Concurrences déloyales
Plus de la moitié des gens sur Terre vivent dans des villes, alors pourquoi vouloir en construire une de plus? N'est-il pas plus simple d'accompagner la transition vers l'écologie dans les villes et villages déjà existants? Oui bien sûr c'est plus simple. Alors pourquoi ne pas le faire? Parce que deux concurrences freinent terriblement toutes les initiatives qui sont démarrées. La première est la concurrence des entreprises irresponsables. En résumé elle crée des situations d'injustice, de fragilité, où nous devenons dépendants à des produits de consommation, à des postes de travail qui nous coupent de notre rôle de gardien de la planète et à nous oriente vers un modèle métro-boulot-dodo où il est très difficile de choisir le commerce équitable, la mobilité douce etc. La deuxième concurrence déloyale est celle de l'état assistentialiste qui « donne du poisson » à tous ceux qui sont dépassés par ce système de surconsommation et qui n'arrivent pas à s'intégrer. Ils reçoivent de l'aide sociale qui les maintient dans un état d'assistance et perdent la culture d'entreprendre. Ces deux concurrences déloyales font perdre la confiance en un monde meilleur. Les gens se disent « de toute façon il y a toujours eu des injustices sur Terre et la situation est plutôt en train d'empirer » de plus il est difficile de proposer des solutions globales comme par exemple l'abandon de la propriété privée au profit d'une économie fonctionnelle (voir article économie fonctionnelle) dans un lieu qui existe déjà. Alors que dans un nouveau lieu les gens n'ont pas l'obligation d'y venir mais s'ils viennent ils savent que les règles, le mode de fonctionnement ne permet pas de propriété privée et encourage par contre l'esprit d'entreprise. Ils ne peuvent pas dire « avant c'était mieux » ou « ça ne va pas marcher » car ils savent qu'ils sont là pour essayer concrètement et se lancer corps et âme dans l'aventure.
Créer un nouveau lieu lieu pour faire la promotion de nouvelles pratiques n'est pas recommandable. Il serait préférable de permettre d'évoluer aux gens là où ils vivent habituellement.
Cependant, dans un climat de concurrences déloyales, cet objectif est difficile à atteindre. Il y a des détracteurs qui oppose des forces contradictoires à la dynamique du projet. Nous sommes contraints de rester dans nos anciens réflexes, nos anciennes pratiques, nos anciennes manières d'être...
L'omniprésence de ces concurrences déloyales nous a poussé à choisir un lieu comme Ecopol, un lieu où la population dira:
« On a toujours fait comme ça mais on ne sait pas pourquoi et tant qu'on aura pas compris on acceptera pas! »
Il aurait certes été plus simple de ne proposer le projet à des personnes déjà sensibilisées et en accord avec les valeurs d'Ecopol, mais c'est irréaliste. C'est pourquoi, des personnes qui ont eu la curiosité de découvrir ce qui existait déjà, qui ont traversé le monde, récupéré de nombreuses informations, puis qui ont utilisé un système web pour confronter leurs idées avec les pratiques, pour les documenter; ont décidé de fonder Ecopol, de proposer aux brésiliens de Bahia une nouvelle façon de vivre.
Après avoir permis à la population locale de vivre de nouvelles choses, dans un lieu nouveau, on leur a dit:
«Finalement avec du recul je suis d'accord! Au début, je trouvais ça bizarre, c'est parce que j'avais pas pris le temps de bien regarder. J'avais pas bien compris et j'avais projeté mes peurs. Comme j'avais un peu peur je trouvais que ça ne tenait pas la route ».
Sommaire
Description des concurrences déloyales
Commençons notre explication par quelques données:
- évasion fiscale des multinationales fait perdre aux pays en développement 125 milliards d’euros de recettes fiscales, soit 4 fois le montant nécessaire estimé par la FAO pour éradiquer la faim
- 1% des plus riches mondiaux disposent d'un revenu cumulé égal à celui des 57% les plus pauvres
- chaque année de nombreuses firmes multinationales sont condamnées pour non respect de la concurrence
Les intérêts privés sont plus fortsque le bien commun, dans notre univers économique, il est difficile pour les petits entreprises de survivre.
