Le choc informatique et le choc du futur

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 Avant l’info… »)
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Dans cet article, l’objectif est d’expliquer comment les besoins en Communication ont progressivement mieux été remplis grâce à l’électronique. 


Avant l’informatique, l’information était une ressource rare. Avant l’informatique, pour copier une information (une musique, un texte, une image), il fallait des technologies mécaniques très coûteuses avec toute une équipe pour s’en occuper. L’imprimerie, la radio, la télévision, toutes ces technologies modernes utilisaient l’électricité pour fonctionner, mais uniquement sous une forme mécanique. Donc le partage d’information était plus difficile au 20e siècle qu’au 21e siècle. Je dis bien le partage. Car pour simplement accéder passivement à une information sans interagir, c’était du domaine du possible assez facilement, surtout avec ces fabuleuses technologies de la Communication que sont la Radio et la TV. Mais pour pouvoir diffuser ses propres infos, c’était au mieux le journal local (d’étudiant, de quartier, de groupement social ou culturel), et souvent par oral. A l’époque, il était difficile de toucher des personnes ayant des centres d’intérêts communs sans dépendre d’un émetteur unique. Prenons 3 groupes aux centres d’intérêts très différents : - les responsables des stocks dans les entreprises - les collectionneurs de papillons - les parents d’élèves
 Vous croyez que c’était facile pour eux de trouver la bonne info rapidement ? Plus ils souhaitaient être dans le coup par rapport à leur centre d’intérêt (personnel, professionnel, social…), plus ils devaient investir d’argent pour accéder aux informations, et les redistribuer. A l’époque, les rédactions des journaux, des radios et des TV jouaient un rôle social de type religieux : si c’est la radio qui le dit, c’est que c’est vrai !

Lorsque l’information et les réseaux électriques s’accouplent, ils font des bits. Puis dès les années 50, des pionniers de l’informatique réussissent à créer des machines à calculer très rapides. Ils ont trouvé un truc. Ils découpent les informations en très petits morceaux. Par exemple, une image de photo passeports ou un texte poétique seront découpés en 100'000 petits morceaux d’informations. Ils appellent ces morceaux des « bits ». Et ils font circuler ses morceaux (alias Bits) sur des cartes où sont gravées des réseaux électriques miniatures, qu’ils appellent des circuits électroniques. Les bits ne peuvent faire qu’une chose : indiquer s’ils sont un morceau d’information allumé ou éteint, comme un commutateur pour la lumière à l’entrée de votre maison. Cela suffit pour que l’image soit « numérisée » : une image devient un assemblage de bits positifs et neutre. Rien de négatif là-dedans. Ainsi cette image est décomposée en millions de commutateurs allumés ou éteint (des bits) par une machine à calculer. Puis ces bits sont gravés sur un support (une disquette par exemple), afin d’être redistribués et recomposés en l’image initiale sans perte de qualité. Cette copie de l’information peut s’effectuer en nombre quasiment illimité à coût grand public. Pour décomposer et recomposer ces informations, il faut un programme de gestion des bits, sorte de marche à suivre : un programme logiciel informatique. Et il faut aussi une pièce électronique appelée processeur, qui va suivre la procédure donnée par le programme logiciel. Bits, processeur et logiciel sont quelques-unes des principales bases des ordinateurs. La science des ordinateurs va s’appeler « systèmes de communication par voie électronique », alias informatique. En anglais, on dit « computer science ».

Cela change un seul petit détail pour l’humanité depuis les années 70 : l’information va se mettre à circuler dans tous les sens à la vitesse de la lumière, sans que cela ne coûte cher. Et ce petit détail va devenir la base de la plus grande mutation des habitudes de l’humanité. : Copier et redistribuer une information devient progressivement possible pour tous, sans contraintes économiques.

Le choc informatique.

Et puis dans les 60’s, l’ingénieur Moore perçoit un phénomène qui va donner naissance à une loi fondamentale de la production informatique : chaque 18 mois environ, la capacité de calcul des ordinateur est multipliée par 2. Cela permet de prédire un avenir radieux à cette science de l’informatique : les machines pourront traiter les données de plus en plus rapidement, avec des machines de plus en plus petites. Au début cela paraissait bien abstrait, mais maintenant c’est assez logique.

