Les espoirs d'Auroville, Findhorn et Damanhur
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Parmi les expériences les plus représentatives, qui étaient au départ des communautés intentionnelles et spirituelles, on retient Auroville, Findhorn et Damanhur. Ces trois écovillages se sont progressivement affirmés et développés, jusqu'à devenir des références sur les plans sociaux et environnementaux.
Voici une brève description de trois écovillages emblématiques, au regard de leur ampleur et de leur histoire. Ils sont des sources d'enseignement importantes pour toute personne intéressée par les écolieux.
Sommaire
Auroville, la « Cité universelle »
Plus de 1 700 Aurovilliens, venant des quatre coins du monde, vivent dans cet écovillage du sud-est de l’Inde. Constitué d'une vingtaine de petits hameaux, qui sont autant de laboratoires de l’écologie sociale, il accueille toutes les générations, toutes les classes sociales et toutes les cultures.
On doit la création d'Auroville à Sri Aurobindo, un des compagnons de lutte de Gandhi. Ce fils de maharajah se retrouve très jeune nommé par les Anglais à la tête d'un Etat, dans les années 1930. Au pouvoir, sa sagesse l'amène à se rebeller pour protéger le peuple qu'il administre. Emprisonné, il écrit sa vision d'un monde plus juste. Libéré, il passe les dernières années de sa vie près de Pondichéry (seul comptoir français d'Inde). Une fois l'Inde libérée en 1948, il y obtient un bout de terre aride. Avec sa compagne française nommée La Mère, ils initièrent ce projet avec une identité internationale affirmée, un lieu pour une humanité réconciliée.
Auroville fut officiellement inaugurée en 1968, quelques années après la mort de Sri Aurobindo, dans une célébration mémorable. Des adolescents de plus de 100 pays du monde s'y retrouvèrent pour mettre dans un pot commun un peu de terre de leur pays. Cependant, ni La Mère, ni son entourage n'ayant une grande expérience en gestion de dynamiques communautaires, aucun plan concret pour gouverner cette ville en devenir ne fut formalisé à l'époque. La spiritualité et les valeurs partagées importaient plus à leurs yeux que l'administration de cette micro-société au quotidien.
Ci-dessous, la maquette d'Auroville, imaginée sur le modèle d’une galaxie. Elle n'a jamais été réalisée, à cause de l'anarchie qui régnait au début (anarchie aussi au sens « créatif et autonome du terme », pas seulement « manque de coordination »), car les pionniers ont vite créé des petits hameaux dans les coins où ils refrîchaient. C'est cet urbanisme organique qui a dessiné la forme actuelle d'Auroville.
Image 9 bis images d'auroviliens https://www.dropbox.com/s/8n6tcjbknizvbc8/Image9bis-Aurovilliens.jpg?dl=0
Cette lacune en matière de gestion n'a pas empêché d'y faire de grandes choses avec le temps. Les premiers habitants ont reforesté cette terre de 10 km2. On y trouve des lieux de formation, de vie et de production de tous les domaines. Des stages et ateliers y accueillent des dizaines de milliers de visiteurs et d'étudiants chaque année. Après quelques mois ou années d'intégration progressive, chacun peut prétendre y devenir citoyen.
Notons aussi une curiosité administrative exceptionnelle, héritage de Sri Aurobindo : le territoire d'Auroville a été directement rattaché à l'administration de la capitale fédérale de New Delhi, située à plusieurs milliers de kilomètres. Ainsi, Auroville dispose d'une relative indépendance administrative pour encadrer ses activités sociales, culturelles et économiques. La police et l'éducation y sont indépendante de l’Etat du Tamil Nahdu, c'est une enclave autonome. C'est pour cela que dès ses débuts, ce fut un lieu où de nombreuses graines qui ne germent que rarement ont pu prendre racine. On peut notamment citer :
- la propriété collective de la terre, bloquant toute spéculation immobilière et permettant aussi une créativité architecturale rare ;
- une dynamique éducative innovante, créative, mélangeant les inspirations de Montessori, Steiner, Freire et tant d'autres ;
- la création de nombreux centres artistiques autogérés par les Auroviliens, co-animés par des intervenants du monde entier ;
- une production artisanale connue mondialement, notamment pour ses jeux éducatifs en bois, crèmes de soins corporels, papyrus, encens...