Au sortir de l'université, un jeune homme compétent et ayant une bonne expérience de vie décide de créer une coopérative qui vend des fruits et des légumes. Avec des amis, il va à la rencontre des agriculteurs et leur propose de leur acheter l'ensemble de leur récolte. Les producteurs pourront ainsi diversifier leurs productions et le groupe de jeunes les revendra localement dans des paniers qu'ils distribueront dans la ville voisine.
Pendant plusieurs années, la coopérative fonctionne, le chiffre d'affaire est bon, l'activité ne manque pas de clients.
Mais au bout de 2 à 3 ans, un des membres a besoin de liquidité, il veut revendre ses parts. Comme il estime qu'il s'est beaucoup investi dans le projet, et que la réussite de l'activité dépend de lui, il veut recevoir un bonus. Ces camarades-coopérateurs lui expliquent que son attitude va à l'encontre des principes coopératifs.
Afin d'obtenir les gains qu'il espère, ce membre propose à une multinationale ayant la même activité la vente du fichier clients de la coopérative. Il s'associe à cette multinationale leader dans le secteur et négocie sa participation au capital.
Il obtient donc le moyen de gagner beaucoup d'argent et met à mal la réussite de la coopérative.
Un autre exemple de concurrence déloyale, serait le cas du passager clandestin. Un des coopérateur est moins impliqué que les autres, il cherche à profiter du travail de ses camarades. Etant conscient que le projet revêt également une dimension affective, sociale et citoyenne, il abuse de la gentillesse du groupe. Alors qu'il ne remplit pas sa part de travail, il touche tout de même son salaire. Sa défense se base sur le fait que le projet a été monté pour répondre à une éthique et non pas pour rechercher la rentabilité.
C'est deux attitudes mettent en péril le projet collectif. D'une part, celui qui demande un bonus, entre dans une démarche de négociations, de bras de fer qui va épuiser et démoraliser le groupe. D'autre part, le passager clandestin met à mal le bon fonctionnement de l'organisation.
Cet exemple nous enseigne que la réussite d'un projet basé sur l'éthique ne dépend pas seulement de sa qualité. L'implication et les engagements sur le long terme des membres sont également des éléments essentiels.
Les mécanismes de survie
Ce type de situation, bien qu'évitable est tout de même assez fréquent.
Nous sommes dans une société duale. Nous considérons que le monde est constitué de gagnants et de perdants. Nous vivons dans un climat de guerre économique. Les gens pensent que si ils ne sont pas des requins ils deviendront le plancton qui se fait dévorer.
Dans cette situation, celui qui accepte la précarité, qui s'engage et s'implique pour défendre sa vision du monde part perdant d'avance.
Une des solutions pour dépasser ce genre de situation, serait d'accepter les règles du jeu. De changer les statuts de la coopérative et d'en faire une société anonyme.
Mais là encore, le groupe de jeunes devrait affronter la concurrence déloyale. La multinationale pourrait jouer de son pouvoir, et négocierait des avantages avec les pouvoirs publics, en contrepartie de son implantation et des emplois qu'elle créera.
Elles pourraient demander:
- des contrepartie d'aides fiscales,
- la priorité sur un terrain,
- l'exclusivité de fourniture des établissements publics,
Elle pourrait aussi s'inscrire dans une logique lobbyiste et oeuvrer par exemple pour baisser les critères de l'agriculture bio. Ainsi, elle pourra vendre du bio « pas si bio que ça », cultivés par exemple avec des pesticides ou autres produits chimiques. Produits chimiques qui auraient été reconnus par la directive XYZ, et qualifiés de non risqué pour la santé. Cette directive serait basée sur les recherches d'une autorité sanitaire financée par cette même multinationale.
De ces exemples, on peut définir deux types de concurrences déloyales.
L'appât du gain
Dans un monde où tout va très vite, où la complexité est poussée à son paroxysme, celui qui ne maitrise pas les enjeux juridiques, commerciaux et financiers peut très vite être dépassé. Dans ce contexte, les plus grands, les plus forts développe une énergie immense afin d'empêcher l'arrivée de nouveaux concurrents (loyaux) ou de manière à saboter les entreprises déjà présentes.
Les multiationales aujourd'hui ne méritent pas leur position dominante, elles ne font pas preuve de responsabilité. Le manque de scrupules déteint sur les comportements individuels.