Ceux qui ont compris l’impact de la loi de Moore s’en donnent à cœur joie pour annoncer de profond bouleversements de nos habitudes. Martin Ader publie "le choc informatique". Dans ce livre, il annonce les mutations à venir: passage de la mécanique à l'électronique dans toutes les branches professionnelles, réduction du temps de travail, fossé numérique entre connectés et débranchés. Il explique que ces mutations vont avoir une influence majeure sur notre vie quotidienne. 
 Big Blue pour coloniser la planète Bleue. C’est l’entreprise IBM qui concentre a elle seule plus de la moitié des développements informatiques pendant plus de 30 ans (1950 à 1980). Son surnom est Big Blue, la grande bleue. En parallèle l’industrie électronique grand public fait ses débuts, en commercialisant les calculatrices, les facsimilés (qui veut dire « fait pareil », surnommé le Fax ), les montres à quartz (qui traitent des 1 et des 0), les jeux électroniques et autres gadgets dont on rigole aujourd’hui. Plus généralement l’électronique s’installe dans notre quotidien.


Il faut sauver le soldat XYZ C’est là qu’interviennent les militaires, qui, comme tout le monde, ont besoin d’ordinateurs pour mieux gérer leurs opérations. C’est les militaires occidentaux les plus gros budgets pour la recherche. Ils mandatent alors des ingénieurs des universités pour répondre à un besoin très précis. Le mandat est le suivant : nous les chefs de l’armée, nous avons souvent des hommes qui se battent et souhaitent pouvoir communiquer en tout temps. Si l’ennemi coupe nos troupes en deux, par exemple en détruisant un pont, nous voulons pouvoir continuer à échanger des informations de manière décentralisée (de partout), asynchrone (quand on veut, même si on s’échange pas en même temps) et nomade (à chaque nouveau message, on peut l’envoyer d’un autre endroit…).

Manque de bol, les plus grands experts scientifiques sont des pacifistes. Ils créent un outil qui fonctionne tellement bien que lorsque, 20 ans plus tard, dès les années 90, il commence à sortir des académies scientifiques. Il est très rapidement adopté par des centaines de millions d’utilisateurs occasionnels,

Comment est né le mythe d’Internet ? Extrait de monde diplo 2000, article écrit par Armand Mattelart Source http://www.monde-diplomatique.fr/2000/08/MATTELART/14116#nb1 Il y aura surtout le consultant indépendant Alvin Toffler, auteur des best-sellers Future Shock (Le Choc du futur) (1970) et The Third Wave (La Troisième Vague) (1979), à qui il reviendra de « porter aux masses le futurisme », selon l’expression de Time  (9). Cet ancien marxiste a clairement indiqué la fonction opérationnelle des scénarios d’anticipation. Pour éviter le « traumatisme du choc du futur », il faut créer chez les citoyens le désir du futur. L’horizon d’attentes qu’il pronostique est caractérisé par la démocratie interactive, la démassification des médias, la production-consommation, le pluralisme, le plein emploi, la flexibilité. Et, surtout, par la fin du « dangereux anachronisme » de l’Etat-nation et par un nouveau clivage, celui qui mettra face à face les anciens et les modernes, et se substituera à l’opposition entre riches et pauvres, entre capitalisme et communisme.

1980 : le vortex qui inverse les pôles.

Un Vortex, c’est le cœur d’un tempête tourbillonnante. Cela peut complètement modifier l’état énergétique de ce qui le traverse. Or il semblerait bien que l’espèce humaine ait traversé un vortex en 1980, à l’insu de son plein gré.

Comment se fait-ce ? Justement en rentrant dans l’ère de l’informatique, cela a provoqué une grosse tempêtes conceptuelle, qui a rejailli sur nos quotidiens. Deux pôles solides de nos croyances sont inversés brusquement, tel un choc électro-magnétique.

Première inversion : alors que le partage du savoir était limité par la matière, il devient illimité, grâce à l’électronique qui permet de le copier sans frais matériels. Les flux financiers notamment s’accélèrent très vite, et les grandes fusions des économies transnationales aussi. Pour être performant commercialement, il faut être toujours plus gros, pour contrôler les mouvements de ressources avec l’informatique, nouveau centre de puissance.

- Seconde inversion : on croyait que les ressources naturelles étaient illimitées. Pétrole illimité, eau potable illimitée, air illimité univers illimité, capacités des hommes illimitées, et tout d’un coup on commence à se heurter à l’infiniment grand et à l’infiniment petit. Oui, il reste de nombreux espaces à explorer. Mais nos ressources naturelles et nos territoires, qui paraissaient illimités, sont en fait limités, cela devient un fait accepté par la communauté scientifique.

Albert Jaccard parle d’un passage du monde infini au monde fini.

