Prérequis immobilier

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La non-spéculation immobilière fait partie des conditions préalables nécessaires pour lancer un Ecopol ; une clé de succès indispensable, selon nous, au bon développement d'un projet d'écologie communautaire. Le terme à connaître est « Maître d'Ouvrage d'Utilité Publique » (MOUP). Les MOUP visent à sortir les biens immobiliers de la spéculation et à maintenir les loyers à des tarifs abordables.

Les MOUP sont généralement constituées en coopérative. L'autre entité juridique possible d'une MOUP est la fondation ; cette forme est parfois choisie pour pouvoir accueillir des publics spécifiques : foyers pour jeunes sans soutien parental, seniors, personne avec handicaps…

Les MOUP représentent entre 1 % et 10 % du patrimoine immobilier dans le monde, selon les pays. Elles furent initiées dès la fin du XIXe siècle par des fédérations ouvrières de cheminots, postiers, mécaniciens, mineurs, avec l'appui de syndicats et plus tard de fonds de pension des institutions publiques. C'est une des magnifiques avancées de l'économie solidaire depuis le début du XXe siècle, et étant donné la crise immobilière et financière en ce début de XXIe siècle, les coopératives se développent bien actuellement.

Avec le temps, les Etats ont codifié précisément les conditions d'octroi de prêts d'argent pour les MOUP à des taux inférieurs au marché, stimulant ainsi l'accès à des logements abordables.

Les plus largement répandues restent les coopératives d'habitations, dirigées par des gestionnaires aguerris proposant des loyers à prix abordables (marché libre, aides parapubliques modestes possibles), modérés (aides publiques régionales diverses négociées au cas par cas) voire à prix subventionnés (aides publiques conséquentes contre le contrôle de l'attribution du bail par les autorités publiques ayant subventionné).

Les Habitations à Loyer Modéré (HLM) construits pendant les Trente Glorieuses (1950-1980), souvent par des MOUP, en sont l'exemple le moins stimulant, une étape pas trop réussie de l'écologie communautaire, car ces bâtiments sont non seulement des gouffres énergétiques, difficiles à rénover, mais surtout ils ne sont que peu organisés pour favoriser les liens entre voisins. La vie en HLM est souvent une vie de ghettos de pauvres en banlieues, avec les explosions de violences périodiques largement médiatisées et que l'on connaît.

Inversement, dans la catégorie « MOUP inspirantes », les plus innovantes incluent aussi progressivement les habitants dans la réflexion sur le vivre-ensemble. On parle alors notamment de coopérative d'habitants. Elles sont dirigées par celles et ceux qui vivent dans les immeubles propriétés de la coopérative, considérés comme un seul ensemble pour une coopérative d'habitants.

Nous soulevons ici un autre point intéressant et relativement nouveau apporté par Ecopol et certaines autres coopératives d'habitants : selon nos expériences, si les MOUP sont contraintes (par les autorités publiques les soutenant pour l'achat immobilier) de signer un bail de durée indéterminée dès le premier jour pour obtenir des aides financières publiques, cela peut créer un coût indirect conséquent pour la société.

En offrant à un nouvel arrivant dans un habitat coopératif la certitude de pouvoir rester quelles que soient ses contributions à la dynamique du lieu, il est très difficile d'amener progressivement les habitants à coopérer. Pourquoi ? Parce que les voisins généralement imposés à vie (et non pas choisis à la suite d'un essai de quelques mois) ne sont pas forcément des voisins qui vont créer une dynamique collaborative forte. Imposer un bail de durée indéterminée dès le début crée un faible lien social, ne permet pas d'inclure le développement progressif de la démarche EVC130, et donc ne permet pas tellement de réduire les coûts supportés par la collectivité publique en matière de garde d'enfant, de mobilité douce, de santé, de préservation des espèces sauvages...

Aussi, la démarche Ecopol encourage une approche mixte, où experts de l'immobilier coopératif et cohabitants collaborent de manière consensuelle, en acceptant tous les fonds publics et privés aidant le projet immobilier non spéculatif, sans imposer aux co-fondateurs du lieu de signer un contrat de bail à durée indéterminée avant la fin de la période d'essai des nouveaux arrivants.

Notons enfin un phénomène montrant que des prérequis d'immobilier éthique et participatif sont déjà culturellement bien déployés : dans divers pays de par le monde, la plupart des banques ouvrant des crédits hypothécaires à des coopératives immobilières acceptent même jusqu'à 5 % d'autoconstruction dans les plans financiers ; cela signifie que 5 % des fonds sont apportés par la coopérative non pas en argent, mais en temps passé par des amateurs éclairés à réaliser les finitions du chantier (peinture, aménagements de jardin, poses de parquets…). Voici une preuve que l'esprit de participation citoyenne à l'écoconstruction commence a être reconnu même par les organismes les plus prudents dans leurs analyses.

Néanmoins, la plupart des MOUP ne déploient que peu de mesures stimulant un vrai vivre-ensemble, le partage d'espaces et de services, ou une vision commune.

Les échanges et coopérations entre MOUP et écovillages du GEN sont d'ailleurs assez rares. Certains écovillages sont des MOUP, comme l'écovillage Sennruetti, avec plus de 100 pièces à vivre, à Saint-Gall (Suisse).

Pour des pratiques durables plus globales, il reste donc à stimuler la gestion de grands espaces communs, de visions communes, d'intention de partage.

Ce qui nous amène à la troisième source d'inspiration, le GEN.