Les passagers clandestins
Certaines personnes sont faibles et facilement attirées par le « farniente ». Lorsque, par exemple, elles constatent que certaines personnes bénéficient d'aides financières sans contreparties fortes, elles souhaitent avoir le même statut. Ces personnes ne valorisent pas le fait de s'investir, de travailler avec efficacité, elles préfèrent profiter du système. Elles finissent par ne plus se sentir comme faisant partie du système, trouver le système biaisé.
Dans ce contexte, il est très difficile de la protéger l'initiative individuelle dans le temps. Etre honnête, dans un monde globalisé, où toutes les grosses entreprises ont des pratiques de concurrence déloyale, de dumping par les prix, d'ententes stratégiques, de monopoles, de changements de normes, de lobbying, relève du défi.
Au final, on en arrive à préférer recevoir du poisson plutôt qu'apprendre à pêcher. On réalise que la pêche est déloyale, et que même en faisant partie d'une fédération de pêcheurs on ne sera pas entendu. À force d'injustices sociales, on arrête de croire en soi, on démissionne de son rôle de citoyen actif ou de travailleur autonome et engagé.
Les acteurs de la concurrence déloyale sont inconsciemment conscients du mal qu'ils font à la société. Cette conscience les pousse à tenter de compenser leurs déviances.
Dans le cas des premiers, lorsqu'ils auront accumulé de nombreuses richesses, ils adopteront une position libérale communiste.
Les dirigeants des grandes entreprises mondiales, qui sont les premiers à adopter des pratiques déloyales, créent des fondations et se gargarisent de leur charité. Ils agissent sans scrupules d'une part, abusent de leur pouvoir, et tentent par ailleurs de réduire les inégalités dont ils sont les créateurs.
Les seconds, pour compenser leurs désengagements, feront preuve par exemple d'une grande générosité avec leurs proches. Ou bien ils pratiqueront la décroissance, ils choisiront de consommer peu mais resteront dépendant de l'état. Disposant de beaucoup de temps libres, ils s'impliqueront beaucoup pour leur quartier.
Dans un cas, comme un autre, ces personnes pourraient être félicitées pour leurs actions charitables, sociales et citoyennes. Mais il ne faut pas oublier, que c'est par leurs agissements premiers, par le rôle dans le développement des concurrences déloyales, que la société souffre et qu'elle a donc besoin d'actions correctrices.
Attitudes à adopter face aux concurrences déloyales
Pour se protéger de ces deux concurrences déloyales il existe une solution: les bannir en amont. Ne pas accepter qu'elles existent dans notre environnement social et économique.
Mais ceci n'est possible que dans des situation particulières.
Vivre au Bhoutan
Le Bhoutan est un pays où on peut à peine fumer, parce qu'il n'y a pas de marchands de cigarettes. Lorsqu'on est stressé la seule solution est la méditation. On ne peut passer des heures et heures devant la télévision tout simplement parce que ça n'existe pas. Le premier indicateur national est le bonheur intérieur brut, le bonheur national et non pas la production. Le troc est beaucoup pratiqué.
C'est un pays que l'on pourrait qualifier d'arriéré, cependant il existe des initiatives nouvelles. C'est un pays où les concurrences déloyales n'existent guère.
" D'abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, ensuite ils vous combattent " Gandhi
Ecopol, en tant que création ex-nihilo, sera un lieu vierge de toute concurrence déloyale. Créé à partir de rien, mais sur de bonnes bases pour se développer de manière saine et durable, Ecopol est une forme de resistance non violente.
Sources
www.ccfd-terresolidaire.org www.anarchopedia.org
Nouvel encart
Un autre chiffre qui est significatif nous est donné par une des fondatrices du projet Ecopol, Marie Jane Berchten, qui a été responsable administrative d'une des sections régionales de la lutte suisse contre le crime organisé: c'est qu'un mouvement financier en dessous de 10 millions échappe à la surveillance des banques. Donc typiquement, quelqu'un qui va faire de nombreux mouvements financiers de quelques centaines de milliers de dollars ou d'euros va passer en dessous du radar des malversations financières que les banques vont spontanément signaler. En résumé, il suffit donc de morceler en plein de petits morceaux pour passer ce qu'on veut. Et ça c'est fréquent. Et typiquement on a là un exemple où les concurrences déloyales sont très fortes.