Concurrences déloyales
Plus de la moitié des gens sur Terre vivent dans des villes, alors pourquoi vouloir en construire une de plus?
N'est-il pas plus simple d'accompagner la transition vers l'écologie dans les villes et villages déjà existants?
Ce serait bien sûr plus simple.
Pourquoi ne pas le faire?
Parce que deux mécanismes érodent les initiatives humanistes, la dérégulation défaillante des marchés et les programmes d'assistance sociale qui en découlent.
Un monde dérégulé permet l'émergence de pôles, de cartels, qui montrent que le libéralisme, ou le néo libéralisme a été détourné de son sens, de son essence. Nous subissons les abus de cette situation, nous ne sommes pas dans une société de concurrence pure et parfaite mais dans un système d'oligarchies. Nous ne sommes pas motivés à entreprendre, parce que nous craignons les coups bas de ceux qui ne respectent pas les règles. Chacun commence à penser que si il n'adopte pas une attitude de requin, que s'il ne se met pas à lui même déroger aux règles, il ne pourra pas survivre à son environnement.
La deuxième concurrence déloyale, c'est l'impuissance que ressente les gens face à la situation précédemment décrite. Plutôt que de lutter, certains baissent les bras et attendent, du système et de l'Etat, une assistance. Ils entrent dans une situation de dépendance, qui elle même génère des abus, ceux de l'assistanat.
Lorsque quelqu'un, un groupe ou une personne développe un projet innovant, allant dans le sens de la construction d'un monde meilleur, affronter ces concurrences le détourne de son but. Que ce soit par le découragement ou par l'impossibilité dans un univers corrompu de mettre en place son projet.
La solution est donc de créer des espaces de liberté, des poches de pureté suffisamment autonomes et non autarciques, où les échanges se font de manière équitable. C'est vers cela que veut tendre Ecopol.
Sommaire
Paragraphes de cet article
Des exemples parlants
Commençons notre explication par quelques données:
- l'évasion fiscale des multinationales fait perdre aux pays en développement 125 milliards d’euros de recettes fiscales, soit 4 fois le montant nécessaire estimé par la FAO pour éradiquer la faim
- 1% des plus riches mondiaux disposent d'un revenu cumulé égal à celui des 57% les plus pauvres
- chaque année de nombreuses firmes multinationales sont condamnées pour non respect de la concurrence
Les intérêts privés sont plus forts que le bien commun, dans notre univers économique, il est difficile pour les petits entreprises de survivre.
Au sortir de l'université, un jeune homme compétent et ayant une bonne expérience de vie décide de créer une coopérative qui vend des fruits et des légumes. Avec des amis, il va à la rencontre des agriculteurs et leur propose de leur acheter l'ensemble de leur récolte. Les producteurs pourront ainsi diversifier leurs productions et le groupe de jeunes les revendra localement dans des paniers qu'ils distribueront dans la ville voisine.
Pendant plusieurs années, la coopérative fonctionne, le chiffre d'affaire est bon, l'activité ne manque pas de clients.
Mais au bout de 2 à 3 ans, un des membres a besoin de liquidité, il veut revendre ses parts. Comme il estime qu'il s'est beaucoup investi dans le projet, et que la réussite de l'activité dépend de lui, il veut recevoir un bonus. Ces camarades-coopérateurs lui expliquent que son attitude va à l'encontre des principes coopératifs.
Afin d'obtenir les gains qu'il espère, ce membre propose, à une multinationale ayant la même activité, la vente du fichier clients de la coopérative. Il s'associe à cette multinationale, leader dans le secteur, et négocie sa participation au capital.
Il obtient donc le moyen de gagner beaucoup d'argent et met à mal la réussite de la coopérative.
Un autre exemple de concurrence déloyale, serait le cas du passager clandestin. Un des coopérateur est moins impliqué que les autres, il cherche à profiter du travail de ses camarades. Étant conscient que le projet revêt également une dimension affective, sociale et citoyenne, il abuse de la gentillesse du groupe. Alors qu'il ne remplit pas sa part de travail, il touche tout de même son salaire. Sa défense se base sur le fait que le projet a été monté pour répondre à une éthique et non pas pour rechercher la rentabilité.
C'est deux attitudes mettent en péril le projet collectif. D'une part, celui qui demande un bonus, entre dans une démarche de négociations, de bras de fer qui va épuiser et démoraliser le groupe. D'autre part, le passager clandestin met à mal le bon fonctionnement de l'organisation.
Cet exemple nous enseigne que la réussite d'un projet basé sur l'éthique ne dépend pas seulement de sa qualité. L'implication et les engagements sur le long terme des membres sont également des éléments essentiels.
Les mécanismes de survie
Ce type de situation, bien qu'évitable est tout de même assez fréquent.
Nous sommes dans une société duale. Nous considérons que le monde est constitué de gagnants et de perdants. Nous vivons dans un climat de guerre économique et sociale.
Dans cette situation, ceux qui s'engagent pour le bien commun sont rares, car ils nagent à contre-courant et souvent seuls.
Pour dépasser ce genre de situation, une solution serait d'accepter les règles du jeu d'un marché passablement dérégulé.
De se concentrer sur une société dite "anonyme".
Mais là encore, il faudrait affronter la concurrence déloyale. Une grande entreprise transnationale pourrait jouer de son pouvoir, et négocierait des avantages avec les pouvoirs publics, en contrepartie de son implantation et des emplois qu'elle créera.
