Les netizens et la culture libre
Un peu partout dans le monde, la question de l'absentéisme électoral semble indiquer que l'on est moins citoyen qu'auparavant. Et si les citoyens, face au manque de confiance en leurs représentants politiques, commençaient en réalité à s'exprimer différemment, notamment par la cybercitoyenneté ?
Pour mémoire, Internet a été imaginé par les militaires américains pour des questions de sécurité. Le concept: un réseau reposant sur un système décentralisé, afin de pouvoir continuer à fonctionner malgré la destruction d'une une ou plusieurs machines. Ce système décentralisé permet aujourd'hui aux citoyens de trouver et de diffuser toutes les informations utiles, tel un émetteur radio. Est alors apparu une nouvelle citoyenneté, la citoyenneté numérique. Cette nouvelle catégorie de citoyenx "augmentés" s'appelle les netizens.
Dans son sens premier, un netizen ou un cybercitoyen (ou netoyen) est un acteur du réseau Internet impliqué dans ses aspects citoyens, sa dimension culturelle et participative : démocratie électronique, intelligence collective, communauté virtuelle...
Netizen est un mot-valise issu de la contraction anglaise de net (abréviation d'Internet) et de citizen (qui signifie citoyen). En 1992, l'universitaire américain, Michael Hauben, évoque ce mot et voit dans l'émergence d'Internet la possibilité donnée aux internautes de davantage s’engager ou d’intervenir dans les grandes questions du monde, de pouvoir se rendre utile au niveau planétaire.
Plus récemment, avec l’arrivée des réseaux sociaux, netizen perd son sens militant pour celui d’utilisateur éclairé du net, connecté à d’autres netizens qu'il s'est choisis.
D'une manière générale, grâce à l'arrivée d'internet, le monde voit émerger une nouvelle forme de conscience citoyenne qui a bien compris la puissance de l'outil internet.
Source : Wikipédia.
Sommaire
Citoyens du Net ou la culture du Libre
L'émergence de ce nouveau mode d'expression civique est notamment décrite dans un livre participatif Citoyens du Net librement accessible sur www.netizen3.org. Ce livre wiki permet de mieux cerner l'opportunité du numérique pour l'expression citoyenne.
La citoyenneté numérique promeut (et met œuvre!) la liberté d'expression ainsi que le droit des générations futures à accéder à des conditions de vie décentes et convenables. Les netizens engagés, qui incarnent cette culture, appliquent déjà un système de gouvernance éthique qui a bien pris conscience de l'impact positif des licences libres comparé aux licences privées.
Le notion de bien commun fait partie de la culture informatique, parce qu'un logiciel que tous les experts peuvent améliorer est plus sûr, plus performant, plus durable qu'un logiciel développé par un groupe limité d'informaticiens. Ce n'est pas un hasard si la majorité des serveurs Web utilise désormais GNU/Linux. Qui dit serveur Web dit obligation de qualité, donc le plus souvent... logiciel libre. Les netizens ne sont pas les seuls à reconnaître l'utilité du logiciel libre. Militaires et missions spatiales les utilisent aussi pour des questions de sécurité. Ces derniers font finalement confiance à l'intelligence des foules pour garantir la pérennité de ces outils.
La communauté du libre fonctionne selon les principes suivant :
- La citation des sources (ce que j'écris a été dit/écrit par untel)
- La culture de l'hyper-objectivité (être au plus vrai, sans prendre parti)
- La non-discrimination radicale (les mêmes droits pour tout le monde)
- La certification par les pairs (je valide ce qui est fourni par un autre)
- La hiérarchie de contributions, plutôt que la hiérarchie de statut
- La culture de la modération, où chaque proposition peut être remise en question
- La gestion citoyenne des bases de données, pour partager les patrimoines d'informations
- Les limites de l'autopromotion (faire sa propre pub)
Parmi les mots-clé de la citoyenneté numérique : culture du don, copyleft, slow info(information durable et non immédiate), coopétition (et non compétition), netiquette (règles de conduite et de politesse), sagesse des foules (culture wiki)...
Une nouvelle gouvernance est à l’œuvre
Dans l'Europe médiévale, la connaissance était réservée à une toute petite minorité de privilégiés.
C'est avec l'invention de l'imprimerie, au xve siècle, que tout s'accélére. Plus nombreux, moins coûteux, les livres font progressivement fait l'objet de traductions qui les rendent plus accessibles.
