Les cyberdépendances et comment les combattre : Différence entre versions

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Version du 14 juillet 2011 à 10:32

Article paru dans No Pasaran 77, hiver 2009-2010

La culture réseau est un aspect positif de l'utilisation d'Internet. Dans ce cas-là, l'usage d'Internet n'est pas une fin en soi mais un moyen, parmi d'autres, de maintenir un lien entre personnes éclatées géographiquement, ou de mutualiser des ressources comme certains d'entre nous le font au travers de sites comme chomactif.fr pour soutenir les chômeurs et précaires. Mais alors l'utilisation d'Internet a une finalité claire, consciente, rationnelle, et elle est un moyen pour y parvenir parmi d'autres !

Mais parfois, l'individu soumis à ses problèmes (travail, foyer, souffrances existentielles, solitude...), prend Internet comme une fin en soi et s'y noie : se développe alors ce qu'on peut appeler une cyberdépendance . Se réfugier sur Internet devient un moyen d'éviter des problèmes familiaux, ou de compenser face à des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader. La perte des valeurs et du lien social entraîne 8 à 10 millions de personnes en France vers la pente dépressive ; Internet peut ainsi devenir un palliatif hypnotique qui permet d'oublier les problèmes.

Mais des questions politiques se posent : qu'est-ce qui pousse des centaines de milliers de jeunes à devenir cyberdépendants, notamment à MSN, Facebook, Twitter et aux jeux en réseau ? On pourrait poser la question autrement : que peut faire un jeune, le soir, sans argent ? Inviter des amis, mais où ? Une cage d'escalier pour que les flics débarquent ? Des salles municipales qui ne leur sont plus ouvertes car jeunes = danger ? Faire du sport alors que la compétition et le prix des licences écartent la majorité d'entre eux dans une marchandisation du sport débile et avilissante pour la dignité humaine ? En boîte de nuit, à condition d'avoir le profil et les moyens ? Que faire d'autre, si ce n'est rester chez soi, devant la télé, des jeux vidéos ou MSN ? Bienvenue dans une société castratrice qui encourage un isolement qui, pourtant, la détruit !

Dans ce cas-là, c'est un peu plus confortable, pour certains jeunes, de se réfugier dans des jeux en ligne où ils seront Brutos le barbare à la tête d'une nation de pirates qui écume les sept mers, et d'obtenir ainsi la reconnaissance des autres joueurs quand il n'y en pas ailleurs... La réalité virtuelle peut apparaître plus séduisante qu'une société qui ne veut plus de ses jeunes, mais qui ne le leur dit pas clairement ! Parce qu'elle ne sait pas gérer les conflits inhérents à cet âge, parce qu'il n'y a pas de réelles perspectives, et parce que globalement, il faut le dire, c'est toujours la faute des autres... Nous risquons de quitter l'âge adulte : par la dilution des responsabilités, le manque de références communes, la nécessité de survie qui renforce un égocentrisme au sens premier du terme. L'âge adulte, c'est prendre des responsabilités, les tenir, aller au conflit pour défendre des valeurs collectives, être capable d'assumer. En ce sens, on peut être adulte à 20 ans, et un irresponsable hypocrite à 40 ou 60 ! Si plus personne n'assume rien, il n'y aura rien, seulement des désastres écologiques, un ordre sécuritaire pour y faire face, des hooligans déchaînés qui n'ont qu'un simulacre de sport pour défouloir, la moitié de la population dépressive, et l'autre qui s'en occupe !

La cyberdépendance est un signe annonciateur. Seul le fait associatif, collectif, tourné vers la création, le bien commun, le lien de quartier, et l'entraide peuvent renverser la tendance. Il n'y a pas de solutions individuelles : quelle que soit la situation de travail le duo « salariat / famille » n'apporte pas à lui seul des solutions d'épanouissement qui passent également par le fait collectif, l'associatif, la vie de quartier - et ce besoin de lien et de sens social devient crucial dans un contexte de dégradation accrue des conditions de vie et de travail.

Raphaël M.