Dès 1966, l’UNESCO a voté une résolution unanime le recommandant comme projet d’importance pour le futur de l’humanité, donnant de ce fait son plein encouragement, mais aussi une crédibilité.
Findhorn
Nous allons tenter la visite de cet écovillage en mode « vécu de l'intérieur », en 4D. Pour y parvenir, tout d'abord un petit exercice : massez-vous la nuque, faites une pause, respirez !
Et hop ! Imaginons que nous arrivons à Findhorn. Après un long trajet en train, sortons du taxi qui nous a pris à la gare, valise à la main. Le temps est maussade, frais mais pas glacial. Lumières pâles et joyeuses à la fois, naturelles, douces, brumeuses. Nous sommes près de l'océan, au nord de l'Ecosse, près du Gulf Stream qui régule la température sur terre et maintient cette région à une température quasi permanente entre 5 et 20 degrés. Une vieille base aérienne juste à côté, beaucoup de vélos sur le parking, des sculptures partout, des petits sentiers, des caravanes et des maisons recouvertes d'herbes. C'est Findhorn. Sourire !
A droite, l'enseigne du magasin Phoenix. Entrons dans cette grande boutique hétéroclite. Les odeurs s'emmêlent : saumon bio, festival de fromages, cookies sans gluten, crème d'humus et boisson au kéfir, spiruline... Au rayon suivant se mélangent livres de témoignages et de recettes (sur l'Ayuasca, les voyages astraux, la cuisine vegan), films sur les cultures traditionnelles en Afrique, jeux en bois, poterie, bijoux, sacs, cartes de vœux, bougies, tissus... Beaucoup de stimuli pour le corps et l'esprit !
Mais payons vite car le temps presse, nous sommes attendus pour le séminaire de démarrage du projet collaboratif SIRCle[1]. Direction la cantine communautaire au centre du village, les petits escaliers en bois qui nous mènent dans la tour, une salle de rencontre lumineuse. Immédiatement, nous sommes accueillis à bras ouverts par les délégués de chacun des partenaires de ce réseau européen. Accolades, yeux qui brillent. Nous sentons la profonde chaleur humaine de ces agents du changement, aux chemins de vie atypiques et courageux, venus partager leur expérience et joindre leurs forces.
IMAGE 9 - Findhorn https://www.dropbox.com/s/jnb6qyixzzy22bf/Image9-Findhorn.jpg?dl=0
Nous nous immergeons dans la dynamique du groupe, dans l'esprit des lieux. Tours de tables pour le premier contact, puis un plongeon dans le défi du projet avec la projection de schémas clés de gestion de la complexité, où se mêlent processus, étapes et méthodes innovantes pour accompagner les changements de pratiques. Enfin, jeux créatifs pour souder l'équipe et relever des défis. Nous explorons ainsi un large éventail de scénarios d'apprentissage.
Objectif pédagogique du projet : co-élaborer puis diffuser une nouvelle formation appuyée par 100 formateurs à l'échelle européenne pour favoriser des dynamiques communautaires durables, qui réussissent à dépasser les problèmes structurels pour entrer dans un nouveau mode de vie, inspiré par des lieux comme Findhorn :
- Public bénéficiaire : entrepreneurs sociaux et personnes défavorisées, à faible revenu, en quête de sens et d'avenir ;
- Nombre de partenaires : 9, dont l'institut de la communauté Smala pour la Suisse, qui développe ce label Ecopol, un des outils possibles pour ce cursus ;
- Durée : 36 mois, 2014-2017, puis le réseau devra devenir autonome ;
- Financement : plus de 450 000 € de l'agence Européenne pour la Culture, l'Education et l'Audiovisuel (EACEA) soit environ 18 000 € par an et par partenaire, plus les fonds propres des partenaires, qui sont impliqués en partie bénévolement, signe que nous y croyons au-delà de l'intérêt économique.
