Slow life, Buen vivir, objecteurs de croissance et autres colibris... : Différence entre versions
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Version du 28 août 2013 à 21:29
Rien ne sert de courir, il faut partir à temps, nous dit la fable de La Fontaine Le lièvre et de la tortue. Cette maxime reste d'actualité, surtout avec l'arrivée des technologies modernes : pétrole, nucléaire, électricité, téléphone portable, ordinateurs ont décuplé nos capacités de bouger, de produire, de consommer. Ce rythme de vie trépidant, cette dictature de l'immédiat, provoque stress et nervosité chez la majorité des gens. Cela épuise aussi notre planète... A partir des années 70, les premières sonnettes d'alarme ont commencé à retentir:
« Les ressources sont limitées! »
« La pollution est excessive! »
« Il faut mettre un frein! »
C'est ainsi qu'est apparu une nouvelle philosophie de vie : la lenteur. Pour être heureux, pour gagner sa vie, faut-il vraiment s'agiter dans tous les sens ? Pas forcément, assurent les promoteurs d'une vie plus douce, à l'écoute des rythmes de la nature. Plutôt que de courir après la petite aiguille, divers mouvements nous invitent à reconsidérer notre rapport au temps, considérablement modifié par la modernité.
Sommaire
Pour vivre heureux, vivons lentement!
Les acteurs du mouvement Slow Living ont jeté leur montre et choisi une vie sans pression. Ils sont de plus en plus nombreux à décrocher du "fast" (rapide) et à ériger la lenteur en valeur philosophique.
Généralement, la lenteur est souvent associée à des valeurs négatives : la maladresse, le désintérêt, l'ennui, la faible productivité... Or, on l'oublie souvent, cette attitude peut aussi refléter une allure tranquille, posée, décontractée. Nous savons tous que les décisions importantes ne doivent pas être pris au hasard, sous l'impulsion. De même, faire plusieurs activités à la fois dans la rapidité peut être parfaitement contre-productif... Inversement, l'inactivité n'est pas toujours synonyme de vide et de perte de temps. L'attitude contemplative nous intègre à notre environnement et permet parfois l'apparition de brillantes idées. Le mouvement Slow Living souhaite restaurer notre horloge interne dans un seul but : profiter de l'instant présent (le Graal du bonheur pour de nombreuses philosophies).
Le mouvement Slow a pris racines en Italie, dans le sillage du mouvement Slow Food (par opposition au fast food). Les motivations des personnes qui adhèrent à ce mode de vie diffèrent : pour certains c'est une partie importante de leur quête spirituelle, pour d'autres il s'agit surtout de préserver sa santé ou d'avoir plus de temps pour l'éducation de ses enfants. Enfin, nombreux considèrent le Slow comme une pratique de l'écologie au quotidien : prendre son temps pour aller à pied au marché, pour cuisiner, pour partager un repas, c'est moins coûteux pour la planète que de passer au MacDrive.
Depuis, fort de son succès auprès d'un large public, le mouvement Slow a fait tâche d'huile et touche de nombreux pans de la vie quotidienne :
- Slow Food (l'alimentation)
- Slow Money (l'investissement durable)
- Cittaslow, ou Slow Cities (le mouvement des villes lentes)
- Slow design (la décoration)
- Slow Media (l'information)
- Slow Parenting (l'éducation)
- Slow Sex
- Slow Fashion/ Slow Clothing (la mode et l'habillement)
- Slow Gardening (le jardinage)
- Slow Art (les arts)
- Slow Travel (les voyages)
La sobriété heureuse
La simplicité volontaire ou sobriété heureuse est un mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation, ainsi que son impact, en vue de mener une vie davantage centrée sur des valeurs définies comme « essentielles ». Le concept de la sobriété heureuse a été popularisé en France par le penseur Pierre Rabhi, auteur du livre Vers une sobriété heureuse (Acte Sud, 2010). « Le modèle de société aujourd'hui incite tout le monde à être insatiable, c'est-à-dire à n'être jamais satisfait (...). L'auto-limitation, la sobriété, la puissance de la modération... ça c'est réaliste », dit-il. Pierre Rabhi a créé en 2007 le Mouvement pour la Terre et l'Humanisme, appelé ensuite Mouvement Colibris, dont la mission est d'aider chacun à construire, à son échelle, de nouveaux modèles de société fondés sur l’autonomie, l’écologie et l’humanisme.
