Coopétition

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coopération, compétition, coopétition.


La notion de « coopétition » (mot-valise issu de « coopération » et « compétition ») désigne un mode de travail coopératif entre des acteurs qui sont en compétition sur d'autres aspects (visibilité, reconnaissance ou plan économique). L'objet est alors d'éviter une compétition délétère qui se déploierait au détriment du public ou des clients. La coopétition s'observe ainsi entre entreprises concurrentes qui partagent et mutualisent des investissements ou d’autres ressources, souvent pour réaliser des économies d’échelle.

La coopétition est un symbole magistral des changements de société induits par Internet. Pour bien saisir cette notion, il faut comprendre la différence qui existe entre les individus qui coopèrent et ceux qui sont en concurrence. Auparavant régnait la culture du secret : il n'était pas question d'informer ses concurrents de ses intentions et de ses activités. Le secret de fabrication n'était pas un vain mot. Aujourd'hui en revanche, plus on publie sur le Web ses manières de faire, ses critères-qualité et plus on transmet aux autres, plus on rentre dans une dynamique de commerce équitable. Si la coopétition n'est pas encore largement enseignée dans les milieux académiques, elle fait déjà l'objet d'études approfondies dans le monde de la recherche et de l'entrepreneuriat et elle est déjà pratiquée de façon informelle. La coopétition est une manière d'être proche de la culture du don :son principe moteur se résume au fait que donner un peu permet aussi de recevoir beaucoup.

Dans de tels systèmes, le leader va être reconnu non seulement en tant que pionnier, mais aussi en tant que formateur. La coopétition s'applique fréquemment dans le monde du logiciel libre. À partir d'un logiciel existant — comme OpenOffice.org ou GNU/Linux —, tout un chacun est à même de proposer une alternative qui en dérive. Si, toutefois, les leaders actuels n'acceptent pas son alternative, le dissident peut tout simplement dire : « Je fourche ! ». Le principe de la fourche[1] intervient lorsque l'utilisateur d'un logiciel propose des modifications ou des améliorations dans le développement de son architecture. C'est là une différence par rapport à l'architecture d'un bâtiment, qui ne permet pas de dire : « je copie le bâtiment, je le construis vingt ou cent mètres plus loin, et à la place des fenêtres carrées, je vais créer des fenêtres rondes ». Dans le monde du logiciel, une telle procédure est possible car la copie se fait à un coût dérisoire.

Appliquée au monde de la culture libre, la coopétition est porteuse d'un immense espoir : dans la culture numérique où tout tend vers le partage d'informations et vers les quatre libertés fondamentales du logiciel libre, le qualité et la reconnaissance du mérite réel sont souvent au bout du chemin. Un mérite qui se fonde sur la transparence, dans un contexte où chacun a la possibilité de "fourcher" et de proposer une alternative stimulante.

Ainsi, intervenir sur l'architecture d'un logiciel revient à annoncer : « Je vais prendre le code qui est sous licence libre, mentionner tous les auteurs qui ont contribué jusqu'à présent et mentionner ce qu'ils ont fait. Mais à partir de maintenant, le projet aura un nouveau nom et un nouveau leader. Et qui m'aime me suive... » A ce stade survient la troisième étape : à terme, la coopétition n'est possible que dans un milieu (écosystème) où sont possibles des alternatives qui fortifient la diversité, voire la saine concurrence. Dans un tel cas, la concurrence devient non-violente : on informe et l'on rend le principe de coopération réciproque.

C'est-à-dire[2] :

  • 1) je coopère,
  • 2) si l'autre ne coopère pas, j'agis avec réciprocité (et je fourche),
  • 3) j'offre le pardon. Très concrètement : la fourche n'est pas définitive. Il peut y avoir un projet qui se scinde en deux mais les deux projets pourront fusionner si les divergences de point de vue s'estompent. Cela s'est vu pour le logiciel GCC du projet GNU[3].

La fusion ultérieure n'est pas toujours l'issue. Les projets vivent alors des vies indépendantes, au risque de scinder, souvent, la communauté des développeurs. C'est le cas de Dokeos, une plateforme de formation à distance (eLearning) qui a fourché à partir de l'original Moodle sans fusionner depuis.

Le monde du logiciel libre regorge d'histoires de fourches, notamment celle de SourceForge vs Savannah. SourceForge est une plateforme qui aidait les développeurs à faire évoluer quelque 300 000 logiciels (à l'époque de la fourche). Elle était détenue par une entreprise nommée VR Linux, leader dans le monde du commerce du logiciel libre. La licence de la plateforme était une licence libre, mais toute la plateforme avait été développée par des informaticiens qui étaient des employés de l'entreprise VR Linux. Cette dernière, considérant que ses employés avaient abandonné leurs droits à son profit, décida un beau jour de changer la licence de la plateforme nommée SourceForge. Réaction de la communauté du logiciel libre : « Attendez ! Vous êtes en train de modifier les modalités d'usage et la licence (ce qui revient au même - NDLR) d'une plateforme qui permet le développement d'une centaine de milliers de projets logiciels touchant tous les domaines : comptabilité, musique, bureautique, antivirus, etc. Il y a là un fabuleux patrimoine au service du bien commun, un écosystème de participants qui se sont reconnus par la méritocratie, et tout d'un coup, vous vous apprêtez à les privatiser comme on privatiserait le Louvre ou le Panthéon. Eh bien non. Nous allons reprendre notre projet et cesser de continuer à le développer. Nous nous adresserons à la Free Software Foundation, autorité reconnue comme garant moral d'une cohérence et d'un respect du bien commun, à laquelle nous adhérons parce qu'elle mérite notre respect (de fait, chaque fois que la FSF a émis une proposition, la communauté y a cru, et sans aveuglement - NDLR). Puis nous créerons un projet alternatif qui s'appellera Savannah. »

Notes et références

Annexes

Liens externes