bug informatique qu'une équipe d'informaticiens n'a pas réussi à réparer. Le consultant pourra ainsi facturer cher, avec une garantie de résultat, et dans les faits ne passer qu'une seule journée passé à résoudre un problème. Mais avant cela, il a passé d'innombrables heures à s'auto-former. C'est une nouvelle manière de faire, qui peut tout à fait porter ses fruits.
Voici des extraits de l'introduction de la thèse de doctorat en sociologie de Michael Vicente [3]. Titre : La professionnalisation des développeurs de logiciel libre: Métiers, trajectoires et réseaux de coopération.
Citation :
Depuis la fin des années 1990, nous sommes face à un constat que les économistes n'ont pas omis de souligner : l'activité du logiciel libre occuperait une place de plus en plus centrale dans l'industrie logicielle et serait même devenue l’une des perspective de croissance du secteur. Nous pouvons dresser ce constat non seulement par les chiffres de diffusion du logiciel libre (que l'on pense aux logiciels Linux ou Firefox), mais également sur le marché du travail des informaticiens, où l'on voit qu'un nombre significatif de développeurs sont rémunérés pour participer au logiciel libre.
Ces développeurs sont alors dans un double engagement : à la fois professionnel et bénévole au sein de mêmes communautés de pratiques autour de la conception de logiciels.
Contrat social
Le concept de contrat social a notamment été valorisé par l'humaniste Jean-Jacques Rousseau. Son livre sur le sujet, publié en 1762, a constitué un tournant décisif pour les sociétés modernes. La notion de contrat social s'est imposée comme un des textes majeurs de la philosophie politique, en affirmant le principe de souveraineté du peuple. Deux siècles et demi plus tard, garantir un droit à un bien commun de base, comme l'accès à l'air, l'eau et l'information purs, est devenu une des bases pour assurer la vitalité de l'économie de marché.
Aussi, pour que le projet Debian ne dévie pas en cours de chemin, les développeurs Debian ont créé leur propre contrat social, qui est le pilier auquel chacun se réfère pour les prises de décisions critiques .
Ce contrat est un engagement à destination de la communauté du logiciel libre, à laquelle Debian se consacre, et dit en synthèse :
- Debian demeurera totalement libre.
- Nous donnerons nos travaux à la communauté des logiciels libres.
- Nous ne dissimulerons pas les problèmes.
- Nos priorités sont nos utilisateurs et les logiciels libres.
Comme vous pouvez le constater, ce contrat social constitue un parti-pris très radical envers le logiciel libre et ses utilisateurs, donc orienté définitivement vers le bien commun. Inspirant, non ?
Notes et références
- ↑ http://www.debian.org/index.fr.html
- ↑ Les participants au projet Debian se nomment développeurs Debian, et son nommément enregistrés comme tels auprès d'un système de gestion interne très complet.
- ↑ http://www.utc.fr/costech/v2/pages/infos-chercheur.php?p=ar&id=76