Fin de journée. Des buffets de légumes (et des desserts pour les gourmands) nous invitent au repas communautaire. Discussions passionnées, beaucoup d'écoute, de connexions.
Rentrons au quartier visiteurs. Nous dormons maintenant bien au chaud, dans un des deux lits superposés de cette petite chambre. Avant de nous endormir, rappelons quelques chiffres clés de Findhorn en 2015 :
- Plus de 300 personnes sur plusieurs sites ;
- Une association des artisans et commerçants ;
- Plus de 50 ans d'activités d'écologie communautaire ;
- Une doyenne, Dorothy, qui donne encore des conférences à 94 ans ;
- Et des milliers de participants à des formations chaque année.
Nous tombons de sommeil. Zap. Nouvelle transition. Nous rêvons des origines de Findhorn. Etait-ce les années 40 ou 60 ? Un hôtel ? Un jardin ? Des histoires de légumes gigantesques ? Ou de communication avec les esprits de la nature ? Ou de traitement de l'eau par les plantes, avec le succès de la première installation phyto-épuration, la fameuse « living machine » de Findhorn ? Ou de statut consultatif dans une agence de l'ONU ? Un peu de tout ça en fait.
Au début, ils étaient trois amis. Comme d'autres groupes précurseurs d'un nouveau mode de vie, leur histoire oscille entre telenovela et fresque sur une épopée magnifique. Une histoire aux multiples rebondissements avec ses passions, ses débats d'idées, ses élans de solidarité et ses replis sur l’ego, ses ouvertures au monde et ses jeux de pouvoir, sa sobriété heureuse et ses excès malheureux, ses erreurs et ses enseignements. Mais surtout cette capacité de retomber sur ses pattes malgré les problèmes, de rebondir, de refaire surface, ces dynamiques qui sont les fondements mêmes de la résilience. Par touches d'améliorations successives, ce rêve est devenu réalité.
Jour 2. Nous nous levons à l'aube et traversons le village jusqu'à la salle de yoga pour se mettre en forme. Puis une petite tisane d'herbes locales au café du théâtre, avec petits gâteaux sans gluten. Et c'est reparti pour le groupe de travail du projet SIRCle dans la tour.
Nous sommes une vingtaine dans le cercle. Les caractères se révèlent. Les liens se tissent. Chacun jongle entre plusieurs fonctions, rôles et activités. Tour à tour, nous nous retrouvons à co-animer une mini-session du module « transition vers la résilience » que nous devons perfectionner ensemble pour mieux la diffuser ensuite ; certains vont donner un coup de main pour la vaisselle du restaurant communautaire ; préparer le lancement d'un site web pour le projet ; transcrire les notes de séance d'oral à écrit ; publier et diffuser les documents réalisés collaborativement ; revoir les aspects budgétaires et pédagogiques du dossier de base ; s'entendre sur la définition de notions-clés au cœur du projet, comme « learning pattern » ou « entrepreneur social ».
C'est ça, gérer la complexité. Chacun à son rythme, nous essayons d'adopter un code de conduite commun sur les aspects collaboratifs de notre quotidien et du projet, avec une grande liberté d'adaptation.
En complément, certains méditent, d'autres répètent un petit numéro musical, préparent un diaporama, coordonnent d'autres projets à distance par courriel et téléphone. Une vraie ruche créative.
Fin d'après-midi, visite de l'hôtel à Cluny, où tout a commencé pour Findhorn : il existe, ce n'était pas qu'un songe. Balades dans les jardins ; en plein automne, il reste des légumes bien juteux. Nous pouvons constater que la permaculture[2],ça marche.