La simplicité volontaire a des sources chez différentes formes d'ascétisme de l'antiquité, chez les stoïciens, les cyniques, et surtout chez Épicure, où l'on peut voir l'émergence du concept de simplicité volontaire. En effet, Épicure procède à une critique approfondie des besoins. Sa pensée, ainsi que celle des cyniques, nous invite à discerner le nécessaire du superflu, le naturel de l'artificiel. Plus près de nous, les communautés monastiques furent les premières organisations de vie à choisir volontairement la frugalité et à pratiquer l'autosuffisance.
La décroissance
Le mouvement de la décroissance fait partie de ces mouvements qui nous invite à ralentir. Il ne s'agit pas d'une décroissance du développement humain, mais une décroissance de la consommation et de la production. L'objectif, là encore, reste l'amélioration de la qualité de vie à travers la promotion d'une société durable.
Consommer moins ne signifie pas se serrer totalement la ceinture mais organiser intelligemment l'usage approprié des ressources. Nous vivrions dès lors dans une société conviviale et sereine, nous aurions une alimentation équilibrée, nous évoluerions dans un environnement sain, nous serions en bonne santé, et nous pourrions combattre les inégalités.
Pour vivre dans cette société, il faut tout de même que nous acceptions des règles du jeu, certaines normes, des mesures réglementaires notamment fiscales et environnementales. Pour inverser la tendance, il faudrait aussi réduire notre dépendance aux produits qui détruisent la planète. Ce sont des engagements nécessaires pour passer à une société vraiment durable.
Adopter les comportements adéquats permettraient d'atteindre un objectif simple, celui de la joie de vivre. Limiter sa consommation offrirait à nos enfants un espace débarrassé des nuisances de la voiture, loin de la surconsommation et purifié de la publicité.
Le buen vivir
Le mouvement Buen vivir (Bien-Vivre) qui a émergé en Amérique du Sud, correspond à cette même prise de conscience, adaptée à la culture indigène (lorsque la modernité et les technologies sont en passe de prendre le dessus sur les pratiques traditionnelles). « Ce concept, d’abord porté par les mouvements indigènes et écologistes en Équateur ainsi que par d’autres organisations sociales, a été repris par le gouvernement de Rafael Correa (Equateur), notamment pour rebaptiser le plan de développement, le « Plan National pour le Buen Vivir », rappelle Alberto Acosta, théoricien du Buen vivir[1]. C’est un concept qui est une traduction métisse du Sumak Kawsay venant des différentes cultures indigènes, surtout andines. Mais il reprend aussi des propositions nées en Europe dans les années 1960 comme la critique du productivisme, du développement, etc. On retrouve ce concept de Buen Vivir en Bolivie avec le Sumak Qamaña sur lequel s’appuie Evo Morales. L’enjeu avec le Buen Vivir n’est pas simplement une production croissante et permanente de biens matériels, mais la satisfaction des besoins fondamentaux des êtres humains, en vivant en harmonie avec la nature. Partant, le Buen Vivir a une transcendance plus grande que la seule satisfaction des besoins et l’accès aux services et biens matériels. » « Il implique aussi un nouveau modèle de civilisation dans lequel l’oisiveté aurait une place importante tout comme des choses qui n’ont pas de prix comme les sentiments, commente le chercheur Matthieu le Quang[2]. La société du Buen Vivir a pour fin le bonheur de l’être humain. Ce bonheur ne correspond pas à la recherche de la richesse et de la croissance, mais vise à améliorer les relations entre les êtres humains et avec la nature. Et tout cela dans une démocratie qui soit à la fois représentative, participative et directe qui recherche l’unité dans la diversité, la solidarité et une meilleure coopération entre les personnes.» Vaste programme !
«La liberté et l’équité resteront lettres mortes dans une société organisée autour de l’automobile et de l’école, qui met l’économie au centre de la vie sociale. Pour en finir avec les pénuries cycliques nées de l’avarice, de l’incompétence et des dégâts causés par la croissance économique, il convient de réduire l’économie formelle et de permettre le développement de sphères de subsistance autonomes. En remettant la politique et l’éthique, auxquelles l’activité économique doit être soumise, au centre de la vie sociale, on remplacera l’obsession de la croissance économique par une société conviviale qui garantira à chacun le libre accès aux outils de la communauté dans le respect de la liberté des autres.»
Extrait du Manifeste souscrit le 5 décembre 2007 par des participants au colloque "La convivencialidad en la era de los sistemas", organisé à Cuernavaca (Mexique) en l’honneur d’Ivan Illich à l’occasion du cinquième anniversaire de sa mort.
Notes et références
- ↑ Dans l'article Le buen vivir contre le bien-être, paru dans le Sarkophage.
- ↑ ibid.