Conte des Mille et Un Projets
Il était une fois au bord de la mer, dans un pays tropical, un pôle international d'écologie communautaire. C'était une petite ville à taille humaine de quelques dizaines de milliers d'habitants. Des nationalités de tous les continents y étaient représentées; Europe, Amériques, Afrique, Asie, mais surtout, c'était un brassage culturel particulièrement vivant. On y parlait plusieurs langues, il y avait chaque semaine des activités artistiques très variées; musique du monde, projection de films documentaires sur des réalités d'ici et d'ailleurs, produits exotiques à manger, habillement très varié, etc. Les races, cultures et religions y cohabitaient pacifiquement. Ils gagnaient leur vie en vendant des services de formation, d'accueil de public pour des séminaires, de remotivation de cadres d'entreprises ayant perdu des racines avec la terre, mais aussi des activités locales de recyclage des déchets de leur région, de construction de maisons avec des matériaux écologiques et d'écoles professionnelles pour les jeunes de la région. C'était un lieu d'apprentissage permanent des choses de la vie et où la créativité était foisonnante.
Un jour, l'un d'eux eu le projet de construire un arbre des traditions. Il réunit autours de lui une dizaine d'amis et ils lancèrent un appel mondial pour recevoir des livres de seconde main que les bibliothèques s'apprêtaient à détruire. Une fois les milliers de livres arrivés dans l'Ecopol, ils obtinrent l'autorisation des autorités de la région de construire une armature en bois d'une centaine de mètres de hauteur qui avait la forme d'un arbre. Ils y mirent des escaliers et une terrasse panoramique en haut du tronc, là d'où partaient les différentes branches. Ils nommèrent chaque branche selon une grande tradition de notre planète; traditions orientales, traditions africaines, traditions amérindiennes, traditions celtes, traditions greco-romaines et subdivisèrent ces grandes branches en sous branches. Ils pavèrent ensuite toutes ces branches de livres. On marchait sur des livres pour monter les escaliers, on s'asseyait sur des livres sur la terrasse panoramique. On pouvait même descendre dans un sous-sol où on voyait les racines de l'arbre des traditions qui elles-aussi comprenaient des racines avec des traditions plus anciennes comme la culture des pharaons d'Egypte et la culture des pyramides Maya. Chaque tradition était documentée pour expliquer simplement l'origine et les spécialités de chaque tradition. Ecopol devint ainsi petit à petit connue loin à la ronde comme un lieu à visiter grâce à son arbre des traditions.
Un autre écopolien monta le projet d'une rencontre annuelle entre artisans pionniers des énergies renouvelables et industriels des énergies. Il avait constaté que le problème principal des pionniers était non pas leur peur de se faire voler des idées mais leur incapacité à négocier correctement et sous une égide institutionnelle des accord permettant que les technologies pionnières soient utilisées avec cohérence et en respect des valeurs qui les avaient animés. Le projet consistait à favoriser un environnement propice au commerce équitable. Il eut beaucoup de succès. Chaque année ce n'était pas un nombre exceptionnel de personnes qui se réunissaient mais c'était des projets de qualité qui portaient des fruits durables qui se développaient dans une culture où tout le monde sortait gagnant. Les pionniers acceptaient d'être accompagnés par des coordinateurs de développement économique de l'Ecopol en qui ils avaient confiance et comme ces coordinateurs avaient une culture industrielle parce que leur écolieu n'était pas uniquement artisanal mais était géré de manière informatisée avec tout une structure économiquement solide, ils parlaient le même langage que les industriels et pouvaient être des articulateurs entre ces deux mondes. Ils participaient ainsi à la réconciliation entre monde et société.
