Le mot de la fin
De nombreux groupes de scientifiques tirent la sonnette d'alarme depuis les années 1970 déjà. Club de Rome, GIEC, Prix Nobel, réseaux du forum social mondial... Leur message commun : la planète est trop polluée, l'humanité va payer un prix très fort, sa survie est plus ou moins en jeu, notre mode de vie actuel n'est pas soutenable, les pays développés ont donné de mauvais exemples de développement, l'émergence des pays anciennement "en développement" augmente le risque.
Les personnes qui ont pris le temps de se documenter, de creuser un peu le sujet, - probablement vous qui êtes en train de lire ces lignes - se retrouvent avec en même temps un beau défi stimulant pour le changement sociétal, et avec une certaine conscience de la lourde responsabilité face aux générations futures. Il devient évident que la revitalisation de nos habitats ou la création d'écolieux sont de bonnes réponses.
Que faire alors ? Rejoindre une communauté intentionnelle ? Encourager les villages ou villes en transition ? Participer à la création d'un écoquartier ? Si toutes ces initiatives sont bonnes, quelle est la plus pertinente et efficace pour répondre aux urgences globales à l'échelle locale ? Bien sûr, cela dépend du contexte. Néanmoins, force est de constater que chacune des démarches décrites dans ce tour du monde des écolieux contient des points faibles et des points forts. Ecopol est donc une tentative de réunir tout les points forts, et d'éviter tous les points faibles. Les principaux points faibles ou freins que l'on rencontre dans les projets d'écologie communautaire sont :
1. L'inertie sociale face aux changements de pratiques.
Si des pionniers éclairés proposent aux habitants d'un village, d'une ville ou de n'importe quelle communauté locale de faire évoluer un ensemble de pratiques rapidement, d'accepter des petites ruptures dans les règles socio-économiques existantes, de nombreux freins au changement s'expriment.
Un lieu nouveau est une bonne solution, car les pionniers peuvent définir les bonnes pratiques avant que les habitants ne s'y installent. On évite ainsi l'écueil très important des situations, très fréquentes, où des gens pensent : j'ai adopté telle ou telle bonne pratique écologique, mais voyant que j'étais minoritaire dans mes pratiques, j'ai réduit mon engagement, car je ne veux pas faire plus d'efforts que les autres. Je trouve que c'est trop démotivant de me contraindre à des pratiques plus difficiles que celles de la consommation à courte vue, car mon entourage social et professionnel a moins d'éthique écologique que moi, et je ne veux pas être le dindon de la farce.
Dans un lieu labellisé Ecopol, l'offre nouvelle n'intéresse au début que peu de gens, car elle demande un peu plus d'effort, mais elle est profondément durable. Elle génère de la confiance chez ceux qui l'expérimentent. Elle permet un développement rapide sans trop de blocages, car les règles sont claires dès le début : recyclage profond, participation accrue, communications interne et externe cohérentes et denses, formation continue pour tous... Cette politique du démarrage de zéro génère un fort potentiel de multiplication : au début très peu de lieux labellisés Ecopol, mais après quelques (dizaines d') années, un large déploiement est possible.
2. La difficulté à justifier des décisions.
Pourquoi le recyclage de 100% des déchets est-il si important ? Pourquoi le nucléaire est-il un réel problème 100% d'énergies renouvelable ? Pourquoi utiliser des logiciels libres améliore la qualité de la vie humaine ? Pour éviter des débats interminables, nous avons opté pour la trace des débats dans l'esprit wiki. Car chaque débat, même s'il reste ouvert à des modifications, peut avoir une base solide avec des références scientifiques relativement peu discutables, des preuves que les choix effectués dans le label Ecopol sont faiblement subjectifs et fortement objectifs, réalistes, justifiés. C'est là qu'internet, bien utilisé, devient essentiel à mettre au cœur du processus de gouvernance d'un écolieu. Or utiliser internet, pour la gestion participative des règles et des décisions, est un aspect relativement nouveau pour les écolieux. C'est un élément qui est au coeur du label Ecopol.
3. La difficulté de cultiver l'esprit d'écologie communautaire.
Au début d'un projet d'écolieu, les co-habitants sont tout feu tout flamme, mais une fois installés, les déceptions sont nombreuses. Comment éviter que les déceptions n'amènent les cohabitants à se limiter à des relations de bon voisinage, comme c'est le cas dans la plupart des coopératives d'habitation créées depuis les années 1990 ? C'est un grand défi. La solution proposée avec le label Ecopol est plus complexe, mais néanmoins formalisée.
Tout d'abord la période d'essai. Elle dure six à dix-huit mois, elle évalue la résistance aux déceptions, la résilience des habitants. Contractuellement et humainement, cette période d'essai peut être en casse-tête en soi. Nous avons développé des mécanismes d'aide à l'intégration et au déménagement si cela s'avère nécessaire.
Ensuite, la mixité profonde : sociale, culturelle, professionnelle, économique. Seul point commun essentiel : croire dans les valeurs et pratiques décrites dans cet ouvrage. Les co-responsables du lieu doivent bien choisir les personnes qu'ils acceptent, en évaluant leur relationnel, leurs réalités personnelles, et en privilégiant avant tout les personnes ayant déjà un parcours d'entrepreneurs sociaux. Eux ont déjà l'habitude de cultiver naturellement l'écologie communautaire. Et eux sauront aussi comment aider les nouveaux arrivants à devenir progressivement co-responsables de l'écolieu, en y cultivant la qualité de vie.
Enfin, l'incubation de micro-entreprises, permettant aux habitants de se voir dans un cadre de voisinage, mais aussi de prestations de services. Cohabiter ET cohabiter, c'est un risque, mais le jeu en vaut la chandelle. Car une fois passée la phase d'apprivoisement, dans laquelle les nouveaux arrivants cherche à trouver une place équilibrante pour eux et pour la communauté, la dynamique peut devenir réellement exceptionnelle. Elle peut ainsi inspirer les pratiques du quartier, de la région, et celles d'autres écolieux émergents.
Rendez-vous pour le tome 2 !
Vous désirez vous lancer dans l'aventure de la création d'un écolieu ? Ou en savoir plus sur nos outils d'accompagnement ? Nous vous donnons rendez-vous dans le deuxième tome de cet ouvrage. Il sera consacré aux aspects techniques. Quelles sont par exemple les options que nous privilégions en matière de gouvernance participative à l'ère d'internet, en matière de gestion des achats ou d'aide à la création de micro-entreprises ? Vous disposerez, dans la suite de ce livre, d'une synthèse des moyens, savoirs-faire et méthodes mis en oeuvre pour assurer la viabilité d'une communauté écologique labellisée Ecopol. D'ores et déjà, vous pouvez vous rendre sur le site http://wiki.ecopol.net, où cet ouvrage est déjà en cours d'élaboration. |