Les entrepreneurs sociaux
Devinette : quelle est la différence entre un entrepreneur social et un chef d'entreprise classique?
Il n'y en a qu'une : le premier ne peut espérer le moindre profit personnel à la revente de son entreprise. Est-ce donc si grave? Pas vraiment lorsqu'on considère le fait que la possibilité de générer un profit, pour soi ou ses actionnaires, se payent généralement au prix fort : stress de la concurrence, bénéfice net souvent rare ou peu élevé pour les petits entrepreneurs, plan sociaux au détriment des salariés, risques multiples de faillite. On comprend pourquoi beaucoup d'entrepreneurs changent de point de vue. Certains préfèrent s'orienter vers une activité utile aux autres, quitte un générer un salaire plus modeste, mais somme toute suffisant pour vivre.
L'entrepreneuriat social désigne toute initiative privée dont la finalité sociale est supérieure ou égale à la finalité économique (lucrativité). C'est le cas, par exemple, des entreprises détenues par des fondations(comme Victorinox, le célèbre fabricant de couteaux suisse, ou Weleda, fabricant suisse de cosmétique naturelle)
Selon la définition couramment admise, les [entrepreneurs sociaux] sont des individus qui apportent des solutions nouvelles à des problèmes pressants de la société. Ils identifient des approches innovantes pour résoudre des problèmes qui apparaissaient souvent comme insolubles. Ces entrepreneurs ont la capacité de concilier l’approche économique avec des objectifs sociaux. Cependant, cette capacité n'annule pas nécessairement la tension qui existe entre les objectifs sociaux et les objectifs économiques.
Pour une économie humaine
Au fur et à mesure du développement de l'entrepreneuriat social dans un pays, les acteurs sont logiquement amenés à coopérer au sein de réseaux, comme en France par exemple, avec le Mouves (www.mouves.org), créé en février 2010. "Le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) est un mouvement de personnes qui se retrouvent sur des valeurs, des pratiques et la volonté de construire une économie humaine qui réponde efficacement aux besoins de la société : emploi, santé, éducation, dépendance, logement, alimentation, etc.
"Le Mouves fédére et représente les entrepreneurs sociaux : des entrepreneurs qui portent une vision, prennent des risques, développent et innovent, managent des équipes. Des entrepreneurs motivés avant tout par l’intérêt général, pour qui le profit est un moyen et pas une fin en soi. Des entrepreneurs qui partagent équitablement les richesses qu’ils créent.
"Dispersés, cloisonnés, isolés, les entrepreneurs sociaux n’arrivent pas encore à mobiliser l’opinion, à influencer les décideurs, à rendre visibles leurs pratiques et leurs solutions. Ensemble, ils peuvent être plus forts et plus audibles. Ils peuvent agir pour changer la donne. C’est pourquoi a été créé le Mouves, dans la lignée du Livre Blanc pour développer l’entrepreneuriat social (Avise, 2009)."
Agents du changement
Les entrepreneurs sociaux font partie de la famille des agents du changements (change makers) qui incarnent la transition vers une économie nouvelle. Un agent de changement chevronné contribue au sein de l'entreprise à transformer le potentiel de l'entreprise en un véritable moteur de performance au quotidien, en intégrant la dimension humaine et du bien commun. Parmi les agents du changement, on trouve les managers de la complexité. Alors que les entrepreneurs sociaux sont souvent spécialisés dans un domaine ou concentrés sur une thématique, les complexity managers sont des généralistes de la gestion transversale sur tout type de problématique.
Les intrapreuneurs sociaux sont des entrepreneurs sociaux "infiltrés" au sein de leur entreprise. Leur mérite est d'essayer de faire évoluer les pratiques dans un contexte pas forcément propice. D'une manière générale, l'intrapreneuriat permet à une grande entreprise de mieux saisir les opportunités face à une inertie aux causes multiples (freins administratifs, économiques, psychologiques...). L'intrapreneuriat social propose lui des innovations à but non (ou peu) lucratif. C'est par exemple le cas d'un cadre qui parvient à créer une section microfinance ou un fonds de dotation au sein d'une grande banque ou d'un grand groupe. Si les porteurs de projets peuvent être sincères dans leur engagement, l'entreprise, elle, peut se saisir de ces innovations pour redorer son image. Après le greenwashing, le risque de social washing n'est pas loin, mais l'intrapreneuriat social témoigne d'une évolution des pratiques ou tout au moins d'une prise de conscience.