Un autre écopolien eut l'idée de lancer une radio communautaire et il organisa une grille de programmes donnant la parole à toutes les composantes de l'Ecopol: un programme pour que les nouveaux arrivants puissent se présenter, un programme du soir avec les spectacles en live, un programme du matin avec les opportunités de cours et formations, un programme de présentation de nouvelles manières de faire, de nouveaux arts de vivre et comment coopérer dans l'Ecopol, des programmes chaque heure avec les nouvelles urgentes, opportunités de travail ou de transport, avis de changement de programmes et toutes les autres activités qui permettent à chacun de vivre à son rythme. Le tout était entrecoupé de musique du monde et de reprises des meilleurs moments musicaux des concerts qui s'étaient déroulés dans l'Ecopol ainsi que d'Interviews de personnalités qui étaient venue. Il nomma cette radio le coeur d'Ecopol car c'était elle qui à sa manière donnait un rythme. La radio fut rapidement doublée d'une web-TV dont la particularité était qu'elle ne diffusait que des informations produites par les écopoliens ainsi que des documentaires et permettait ainsi de faire office de programme éducatif. Les écopoliens écoutaient cette radio en récoltant les fruits et légumes dans les champs, en accompagnant les bêtes dans les pâturages, en préparant les repas dans la cafétéria, en construisant et nettoyant les maison, en entretenant les jardins. Nombreux étaient aussi les écopoliens de l'extérieur qui n'habitaient pas sur place mais qui pour rester en contact écoutaient cette radio, source d'inspiration pour leur activité.
Un autre était passionné d'alicamentation. Il considérait que la meilleur manière de se soigner était de travailler à la racine en adoptant une alimentation particulièrement saine. Il se concentra sur la boulangerie et la pâtisserie. Il voyagea et trouva un boulanger qui produisait des pains au levain sans levure chimique. Ses pains pouvaient être conservés presque une semaine. Ils étaient composés de sucres lents qui faisaient du bien au corps et leur goût était délicieux. Il trouva aussi un couple de pâtissiers qui confectionnaient des pâtisseries en remplaçant le sucre par du sirop d'agave et les produits laitiers par des produits au goût similaire mais bien meilleur pour le corps comme le tamarin. Il invita ces deux artisans à venir transférer leur savoir-faire dans l'Ecopol en y passant un trimestre à cohabiter et coopérer avec les écopoliens. L'initiateur du projet appris l'art de la boulangerie et de la pâtisserie saine et durable et il impliqua plusieurs jeunes qui créèrent un site, une microentreprise dans le domaine. Ils se mirent à fournir du pain et des pâtisseries non pas que dans l'Ecopol mais pour de nombreux hôtel, restaurants et maisons de la région. Un autre écopolien était convaincu qu'il était possible d'organiser un service de transport lent. Il eut l'idée d'acheter trois bus qui partaient de l'Ecopol et faisaient chaque jour un long trajet en direction des grandes villes de la région. Ces bus ne fonctionnaient qu'à l'énergie solaire avec un petit peu d'aide d'huile végétale de recyclage en cas de grosse pluie. Il roulait à maximum 40 km/H ce qui à priori était un gros défaut. Mais l'initiateur du projet avait trouvé la parade: il avait mis à l'intérieur de ses bus un coin tables pour que les gens puissent discuter et un coin lits pour que les gens puissent faire de longues siestes. De plus, il avait installé une très bonne connexion Internet sur le toit des bus permettant aux voyageurs de traiter leurs e-mails tranquillement pendant le voyage. Enfin, c'était aussi lui qui livrait le pain, les pâtisseries et de nombreux autres produits de l'Ecopol aux clients de la région.
De nombreux autres projets se mirent à éclore sous l'impulsion des entrepreneurs d'Ecopol (à compléter): espaces de recyclage des matériaux de construction; fabrique de céramique basée sur des dessins d'enfants; signalétique pédagogique avec des petites pancartes que les visiteurs d'Ecopol pouvaient acheter et mettre chez eux pour encourager au tri des déchets, au comportement respectueux dans les espaces publics, à la compréhension interculturelle; olympiade écologique régionale associant sport et développement durable avec des sports permettant à toute personne non sportive de pratiquer une activité en équipe faisant du bien au corps et respectueuse de l'environnement; restaurants et hôtels sous forme de cabanes dans les arbres de la forêt tropicale avec chemins en lianes pour les relier les uns aux autres, etc.
Aucun de ces projets n'était entièrement nouveau. Ils étaient juste inspirés, adaptés et alimentés par l'intelligence collective des écopoliens. Au total ce fut symboliquement 1001 projets qui furent développés, tous créatifs, concrets et basés sur des connaissances préexistantes reconnaissant les auteurs d'origines et ne faisant qu'amplifier, clarifier et valoriser les idées déjà existantes. Et c'est ainsi que l'Ecopol gagna progressivement ses lettres de noblesse d'incubateur de 1001 projets écologiques. Ainsi interconnectés aux autres projets de la planète les écopoliens vécurent heureux et eurent beaucoup de nouveaux projets.