Les artisans du DIY
Depuis de le développement de l'ère industrielle, nous avons accès à davantage de biens de consommation courante : prêt-à-porter, prêt-à-cuisiner, prêt-à-jeter... Etc ! Il en résulte généralement un gain financier par rapport à la création artisanale, mais parallèlement, nous perdons aussi un peu de nos savoir-faire. Par exemple, un geste autrefois anodin comme la fabrication d'un pain maison est désormais quasiment une affaire d'expert! Face à cette évolution, il existe un courant qui encourage l'autonomie des individus face au "pré-fabriqué" et aux secrets de fabrique. Il s'agit du do it yourself (DIY) ou faites-le vous-même.
Même si la débrouille, le bricolage, les activités créatrices pour enfants existent depuis longtemps, le DIY comme sous-culture s'est affirmé comme rempart contre le prêt-à-jeter et l'obsolescence programmée[1]. Partout dans le monde, des gens font le choix d'objets artisanaux plus durables, réparables par leurs soins. Progressivement, c'est presque une économie parallèle qui émerge, à l'initiative de divers acteurs comme les agriculteurs bio, les éco-constructeurs, les netizens, et beaucoup d'autres intéressés par la durabilité des biens de consommation. Plus largement, c'est un mouvement ouvert à tous ceux qui préfèrent innover en comptant sur leurs propres ressources, plus intellectuelles et collaboratives que purement financières.
Des laboratoires très innovants
L’entraide et la collaboration sont des valeurs partagées par des mini-usines de création industrielle animés par le DIY. A cela s'ajoute un autre point commun essentiel : la culture libre et les outils collaboratifs de type wiki (voir notre article sur les Netizen et la culture libre). Ces moyens récents de partage en ligne, liés à l'arrivée du numérique, ont décuplé les possibilités du DIY : le bidouilleur dans son garage peut désormais communiquer à d'autres artisans ses trouvailles et modes d'emplois. Il en résulte une forte innovation collaborative, souvent d'utilité sociale, à moindre coût.
Ces laboratoires tentent de fusionner le meilleur de l'artisanat et le meilleur de l'industrie. Voici quelques exemples phares :
- Open Source Ecology[2]. Ce groupe d'agriculteurs et d'ingénieurs créé dans le Missouri s'est fixé comme objectif la construction d'un kit de 50 machines de base pour démarrer une nouvelle civilisation (le Global village construction set). L'idée : éviter de coûteux investissements auprès des gros fabricants de machines (agriculture, bâtiment...). Grâce aux plans de construction ouverts à tous et à une plate-forme technologique collaborative peu onéreuse, la construction industrielle devient accessible à tous ceux qui sont prêts à mettre la main à la pâte. En France, le groupe Adabio développe une initiative similaire, spécialisée dans les outils agricoles sous licence libre. Véritable mode d’emploi de votre autonomie en matière de machinisme agricole, son guide de l'auto-construction offre méthodes et plans pour construire soi-même 16 outils ou dispositifs adaptés à la pratique du maraîchage biologique.[3].
- Laboratoire Entropie situé à Grenoble (France). Ses activités sont centrées autour de la question de l'autonomie et visent à donner aux personnes les outils et les moyens de s'émanciper sans créer de dépendance. Entropie anime des ateliers de bricolage écologique (construction d'éoliennes, de fours solaires...), un département de recherche sur l'autonomie et les alternatives et un département de recherche sur "le design libre".
- Wikispeed. Il s'agit d'un projet exemplaire dans la construction automobile indépendante. Le projet phare consiste en la fabrication d’une voiture à haute efficience énergétique. « Pas besoin de milliers de salariés et de R&D coûteuse, le premier prototype fut mis au point par une équipe de bénévoles, avec un budget des plus modestes… en à peine trois mois. Conçue et assemblée pour un coût dérisoire, sans réelle expérience de la construction automobile, la première Wikispeed, surnommée la boîte à chaussures orange affiche des performances défiant les standards de l’industrie, tout en se conformant aux tests de sécurité routière les plus exigeants.», relate le webzine OuiShare[4]. Comme tous les laboratoires collaboratifs de création industrielle, Wikispeed utilise le partage de l'information et les licences libres ou Open Source. D'où son fort potentiel d'innovation :« Quand un constructeur traditionnel utilise plusieurs ordinateurs coûteux et propriétaires pour gérer différentes fonctionnalités de ses véhicules, comme comme le déclenchement des airbags, la gestion du niveau d’essence ou encore l’air conditionné, Wikispeed utilise pour toute électronique embarquée un unique circuit Arduino[5].
Légende. La vision de l'évolution de la création industrielle selon Open Source Ecology. De nouvelles communautés de pratiques émergent qui concillie le meilleur de l'industrie et de l'artisanat. L'objectif est une société plus durable
De nombreux domaines d'application
On peut associer la formule « Do it yourself » au bricolage ou à la débrouillardise mais cela ne s'arrête pas là. Différents domaines adoptent et enrichissent la philosophie du DIY. Toute activité où l'on n'est pas seulement spectateur ou consommateur est potentiellement concernée :
- Participer, et échanger ses connaissances, sa culture, son information, débattre et décider par exemple sur une encyclopédie libre, telle Wikipédia.
- Les loisirs créatifs.
- Le recyclage ou détournement d'objets.
- L'auto-édition de livres, magazines...
- Les groupes ou artistes solo libérant leur musique (musique libre) ou la finançant sans les maisons de disques.
- En informatique, les logiciels libres, ou le hacking.
- Dans le façonnage d'objets, les fab labs.
- Et même, en politique, l'autorégulation, l'auto-organisation, la démocratie directe.
Notes et références
- ↑ Une entreprise peut décider de fabriquer des produits à « vieillissement programmé », ou bien encore non réparables parce que lors de leur sortie celui qui les remplacera est déjà à l'étude, ou bien parce qu'on estime que la réparation coûterait plus cher qu'un remplacement. Cela est vrai entre autres de biens de consommation courante (d’équipement des ménages notamment) comme les appareils électroménagers, les automobiles ou l’électronique grand public (postes de télévision et de radio, hi-fi, téléphones mobiles, ordinateurs...). Ces produits ne sont parfois pas conçus pour durer beaucoup plus que le temps d'arrivée sur le marché de leur remplaçant.
- ↑ Voir le site : opensourceecology.org
- ↑ Dans son Guide de l’autoconstruction : outils pour le maraîchage biologique, l'association Adabio (Association pour le développement de l’agriculture biologique) diffuse des techniques d’autoconstruction résultant d’une part des savoir-faire collectés auprès de maraîchers, et d’autre part d’un travail d’amélioration technique mené par l’association. L’ouvrage collectif présente en 250 pages les techniques, les gestes de sécurité, et pour chaque outil, un tutoriel comprenant des explications, photos, schémas, plans, liste des pièces. Le tout sous licence libre. En savoir plus : www.adabio-autoconstruction.org
- ↑ Dans l'article Wikispeed, la troisième révolution industrielle en Open Source sur www.ouishare.net
- ↑ Le système Arduino est un outil pour fabriquer de petits ordinateurs qui peuvent capter et contrôler davantage de choses du monde matériel qu'un ordinateur de bureau. C'est une plateforme Open Source d'électronique programmée qui est basée sur une simple carte à microcontrôleur et un logiciel, véritable environnement de développement intégré, pour écrire, compiler et transférer le programme vers la carte à microcontrôleur coûtant à peine 20 dollars…» Voir : www.arduino.cc/fr.