Le partage des connaissances trouve aujourd'hui dans Internet son média d'élection. Avec le Web, ce sont toutes les classes sociales, toutes les nationalités, tous les âges qui peuvent avoir accès à une somme d'informations gratuites et infiniment étendues. La circulation des connaissances n'est plus contrôlée par un petit nombre d'érudits : elle est dynamisée par la masse des internautes, sans restriction.
Le numérique a révolutionné notre conception du savoir et du partage de l'information. Les encyclopédies telles que Wikipédia ou Ékopédia sont l'illustration parfaite de cette nouvelle compréhension du savoir : chacun peut en bénéficier et surtout y contribuer. Plus précise et exhaustive que jamais, l'information est universellement disponible. L'irruption d'un média aussi innovant a sur la société des répercussions multiples et fondamentales.
La contribution permanente de netizens engagés (par exemple 100 000 contributeurs pour Wikipedia pour 400 millions de pages vues par jour) a permis la mise en place spontanée d'un nouveau fonctionnement social, basé sur l'entraide et le partage, sur le nivellement des différences sociales et sur la relativisation des distances géographiques. Elle autorise un partage du savoir détaché des questions de religion, de couleur, de sexe, de nationalité ou encore de classe sociale.
À nouvel outil, nouvelles compétences, qui se conjuguent volontiers en simultané. Ainsi l'expertise technique qui permet d'éditer une page dans un wiki s'enrichit-elle de la compétence sociale ainsi mise en œuvre, déployée dans un écosystème d'intelligence collective par interaction et confrontation de vision. Dans le même temps, le respect de règles d'éthique aide à prendre conscience de l'importance de chacune de nos actions.
ENCADRE Ne rejetez pas, soyez.
Voici une anecdote autour de Jello Biafra, chanteur, politicien et militant écologiste américain.
Lors d'une conférence, quelqu'un lui demande:
"Que pensez vous d'Internet, vous qui dénoncez la globalisation sauvage et destructrice, par une minorité, abusant de la majorité?".
Il répondit:
"Ne rejetez pas le média, devenez le média".
Par extension, on peut dire:
"Ne rejetez pas Internet, devenez Internet".
Devenez les citoyens de cet environnement, dit numérique, dont les propriétés fondamentales, les fondements, les principes de fonctionnement sont profondément équitables, justes, durables, respectueux de l'environnement, de l'être humain et d'une économie basée sur l'équité des chances, sur l'éthique, et non sur la loi du plus fort.
Au delà des médias et d'Internet, on peut appliquer cet art de "comprendre profondément une démarche", un écosystème, un environnement jusqu'à l'"incarner". Cette manière de percevoir les choses nous amène à évoquer la notion de gourous.
Pourquoi "gourous"?
Parce qu'au sein d'un écovillage, d'une écoville, la notion de communauté est profondément présente. Celle-ci fait appel à la nécessité de rester objectif, de garder les idées claires, de ne pas perdre le nord. Ne pas perdre le nord renvoie à l'origine profonde de la notion de "gourou". Chacun peut devenir Internet, devenir le média, devenir ce citoyen actif. Il est possible de devenir le gardien de la cohérence dans un groupe, de devenir celui qui sait où est le nord, qui réussit à se repérer, à s'orienter et à se mouvoir, de manière autonome, et de façon juste, en sachant en tous temps où il va.
Un mot sur la culture wiki
Le livre que vous êtes en train de lire est un pur "produit wiki"! Il a associé une cinquantaine de participants pendant les trente mois de sa co-rédaction.
Le wiki est un type de plate-forme web créée pour que tout le monde puisse y participer. Une trace des contributions de chacun reste visible et un système de contrôle participatif doté d'un outil d'alerte évite le vandalisme (destruction d'information, détournement d'idée, publicité déguisée). Les Wikis peuvent notamment servir à définir notions et mots-clés comme dans une encyclopédie, mais leur usage est plus étendu encore. Il peut ainsi s'appliquer à un projet commun à un groupe donné, comme l'élaboration d'une lettre, la diffusion d'une pétition, la rédaction d'un livre ou d'un mode d'emploi, l'écriture d'un manifeste ou d'un scénario de cours.