Quelques jours plus tard : présentation des résultats. Spectacle semi-improvisé. Nous écoutons ensuite l'effet sur l'audience. Des jeunes partagent avec nous leurs difficultés à trouver une place qui les mettraient à l'aise dans la vie socio-professionnelle. Ils nous remercient de notre engagement. Il y a de l'émotion dans l'air. Des entrepreneurs sociaux, qui participent à un autre cours qui a lieu en parallèle au nôtre, nous donnent leurs conseils d'amélioration de notre communication, et de sa déclinaison dans leurs réseaux. Ça fourmille d'idées. Puis c'est la fête, la danse. Et dodo.
Le lendemain, c'est le retour. Difficile de partir sans avoir organisé un petit crochet vers la plage. Sinuant dans la pinède, de rue en rue, nous marchons loin, croisant les ateliers d'artisans, les bureaux de la maison d'édition de l'écovillage, passant devant les grandes éoliennes, jusqu'à la plage. Les galets sont disposés avec délicatesse dans divers cercles et formes symboliques. Certains sont peints en bleu ou ocre. Un lieu de recueil, de connexion et de réflexion.
Bye bye Findhorn, à la prochaine fois !
Damanhur
Après l’Ecosse, nous voici en Italie. Primée en 2005 par les Nations Unies comme modèle pour un futur durable, Damanhur[3] est une écosociété qui s'illustre par le thème Art et Spiritualité. Fondée en 1975, il y a quarante ans, elle est devenue aujourd'hui une fédération de 25 communautés, un modèle assez unique auquel adhèrent environ 1 000 citoyens. La fédération occupe quelques 400 hectares de terrains, dans la Valchiusella et dans la zone du Haut Canavese, au pied des Alpes piémontaises. On lui doit la reforestation de 15 km2.
Damanhur organise des formations et des événements tout au long de l’année. A chaque saison, on peut y effectuer des visites plus ou moins longues : des séjours d’étude, de vacances ou de régénération. Entre 100 et 200 personnes par an viennent s'essayer à un stage de 3 mois (environ 500 € mensuels) dans l'idée, peut-être, de s'installer. 40 % de ces stagiaires prolongent ainsi l'expérience avec « l'année d'essai ». Au terme de ce temps d'intégration, ils pourront prêter un serment d'humanisme et devenir citoyen de Damanhur.
La fédération s'est dotée d'une constitution, qui fonctionne comme une charte. A travers la solidarité, le volontariat, le respect de l’environnement, l’art, l’engagement social et politique, Damanhur promeut la culture de la paix et un développement équilibré.
D'un point de vue économique, Damanhur a établi un système d'échange qui fonctionne comme une monnaie complémentaire, un thème de plus en plus à la mode que Damanhur a déjà largement expérimenté. L'écovillage publie un quotidien et des revues, et dispose d'ateliers d’art, d'un centre de recherche et d’applications médicales et scientifiques, d'une université libre et d'écoles pour tous les âges.
Damanhur collabore avec divers réseaux et organisations internationaux engagés dans le développement social, civil et spirituel de la planète.
Etablis sur deux communes italiennes, ses membres se sont impliqués dans la vie politique municipale, en y prenant la tête, tout en poursuivant la cohabitation avec des citoyens n'ayant pas choisi le mode de vie proposé par les résidents de Damanhur.
La coexistence de divers modes de vie s'avère donc tout à fait réaliste, y compris au niveau de l'administration publique d'une commune. Mais au sein de leur communauté, ils se retrouvent autour des rituels où ils célèbrent la Nature et l'Homme, une culture commune où la spiritualité s'exprime dans l'hommage aux éléments naturels, et bien sûr dans l'art.
Conseils pour votre première fois dans un écovillage
Pour vous ou vos connaissances, qui êtes déjà sensibles à l'écologie et à l'altermondialisme, vous qui consommez local et bio, triez vos déchets, optez pour des thérapies naturelles, et souhaitez vous immerger dans un écovillage, voici quelques pistes pour trouver votre chemin.
