L'expérience de Smala en bref
L'expérience de Smala
Comme peuvent en témoigner les membres de l'association Smala, à l'initiative du projet Ecopol (voir l'acte 4, consacré à Smala), on peut vivre en communauté tout en préservant son intimité ou la cellule familiale : salle de bain, toilettes, cuisine, salon sont des espaces privés dans chaque foyer des écologis Smala. Un petit truc qui fait parfois toute la différence pour une bonne ambiance : chaque foyer paie pour la conciergerie des espaces communs, le nettoyage et la bonne communication entre foyer (une réunion par mois). En même temps, on encourage les habitants à devenir concierges et animateur de soirée, puis à facturer leur prestations à Smala qui vient justement d'encaisser leur paiement pour cette même prestation... Payer pour un service qu'on se rend en partie à soi-même, cela parait compliqué administrativement. Cela ne marche pas "parfaitement" non plus, mais en tout cas ça marche "très bien", surtout pour des aspects essentiels comme la propreté (on est en Suisse tout de même!). Cela marche en tout cas mieux que les tournus de bénévoles ou la liberté de faire chacun quand on peut. Et cela ne nous empêche pas d'être créatif, humaniste et solidaires sur d'autres aspects de la co-habitation.
Nous avons ainsi défini de nombreuses autres règles de base tout aussi simple finalement, qui empruntent pour certaines à l'économie classique, pour d'autres aux traditions ancestrales, et même à la vie bohème, et surtout qui sont pleines de bon sens paysan. C'est pour cela que les maisons Smala sont comme des ruches où chacun-e peut venir butiner des art de vivre, et pourquoi pas y faire son nid. Dans ces éco-lieux où certains travaillent, d'autres habitent et d'autres les deux, se trouvent conjuguées l'ambiance conviviale d'une famille recomposée et d'une maison de quartier, la propreté d'un hôtel et la qualité de gestion d'un institut de recherche.
Quand à l'écologie communautaire, vous le verrez dans ces articles, c'est une clé-de-voûte indispensable pour des co-habitats qui ne se limitent pas à la construction de logements moins gourmands en énergie et un bon voisinage respectueux et distant. Dans ces co-habitats tels que nous les connaissons dans les écoquartiers actuels, la vie est déjà bien meilleure que dans une cité-dortoir, mais elle manque encore singulièrement de durabilité, si on prend les critères de l'ONU pour le développement durable. Dans ces écolieux "de façade", on trouve souvent des fêtes de quartiers, des bureaux sympas à louer au rez-de-chaussée avec préférences aux habitants, et quelques initiatives écologiques et sociales périphériques, portées par une minorité de passionnés relativement peu encouragés ou soutenus par les autres. Pour l'équipe de Smala, c'est chouette, mais l'écart reste trop grand avec la qualité de vie profonde d'un partage choisi, d'une coopération facilité par un cadre stimulant.
Et en mettant la barre un peu plus haut, nous avons un certain succès. A l'heure où nous bouclons cette première édition du livre, en septembre 2013, nous venons de signer notre... 41e contrat de gestion de maison. L'intérêt pour notre approche d'écologie plus communautaire de Smala réside dans le fait qu’il y a – malgré les préjugés sur la vie en communauté – une proportion grandissante de personnes qui souhaitent faire cette expérience de cohabitation et/ou coopération dans des lieux plus humanistes, ici et maintenant, concrètement.
Or les offres sont quasiment inexistantes. Habiter dans une maison gérée par Smala, c'est accepter de développer ensemble la responsabilité individuelle, dans cette société de consommation où on vie séparé et la responsabilité est collective. Nous nageons donc passablement à contre-courant. Nos pratiques sont basées sur la simplicité volontaire, la sobriété heureuse, la jubilation dans l’effort de vivre.
Ces pionniers de l'écologie communautaire sont plus ou moins conscientes que la durabilité de la vie sur terre passe par la vie en communauté, que cela permet de réduire la consommation grâce au partage de matériels (réfrigérateur, connexion web, potager), tout en ayant une totale indépendance de rythme et des espaces réservés à l'usage privé. Ces personnes sont prêt à augmenter leur conscience en faisant l'expérience pratique, pour un week-end d'essai, puis quelques mois ou années. Ces personnes peuvent constater que, mise à part une réunion de maison par mois et le rangement régulier de leurs affaires dans les locaux communs, elles peuvent vivre entièrement à leur rythme.
Des relations humaines de qualité
Mis à part une séparation de couple, rien de plus délicat qu'un déménagement. Alors imaginer s'il s'agit en plus de déménager dans un lieu o?u vous devrez participer à une réunion par mois avec d'autres co-habitants, où vous devrez adopter certaines nouvelles pratiques de tri des déchêts, de mutualisation de certains achats... Vous l'avez compris, dans l'écologie communautaire, l'élément le plus délicat est le facteur humain. C'est ici qu'on parle d'écologie relationnelle, un art qui vise à établir une communication harmonieuse entre les êtres humains. La régulation des relations entre les acteurs d'un tel lieu, le bon équilibre entre libertés individuelles et la gestion du bien commun sont autant de dimensions à organiser. S’il ne fallait retenir qu’une chose, c’est simplement qu'on peut faire des erreurs. On peut même accepter des régressions dans la qualité de la dynamique de l’écologie communautaire. Si on ne dramatise pas, si on n'entre pas dans des jeux de pouvoirs où l'on cherche à imposer ses idées au risque de faire exploser le groupe, alors on s'aperçoit qu'au fond, il y a des choses qu'on perd mais d’autres qu'on récupère ! Au final, les solutions adoptées conviennent à ceux qui s'engagent dans des relations durables. Relations durables ne veut pas dire relations faciles, cela désigne surtout la capacité à s'accepter et à s'entendre sur les règles du jeu, au-delà des différences.
Pourtant, il est plus facile d'être solidaire lorsque tout va bien. Proposer un changement et mener ce changement à bien est plus conflictuel. Lorsqu'un groupe de personnes choisit d'expérimenter l'écologie communautaire, des discordances peuvent apparaître. D'où l'importance de mettre en place :
- Une bonne gouvernance ou Qui décide quoi ? : afin que chacun se sente impliqué et écouté, il est essentiel de trouver une façon de décider qui soit la plus démocratique possible. Les outils de gestion informatiques, répondant aux critères de la culture libre (voir notre article Les netizens et la culture libre), favoriseront le dialogue, la résolution des conflits et protégeront des despotismes.
- Un environnement social favorable : la présence de pionniers compétents dans la gestion des conflits est importante. Leur modération, leur recherche du consensus, leur attachement au bien commun et leur croyance en la non accumulation des ressources permettront de maintenir un climat sain et agréable pour tous.
En conclusion : bilan positif... après des démarrages où il faut s'accrocher
Notre message fondamental : expérimenter l'écologie communautaire, c'est salutaire pour le corps et l'esprit, pour autant qu'on ait un peu de résistance morale aux difficultés initiales d'adaptation. Pour ne parler que de notre expérience directe, la très grande majorité des près de deux mille personnes qui ont co-habité et/ou co-opéré dans des maisons Smala de 1993 à 2013 considèrent que cela a été pour elles une "école de la vie" très instructive, qu'elles ont beaucoup appris et que cela leur a été très utile pour leur développement humain. Nous écrivons cela après des entretiens avec plusieurs centaines d'entre eux, des demandes de feedbacks réguliers, etc.
Il est temps, avec l'initiative Ecopol, de passer à un plus large déploiement de cet art de vive Smala.
Avanti al popolo ! C'est parti mon kiki !