Plus généralement, on commence à parler de changement de croyances (du monde infini au monde fini, des ressources illimitées aux ressources limitées). Or les croyances sont justement les bases des paradigmes. Et les paradigmes sont générateurs de Cultures. Une culture étant un répertoire de solution à des problèmes et des passions à un certain moment dans une certaine région.

Et les prophéties de « choc du Futur » paraissent de moins en moins saugrenues. Réaction de l’humanité, qui vraisemblablement n’était pas prêt : l’économie de la panique s’installe dans une société non plus de consommation mais de surconsommation. Les humains, principalement les citadins occidentaux, consomment des ressources à un rythme plus fort que la terre ne peut leur en fournir. Et se désengagent de leur rôle de citoyen. La majorité perd pied, une minorité exploite ces faiblesses face aux mutations pour verrouiller le pouvoir en moins de 20 ans (1980 – 2000). C’est la génération Big Brother.

En marge pour mesurer cette empreinte que laisse l’humanité, un nouvel indicateur est créé dès la fin des 60’s, pour remplacer l’indicateur de croissance (le PIB) qui devient obsolète. Cet indicateur, c’est l’empreinte écologique, qui prend en compte l’impact indirect de nos activités sur terre, afin de calculer les vrais effets de nos actes à long terme. L’empreinte est écologiquement positive si globalement on consomme les ressources à un rythme de moins de 100%. Elle est négative si c’est plus de 100%. On plante un arbre : hop, l’empreinte baisse. On brûle du kérosène pour les avions : hop, l’empreinte augmente. Les citadins occidentaux, qui ont tous un frigo un ventilo et une voiture, sont les plus gros pollueurs. Ils sont aussi ceux qui utilisent le plus les ordinateurs pour contrôler le flux d’information.

Chronologiquement :

1960 : 70% d’empreinte écologique, il restait encore une marge avant d’atteindre le seuil critique.

1980 : 100% d’empreinte, aucune marge, la grande inversion des pôles se produit. A cette époque, un poète visionnaire comme Gil Scot Heron écrit « the revolution will not be televised ». Il n’avait pas tort, car il semble que cette révolution n’ait pas été très médiatisée, et pourtant nous la vivons au quotidien, et nous avons pas encore vraiment réagi à cette nouvelle donne.

1990 : 200%, rythme de consommation 2 fois trop fort par rapport aux ressources disponibles. A Rio de Janeiro en 1992 est adopté la notion de développement durable, et le droit aux générations futures s’installe dans nos cerveaux comme une question de société.

2000 : 300% , rythme de consommation puissamment destructeur (on consomme la planète à crédit, mais a-t-on de quoi rembourser ?).


La polarisation et la convergence, les 2 effets du vortex.

Avec l’avènement de la Société de l’Information, tout devient plus complexe, car il y a transition d’une vision du monde infini à une vision du monde « fini », d’un mode de vie basé sur le contrôle par la matériel à un mode de vie basé sur le contrôle de l’immatériel. On parle d’anciens et de nouveaux paradigmes. Car les paradigmes génèrent des cultures, des habitudes. Pour gérer cette complexité, il y a notamment 2 phénomènes sont en actions : la polarisation et la convergence.

La polarisation, c’est la focalisation des énergies sur quelques éléments. Cette focalisation que l’on trouve dans les fusions des grandes multinationales, ou dans le fait que tous les médias présentent tous les mêmes informations : les mêmes guerres, les mêmes accidents, quel que soit le réseau d’information. La convergence dans ce contexte, c’est la concentration des outils. Par exemple, le téléphone portable incluant appareil photo, instrument de musique, agenda. Par exemple, le fait que le même groupe de personne contrôle en même temps le gouvernement et le réseau d’information d’un pays.

Polarisation et convergence sont des réponses à un monde toujours plus complexe. Car dans la société informatisée, ceux qui ont un grand contrôle sur l’information gèrent les ressources : les statistiques de consommation, les opinions des citoyens, définition des normes de production et d’utilisation des biens et services… C’est pourquoi la fracture dite « numérique » est surtout une fracture « sociale ». C’est une fracture entre d’un côté la minorité « oligarchique » qui a beaucoup d’argent pour acheter beaucoup des services d’E-Communication très évolués, et ainsi contrôler les ressources selon des méthodes complexes, et de l’autre côté une majorité qui n’a pas les moyens de gérer cette complexité ; une minorité qui souffre de la polarisation et de la convergence, en paniquant, se refermant, subissant la société de consommation et les médias qui la véhicule.