Elles pourraient demander:
- des contrepartie d'aides fiscales,
- la priorité sur un terrain,
- l'exclusivité de fourniture des établissements publics,
Elle pourrait aussi s'inscrire dans une logique lobbyiste et oeuvrer par exemple pour baisser les critères de l'agriculture bio. Ainsi, elle pourra vendre du bio « pas si bio que ça », cultivés par exemple avec des pesticides ou autres produits chimiques. Produits chimiques qui auraient été reconnus par la directive XYZ, et qualifiés de non risqué pour la santé. Cette directive serait basée sur les recherches d'une autorité sanitaire financée par cette même multinationale.
L'appât du gain
Dans un monde où tout va très vite, où la complexité est poussée à son paroxysme, celui qui ne maîtrise pas les enjeux juridiques, commerciaux et financiers peut très vite être dépassé. Dans ce contexte, les plus grands, les plus forts, développent une énergie immense afin d'empêcher l'arrivée de nouveaux concurrents (loyaux) ou de manière à saboter les entreprises déjà présentes.
Les multiationales aujourd'hui ne méritent pas leur position dominante, elles ne font pas preuve de responsabilité. Leur manque de scrupules déteint sur les comportements individuels.
Les passagers clandestins
Certaines personnes sont faibles et facilement attirées par le « farniente ». Lorsque, par exemple, elles constatent que certaines personnes bénéficient d'aides financières sans contreparties fortes, elles souhaitent avoir le même statut. Ces personnes ne valorisent pas le fait de s'investir, de travailler avec efficacité, elles préfèrent profiter du système. Elles finissent par ne plus se sentir comme faisant partie du système, trouver le système biaisé.
Conclusion
Dans ce contexte, il est très difficile de la protéger l'initiative individuelle dans le temps. Etre honnête, dans un monde globalisé, où toutes les grosses entreprises ont des pratiques de concurrence déloyale, de dumping par les prix, d'ententes stratégiques, de monopoles, de changements de normes, de lobbying, relève de la mission impossible.
Au final, on en arrive à préférer recevoir du poisson plutôt qu'apprendre à pêcher. On réalise que la pêche est déloyale, et que même en faisant partie d'une fédération de pêcheurs on ne sera pas entendu. À force d'injustices sociales, on arrête de croire en soi, on démissionne de son rôle de citoyen actif ou de travailleur autonome et engagé.
Les acteurs de la concurrence déloyale sont inconsciemment conscients du mal qu'ils font à la société. Cette conscience les pousse à tenter de compenser leurs déviances.
Dans le cas des premiers, lorsqu'ils auront accumulé de nombreuses richesses, ils adopteront une position libérale communiste.
Les dirigeants des grandes entreprises mondiales, qui sont les premiers à adopter des pratiques déloyales, créent des fondations et se gargarisent de leur charité. Ils agissent sans scrupules d'une part, abusent de leur pouvoir, et tentent par ailleurs de réduire les inégalités dont ils sont les créateurs.
Les seconds, pour compenser leurs désengagements, feront preuve par exemple d'une grande générosité avec leurs proches. Ou bien ils pratiqueront la décroissance, ils choisiront de consommer peu mais resteront dépendant de l'état. Disposant de beaucoup de temps libre, ils s'impliqueront beaucoup pour leur quartier.
Dans un cas, comme un autre, ces personnes pourraient être félicitées pour leurs actions charitables, sociales et citoyennes. Mais il ne faut pas oublier, que c'est par leurs agissements premiers, par le rôle dans le développement des concurrences déloyales, que la société souffre et qu'elle a donc besoin d'actions correctrices.
Pour se protéger de ces deux concurrences déloyales il existe une solution: les bannir en amont. Ne pas accepter qu'elles existent dans notre environnement social et économique.
Mais ceci n'est possible que dans des situation particulières.
Sources
www.ccfd-terresolidaire.org
Encarts de cet article
Vivre au Bhoutan
Le Bhoutan est un pays où on peut à peine fumer, parce qu'il n'y a pas de marchands de cigarettes. Lorsqu'on est stressé la seule solution est la méditation. On ne peut passer des heures et heures devant la télévision tout simplement parce que ça n'existe pas. Le premier indicateur national est le bonheur intérieur brut, le bonheur national et non pas la production. Le troc est beaucoup pratiqué.
C'est un pays que l'on pourrait qualifier d'arriéré, cependant il existe des initiatives nouvelles. C'est un pays où les concurrences déloyales n'existent guère.
" D'abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, ensuite ils vous combattent " Gandhi
Ecopol, en tant que création ex-nihilo, sera un lieu vierge de toute concurrence déloyale. Créé à partir de rien, mais sur de bonnes bases pour se développer de manière saine et durable, Ecopol est une forme de resistance non violente.
Le saviez-vous?
Un autre chiffre qui est significatif nous est donné par une des fondatrices du projet Ecopol, Marie Jane Berchten, qui a été responsable administrative d'une des sections régionales de la lutte suisse contre le crime organisé: c'est qu'un mouvement financier en dessous de 10 millions échappe à la surveillance des banques. Donc typiquement, quelqu'un qui va faire de nombreux mouvements financiers de quelques centaines de milliers de dollars ou d'euros va passer en dessous du radar des malversations financières que les banques vont spontanément signaler. En résumé, il suffit donc de morceler en plein de petits morceaux pour passer ce qu'on veut. Et ça c'est fréquent. Et typiquement on a là un exemple où les concurrences déloyales sont très fortes.