Les entrepreneurs sociaux

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ESS, but non lucratif, richesse sociale, incubateurs, investissements


La possibilité de générer un profit, pour soi ou des actionnaires, se paye souvent au prix fort dans l'entreprise privée : stress au travail, plans sociaux au détriment des salariés, risques multiples de faillite, bénéfice net souvent rare ou peu élevé pour les petits entrepreneurs. On comprend pourquoi beaucoup de chefs d'entreprise changent actuellement de point de vue : certains préfèrent s'orienter vers une activité utile aux autres et durable, quitte à générer un salaire plus modeste, mais suffisant pour vivre.
Selon la définition couramment admise, les entrepreneurs sociaux sont des individus qui apportent des solutions nouvelles à des problèmes pressants de société. Ils identifient des approches innovantes pour résoudre des situations qui apparaissaient souvent insolubles. Ces entrepreneurs ont la capacité de concilier l’approche économique avec des objectifs sociaux. Cependant, cette capacité n'annule pas nécessairement la tension qui existe entre les objectifs sociaux et les objectifs économiques.
L'entrepreneuriat social désigne toute initiative privée dont la finalité sociale est supérieure ou égale à la finalité économique (lucrativité).
C'est le cas, par exemple, des entreprises détenues par des fondations (comme Victorinox, le célèbre fabricant de couteaux suisses, ou Weleda, fabricant suisse de cosmétique naturel).

Quand l'impact social prime sur les retombées économiques...

Au fur et à mesure du développement de l'entrepreneuriat social, les acteurs ont été amenés à coopérer au sein de réseaux, comme le réseau Ashoka par exemple.
Lancée en Inde en 1980 par Bill Drayton, qui a popularisé le terme d’entrepreneur social, Ashoka - organisation sans but lucratif, laïque et apolitique - est le plus grand réseau d’entrepreneurs sociaux existant. Son objectif est de faire émerger un monde où chacun est capable d’agir rapidement et efficacement pour répondre aux défis sociétaux.
« Le secteur social a besoin de structures équivalentes aux "fonds de capital-risque", capables d’identifier et d’accompagner les Entrepreneurs sociaux innovants pendant la phase de développement de leur activité », explique Ashoka. L’approche choisie est celle du "capital-risque philanthropique". Ashoka "investit" dans les entrepreneurs sociaux, qu’elle sélectionne pour leur projet innovant et leurs qualités entrepreneuriales, tout en attendant un "retour sur investissement" qui est social et non pas financier. Ce "retour" se calcule en fonction de l’augmentation de l’impact que les entrepreneurs sociaux ont sur la société. Source : ashoka.org

Agents du changement

Les entrepreneurs sociaux sont les plus courageux d'une plus grande famille, celle des agents du changements, an anglais change makers. Ces derniers incarnent la transition vers cette économie nouvelle sans nécessairement être créateur d'entreprise sociale. Sans être initiateur ou leader d'une entreprise, les agents du changement contribuent significativement à transformer le potentiel de l'organisation au sein de laquelle ils oeuvent en un véritable moteur de performance au quotidien, tout en restant focalisé - précision essentielle ! - sur la dimension humaine et le bien commun.

Une bonne part des agents du changement sont "sécurisés" financièrement, dans le sens où ils ont un contrat d'emploi fixe, sans obligation de résultats pour toucher un salaire. Ce sont donc des intrapreuneurs sociaux, c'est à dire des employés avec un comportement d'entrepreneurs et de fortes valeurs sociales, qui sont en quelque sorte des "infiltrés" au sein même des entreprises. Ange gardien, facilitateurs ils en font plus que leurs collègues, sans attendre de retour financier supplémentaire. Leur mérite est d'essayer de faire évoluer les pratiques dans un contexte pas forcément très propice. L'intrapreneur social propose des innovations à but non (ou peu) lucratif, mais qui va souder les collaborateurs, améliorer l'image et la qualité de travail de l'entreprise, planter des graines qui porteront leurs fruits à moyen et long terme. C'est par exemple le cas d'un cadre qui parvient à créer une section microfinance ou un fonds de solidarité au sein d'une grande banque ou d'un grand groupe commercial. Plus largement, c'est le cas de tout personne qui propose à sa direction un changement dans la gestion courante servant les intérêts de la société en général, facilitant par exemple le partage d'information et la cohésion sociale, au détriment de la compétition aveugle et des stratégies visant le rendement à (très) court terme, qui dominent trop souvent.

Néanmoins, si les porteurs de projets peuvent être sincères dans leur engagement, la direction de l'entreprise, elle, peut se saisir de ces innovations pour redorer son image. Après le "greenwashing", le risque de "social washing" n'est pas très loin. Il n'empêche que l'intrapreneuriat social témoigne d'une évolution des pratiques ou tout au moins d'une prise de conscience.

Parmi ces agents du changement, on trouve toute une large palette de déclinaisons d'activités pour un monde meilleur. Par exemple, les managers de la complexité. Alors que les entrepreneurs sociaux sont souvent spécialisés dans un domaine ou concentrés sur une thématique, les complexity managers (voir article Les gestionnaires de la complexité) sont des généralistes de la gestion transversale sur tout type de problématique, capable d'agir sur divers domaines et ainsi d'influer en profondeur sur des décisions clés, souvent en coulisse.