Tout d'abord, à la différence d'un hôtel, vous serez amenés à être acteur du lieu, donc a priori la relation ne sera pas uniquement vous, consommateurs et les résidents fournisseurs de service. La relation est donc à créer, à ciseler sur mesure, en fonction de vos capacités à interagir, échanger. Ces conseils s'appliquent aussi aux autres types de communautés intentionnelles, écologiques ou non.
Préparation avant d'arriver :
- Visiter le site web de la communauté, pour se faire une idée de leur vision, intention, situation, et leur lien avec le GEN ;
- Chercher à connaître le nombre d'habitants, pour se rendre compte de l'ampleur (et donc de la diversité sociale) du lieu ;
- S'offrir du temps, prévoir une vraie immersion pour bien comprendre la démarche. Donc au moins 10-20 jours, pas juste quelques heures ou un week-end, même si une courte visite de premier contact est mieux que pas de visite du tout ;
- Avoir déjà fréquenté un ou deux écolieux de sa propre région, pas nécessairement une communauté, un écocentre de formation ou un écoquartier, afin d'avoir déjà des références locales pour mieux évaluer l'écovillage et s'y positionner ;
- Penser à prendre des objets qui représentent vos liens avec l'économie solidaire, en matériaux naturels (coton plutôt que polyester, cuir plutôt que plastique) et prévoir quelques biens et services à partager ; cela peut être des films documentaires sur un disque dur, des jeux, livres, instruments de musique, des produits faits maisons ou de votre terroir ;
- Ne pas considérer qu'échange signifie absence de paiements monétaires, car les écovillages sont des lieux pionniers dans lesquels il est important d'aider aussi financièrement au début, pour s'intégrer ;
- Eviter d'y amener des habits et objets représentatifs de la société de consommation (T-shirt avec logos de marques par exemple) ;
- Essayer d'arriver au moment d'activités publiques annoncées sur le site web, ou de commencer par un stage ou un cours, c'est plus facile ;
- Les revenus des écovillages provenant souvent des locations de logements pour des cours, si vous avez peu de moyens financiers, choisir la saison basse, hors des périodes de vacances scolaires, ainsi vous trouverez plus facilement un logement et des habitants disponibles, ou alors vous proposer comme volontaire par courriel.
Conseils une fois sur place :
- Mieux vaut arriver avant le soir, en pleine lumière, pour voir les lieux, faire des premiers contacts, prendre ses marques ;
- Souvent à votre arrivée vous serez reçus comme dans un hôtel, avec un comptoir d'enregistrement, mais vous ne serez pas considérés comme un consommateur, plutôt comme un partenaire, qui doit parfois être patient (ce sont souvent des volontaires peu expérimentés à l'accueil) ;
- Globalement, la patience et la générosité sont magnifiques, l'entraide est réelle, vous pouvez vous présenter à toute personne inconnue, poser des questions, expliquer que vous venez d'arriver, demander des conseils sur les us et coutumes, les contacts sont fluides ;
- Il est possible d'apprendre beaucoup en observant ; par exemple, dans pas mal d'écovillages, chacun lave son plat même s'il a payé pour son repas, on n'applaudit que rarement en frappant ses mains mais plutôt en les secouant en l'air (moins bruyant, plus doux) ;
- A la différence d'un « centre » (de rencontre, de vacances, de formation) dans lequel les interlocuteurs sont employés et donc parlent à l'unisson, les écovillages sont des lieux de diversité d'opinions et de sensibilités, donc les membres de communautés ne parlent que rarement au nom du groupe ; à chaque nouveau contact, il s'agit de créer la confiance, de tisser un lien unique, de remettre en question son regard sur la démarche, rien n'y est entièrement acquis ;
- Comme partout, les relations peuvent être imparfaites, difficiles à interpréter, il est donc bon de ne pas avoir trop d'attentes au début, mais plutôt de se laisser porter par le courant tout en papillonnant un peu pour découvrir diverses ambiances, dynamiques, réalités du lieu ;
- Même si vous ne comprenez pas tout de suite le sens de certaines règles, il est utile de rester patient et calme ; par exemple, à Damanhur, sur les places publiques, il est interdit de fumer, même à l'extérieur, et pour une personne fumeuse, cela peut être difficile de se contraindre à marcher 5-10 minutes pour s'en griller une, mais si c'est le prix à payer pour de bonnes relations, pourquoi pas finalement ?