Le wiki le plus connu est l'encyclopédie Wikipédia, lancée par la fondation Wikimédia, elle-même à l'origine de nombreux autres projets : images sous licence libre(wikicommons), citations (wikiquote), etc. Ce livre fait appel à ces ressources.
Mais au fait, que veut dire le mot "wiki" ? Il est dérivé de l'adjectif hawaïen "wikiwiki", qui veut dire "rapide", mais pas au sens où nous l'entendons en premier lieu (celui de la célérité), plutôt au sens de libre et passe-partout, simple et informel. En d'autres termes, une info wiki est aisément accessible sans chemin prédéfini. La revue The Economist a pour sa part évoqué le fait que le mot wiki est l'acronyme de « What I Know Is » (littéralement : « Ce que je sais est » ou « Voici ce que je sais »).
Ces dernières années sont apparus de nombreux projets concurrents ou complémentaires de Wikipédia. Même s'ils ne bénéficient pas de la même notoriété, certains d'entre eux sont tout aussi intéressants et très utiles à la culture participative et citoyenne qui se développe sur Internet. Parmi ces initiatives, Ekopédia, qui fait partie des bases documentaires sur les pratiques durables
Un dernier conseil : partout où vous passerez, prenez le temps de lire les modes d'emploi. Le wiki est le royaume des chevaliers qui savent lire.
Parmi les netizens, on compte aussi les hackers
Les hackers et les crackers (hacker qui s'infiltre dans les systèmes) représentent deux familles d'informaticiens très astucieux. Ils passent ainsi beaucoup de temps à s'« auto-former » aux programmes logiciels en démarrant souvent très jeunes, stimulés par la dimension ludique du numérique. Ils sont en majorité des promoteurs du logiciel libre, du partage du savoir, et de la culture netizen.
Les fondements du hacking sont issus du célèbre Massachusetts Institute of Technologies - MIT, où un groupe d'étudiants en mathématiques travaillant au développement de l'informatique en 1960 a établi un code d'éthique du hacker à partir de l'observation des besoins de leur travail, notamment celui de partager le savoir pour améliorer les capacités de l'ordinateur. Cette éthique comprend 6 règles :
- L'accès aux ordinateurs - et à tout ce qui peut nous apprendre comment le monde marche vraiment - devrait être illimité et total,
- L'information devrait être libre et gratuite,
- Méfiez-vous de l'autorité. Encouragez la décentralisation,
- Les hackers devraient être jugés selon leurs œuvres, et non selon des critères qu'ils jugent factices comme la position, l'âge, la nationalité ou les diplômes,
- On peut créer l'art et la beauté sur un ordinateur,
- Les ordinateurs sont faits pour changer la vie.
Face à l'évolution de nos sociétés, deux nouvelles règles ont été rajoutées à la fin du siècle dernier :
- Ne jouez pas avec les données des autres,
- Favorisez l'accès à l'information publique,protégez le droit à l'information privée.
Les hackers découvrent des astuces pour améliorer les logiciels, comme un jardinier qui embellit un parc grâce à son savoir-faire. Ils contribuent à régler des problèmes informatiques qui concernent souvent des millions d'internautes. Ils s'investissent sans compter les heures, parfois bénévolement, pour la beauté de l'acte et le plaisir d'avoir trouvé la solution au problème qu'ils ont identifié. Ils restent le plus souvent inconnus hors de leurs communautés virtuelles. La majorité appartiennent pourtant à une nouvelle espèce d'anges gardiens, qui facilite l'accès de tous au cyberespace.
A ne pas confondre parmi les crackers :
- Les crackers bienveillants (« white hats », symbolisés par un chapeau blanc). Leur ambition est le plus souvent d'identifier les failles de sécurité d'un réseau, comme un biologiste traquant les virus pour anticiper les épidémies. Lorsqu'ils trouvent une faille de sécurité, la majorité des crackers contactent les responsables des programmes et se proposent de les aider à la réparer en utilisant leur expertise.
- Les crackers malveillants, pirates dangereux (« black hats », symbolisés par un chapeau noir). Seuls ceux qui entrent dans cette catégorie peuvent être désignés comme des « pirates à combattre ». Ils réussissent parfois à entrer dans une base de données et dérobent des numéros de cartes de crédit ou prennent le contrôle de messageries. Ils sont effectivement des dangers publics, mais représentent peu ou prou moins de 1 pour 1 million des hackers.