Focus sur une action réussie : ''la maison Mobutu''
Occupation, politique, international, écovillages
En 2001 : Mobutu connexion, une action politique ponctuelle pour semer l'avenir.
L'équipe de Smala occupe la maison que possédait le dictateur Zaïrois Mobutu près de Lausanne. Objectif : que l’argent détourné par les dictateurs à travers le monde et planqué en Suisse soit restitué et versé sur les comptes en banque des gouvernements concernés en vue d’assurer le développement des peuples ainsi spoliés.
Isidore Raposo relate alors nos propos dans le 24Heures :
« “Cette maison est inoccupée depuis plusieurs années. Ce que nous voulons, c’est que le dix pour cent du produit de la vente revienne directement au peuple congolais”. Cette revendication, la Smala l’a d’ailleurs formulée depuis le mois de mai auprès des autorités fédérales… Sans obtenir de réaction de leur part. Les occupants exigent que cet argent soit consacré à la construction d’écoles, de centres de santé, à la création de bornes internet communautaires et à des entreprises de type social. “Nous avons l’intention de rester jusqu’à dimanche et nous invitons le public à découvrir le musée des dictatures. Les portes sont aussi ouvertes aux artistes qui désirent montrer leurs œuvres”, lance le porte-parole de la Smala en guise d’invitation.»
Nos collègues au Congo, rencontrés dans nos projets Nord-Sud, reproduisent notre longue lettre au conseil fédéral et publient au Congo un appel dont voici un extrait :
« La bataille n’étant pas encore gagnée, la lutte continue. Nous relayons ce message pour que les congolais de la R.D.C. prennent conscience de l’ampleur du problème et s’investissent avec détermination et énergie afin de faire aboutir positivement ce dossier ».
Il est amusant de noter que 10 jours après cette brève occupation, Théo Bondolfi représentait Smala dans le tour du Brésil des innovations sociales, sur les traces de Paolo Freire, le fondateur de la théologie de la libération. C'était une invitation du bien nommé Réseau mondial des Pionniers du Changement.
Surprise : le 13 septembre 2010, par 114 voix contre 49, le Conseil National a adopté une loi pour que les fonds détournés des dictateurs ne puissent plus retomber en mains criminelles [1]. La chambre des sénateurs avait déjà donné son aval en juin 2010. Cette nouvelle loi est quasiment similaire aux propositions innovantes faites par Smala en 2001. Bien sûr, les impulsions furent nombreuses, sans lien avec Smala qui ne mène pas d'actions de lobbying dans les couloirs du parlement, et en aucun cas nous ne pouvons nous attribuer seuls ce crédit. Le sénateur Luc Recordon fait partie des grands artisans dans ce vote. Au fond, en osant pénétrer symboliquement dans cette maison le temps d'un week-end, nous avons initié le débat, fait les gros titres, ouvert une brèche, sans prendre trop de risque ni réellement compliquer quoi que ce soit. Ce fut aussi peut-être un des nombreux grains de sable qui contribua à remettre en question le secret bancaire et l'impunité de la criminalité en col blanc en Suisse.
Dès 2002 : on décide d'aller aux sources de cet art de vivre, d'aller à l'école. Á force de métissage, de confrontation entre nos rêves et les réalités de la société, nous avons commencé à entendre parler du mouvement des écovillages. Avec Internet, on découvre un monde qui nous parle, des expériences qui nous inspirent, on se sent proche d'eux. Alors nous visitons quelques-uns des fleurons du réseau mondial des écovillages comme Torri Superiore, Findhorn et Auroville, ainsi que les premiers écoquartiers. Nous louons même des bus pour visiter en équipe des écolieux, suscitant des vocations similaires dans notre région auprès d'autres groupes d'écoquartier, agenda 21, etc... Nous découvrons les points communs avec nos démarches – c'est très inspirant.
Les écovillages, ce sont les seuls lieux qui, comme les maisons Smala, incluent logement, animation socioculturelle et incubation d'entreprises sociales. Ils ont beaucoup à nous apprendre. Nous découvrons aussi avec intérêt qu'à force de déménager et de devoir recréer partiellement la dynamique de groupe, sur certains aspects, nous avons aiguisé nos méthodes et réussi à prévenir de nombreux problèmes structurels qui freinent ou bloquent la dynamique de groupe dans ces lieux visités.
Par exemple, chez Smala, il n'y a pas de bénévolat obligatoire. Nous appliquons le principe de payer d'abord pour le nettoyage des espaces communs, et c'est seulement après avoir nettoyé qu'on demande à être payé. Nous stimulons très activement la réalisation de toutes les prestations par des co-habitants, pour éviter de dépendre de prestataires externes et pour que l'argent reste entre co-habitants. Cela favorise la convivialité et la connaissance mutuelle. A ces fins, nous définissons le profil des personnes ayant la priorité sur les locaux vacants en fonction des prestations pour lesquelles nous avons des budgets.
Plus largement, bien que nos valeurs soient humanistes et que certains nous qualifient d'idéalistes, nous avons appris à gérer des fonds publics, par obligation de survie, à devenir de relativement bons managers et à faire valider nos rapports par des audits externes. Nous avons aussi des modèles de contrats immobiliers ou de travail relativement plus solides que d'autres éco-lieux, qui fonctionnent 100% à la confiance. Nous, nous sommes à 90% confiance et 10% contrôle.
Notes et références
- ↑ Source : Le Courrier du 14 septembre 2010