- Certaines personnes y exposent des croyances ou pratiques qui peuvent être au-delà des limites de votre acceptation, mais aucune personne n'est jamais contrainte de participer à un quelconque rituel ou de payer pour quoi que ce soit ; la diversité des croyances y règne, donc sur ce point aussi, pas de motifs pour s'emballer, il suffit de savoir mettre ses propres limites tout en restant ouvert à essayer parfois des conférences ou séances de groupes (méditation, danses...) sur des thèmes ou dans des ambiances inconnues, par curiosité et pour sentir avant de juger ;
- Un écovillage vit au rythme de réunions, fêtes, célébrations de toutes sortes. Il est utile de chercher à participer à ces moments inspirants, même si certains sont réservés aux résidents permanents ;
- Certains aspects de l'écologie technique peuvent paraître insuffisamment traités, par exemple trop de voitures privées, pas assez de tri de déchets, un certain gaspillage peut être constaté, et sur ce point aussi c'est une démarche imparfaite ;
- Les repas sont souvent végétariens voire vegan, ce sont presque toujours des buffets donc il est assez facile de s'adapter à la cuisine du lieu, et si besoin il n'est pas interdit d'apporter des sardines ou salami bio dans ses bagages ou de faire une sortie au restaurant du coin ;
Il y a souvent surdose de projets, d'idées, d'activités. Aussi arriver avec des idées peut être contre-productif au début, mieux vaut écouter, participer à ce qui existe déjà, et lentement trouver sa place ;
Enfin et surtout, il est toujours bienvenu de se proposer pour donner un coup de main (au potager et à la cuisine notamment), même si parfois, au début, le manque d'encadrement des volontaires peut démotiver. Une fois entré dans la danse du quotidien de l'écovillage, l'intégration devient bien plus facile, naturelle.
Les pionniers ont besoin de critiques constructives
Les écovillageois osent pratiquer des modes de vie plus durables. Pour trouver leur chemin, ils ont dû nager à contre-courant. Ils ont souvent pris le risque de s'éloigner (voire d'être exclus) de leur famille de sang, de leur travail sécurisé, de leur réseau social, parce que leur manière d'être n'était pas « normale ». On peut les trouver maladroits, (sou)rire de leur faible impact sur la planète, voire ne pas y aimer certaines attitudes, règles, méthodes qui s'y pratiquent. Mais il est bon de se souvenir que des insuffisances, des excès et des déviances existent dans tout type de société, et particulièrement dans les grandes organisations centralisées comme les multinationales et les administrations publiques, qui sont pourtant « la norme » en ce début de XXIe siècle. Aussi, même si vous y vivez mal certaines situations, si certaines relations qui s'y tissent vous paraissent malsaines, injustes, inacceptables, pourquoi se concentrer sur ces défauts plutôt que de voir la grande source d'espoir qu'elles représentent ?
Ce qui est sûr, c'est qu'en tant que pionniers, les écovillageois sont à respecter et à traiter avec délicatesse, car ils montrent qu'un autre monde est possible et ils ont besoin avant tout d'encouragements. Ils devraient être capables de recevoir des suggestions d'améliorations, des ressentis, des feedbacks modérés et bien ciblés. Ce n'est pas toujours facile de formuler ses critiques de manière aussi constructive, mais c'est possible.