Anthroposophie et permaculture

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Des sciences philosophiques qui traitent de tout, abordent les enjeux humains en profondeur, tout en fournissant des modes d'emplois pour la vie quotidienne, nous n'en voyons que deux ! L'anthroposophie et sa petite soeur, la permaculture. Ces philosophies appliquées peuvent être considérées comme les deux mamelles de l'écologie globale et écosystémique. Elles abordent tous les sujets essentiels de la vie sur terre: agriculture, santé, architecture, éducation, arts, spiritualité... dans une vision large intégrant plusieurs facteurs. La force de ces idées a essaimé dans le monde, constituant un terreau favorable à l'innovation dans tous les domaines.

Il est rare qu'elles soient présentées ensemble, à part dans ce livre et au sein des écovillages justement. La raison est liée aux réalités du monde dans lesquelles elles ont germé : la permaculture entre USA et pacifique, l'anthroposophie en Europe.

Une vision transversale de la réalité

L'anthroposophie est un courant de pensée abordant la place de l'Homme dans la nature dans sa globalité. Pendant la Première Guerre Mondiale, le philosophe austro-hongrois Rudolf Steiner (1861-1925) a réussi à fédérer autour de lui une vaste équipe de chercheurs pluridisciplinaires dans le but de partager les bonnes pratiques en vue de l'édification d'une nouvelle société. Plutôt osé et téméraire en plein conflit mondial, non ?

Ce visionnaire est l'auteur d'une trentaine de livres et de quelques 6 000 conférences, dont une partie furent recueillies et publiées. Le savoir qu'il a laissé est encyclopédique ! Incluant ses œuvres écrites, les recueils d'articles écrits dans des revues et des journaux ainsi que les sténogrammes retranscrits des conférences publiques et privées, l'édition allemande comprend environ 370 volumes.

l'anthroposophie est à l’origine de l’agriculture biodynamique, des courants pédagogiques et d'une médecine homéopathique spécifique. Elle a notamment donné naissance à un réseau d'écoles sur les cinq continents, à un système international de certification de son agriculture dite "biodynamique" (vins, fruits, légumes, élevage...) ainsi qu'à la naissance d'entreprises cultivant une certaine éthique :

  • La gamme de produits de soins Weleda est fabriquée selon ses principes et distribuée dans le monde entier.
  • Née dans le courant des banques éthiques et alternatives européennes dans les années 80, la Nef (Société coopérative de finances solidaires) s’est inspirée de la pensée sociale et économique de Rudolf Steiner. La Nef s’est enrichie depuis des valeurs du mouvement coopératif et de celles de ses 32 000 sociétaires issus de mouvements comme l’économie sociale et solidaire ou l’écologie.

Pour les millions de personnes qui s'inspirent de l'anthroposophie, elle est considérée comme une tentative d'étudier, d'éprouver et de décrire des phénomènes spirituels avec la même précision et clarté avec lesquelles la science ordinaire étudie et décrit le monde physique.

L'usage du terme « science » appliqué à cette démarche a été contesté par certains tenants de la méthode scientifique académique. Néanmoins, l'anthroposophie constitue un puits de savoir-faire exceptionnels et inspire la plupart des actions globales d'éco-vie sur terre, quelle que soit la région ou la culture.

Regard critique et bienveillant

Si la culture anthroposophe est parfois décriée pour divers motifs, y porter un regard critique n'empêche en aucun cas de saluer le travail de pionnier, et de s'en inspirer à plus d'un titre pour les projets d'écologie communautaire. Dans l'éducation, la médecine, l'architecture et surtout l'agriculture, les méthodes et pratiques anthroposophiques ont, à de nombreux égards, largement démontré leur haut potentiel de durabilité, leur utilité sociale et leur viabilité économique.

La culture de la permanence

Moins connue en Europe que dans les Amériques du Nord et du Sud, la permaculture est une manière de vivre et de penser adoptée partout dans le monde par des acteurs d'une démarche écologique globale. On la retrouve dans les écovillages, dans le mouvement des villes en transition, dans le woofing, et bien sûr dans des milliers de petites fermes bio, sur tous les continents.

« La permaculture est une science systémique qui a pour but la conception, la planification et la réalisation de sociétés humaines écologiquement soutenables, socialement équitables et économiquement viables. Elle se base sur une éthique permettant une intégration des activités humaines avec les écosystèmes :

  • prendre soin de la Terre : reconnaître que la Terre est la source de toute vie. Les êtres humains doivent donc s'occuper de la Terre avec respect
  • prendre soin des Etres humains : créer des sociétés où les humains et la planète vivent ensemble en harmonie, notamment par la coopération et le partage
  • distribuer équitablement : veiller à ce que les ressources limitées de la planète soient distribuées de manière sage et équitable. »

Comme méthode systémique, la permaculture a été formalisée dans les années 1970 par les Australiens Bill Mollison et David Holmgren[1]. Le terme Permaculture signifiait initialement agriculture permanente (permanent agriculture), mais il a été rapidement étendu à "culture de la permanence" car les aspects sociaux font partie intégrante d'un système véritablement durable.

Une des innovations de la conception en permaculture est d’apprécier l’efficacité et la productivité des écosystèmes naturels par l’observation minutieuse, et d’en dériver des principes directeurs universels, applicables par tous. La permaculture est caractérisée par une pratique dynamique du savoir, participative, évolutive, vivante, comme la nature. Chaque permaculteur peut développer son propre système de principes. Certains s'ajoutent ainsi à ceux qui font référence (ceux de Bill Mollison et de David Holmgren notamment). Ces principes, dont le nombre limite n’est donc pas fixé, évoluent au fil du temps en fonction de l’affinage des connaissances. Ils constituent une vision et une compréhension du monde que l’on peut avoir à un moment donné et qui accompagne le processus de design tout au long de sa création.

Willie Smits, un cas d'école

En réussissant l'assemblage d'un puzzle écologique complexe, le biologiste Willie Smits a trouvé le moyen de faire repousser à Bornéo une forêt tropicale qui avait été entièrement rasée. Et ce en un temps record, quelques années. Ce faisant, il a sauvé les orangs-outans locaux et a élaboré un modèle passionnant pour remettre sur pied des écosystèmes fragiles. Sa technique : la permaculture. Il raconte son expérience dans une conférence TED. « Willie Smits restaure une forêt tropicale », 425 000 vues sur le site Ted.com

Le design permaculturel

Le formateur anglais en permaculture Patrick Whitefield, suggère qu’il y a deux mouvements de permaculture : la permaculture originelle et la permaculture de design.

  • La permaculture originelle (agriculture permanente) est la conception consciencieuse et la gestion de systèmes agricoles productifs qui possèdent les caractéristiques de diversité, de stabilité et de résilience des écosystèmes naturels. C'est l'intégration harmonieuse de l'homme dans son environnement pour qu'il puisse en retirer ce qui lui est nécessaire, la nourriture, l'énergie, le logement, ou plus généralement tout ce dont il a besoin pour vivre de manière soutenable.
  • La permaculture de design considère les connexions dans un écosystème ainsi que son fonctionnement, et en dérive des principes d’efficacités énergétiques applicables à tous les types de systèmes humains (transport, société, agriculture…). À travers une observation minutieuse des énergies naturelles, des systèmes de design efficaces peuvent être développés.

Le design permaculturel est une méthode de conception de système. C’est une manière :

  • d’appréhender un système ou un problème dans sa globalité ;
  • d’observer comment les parties d'un système sont reliées ;
  • de réparer des systèmes défaillants, en appliquant des idées apprises de systèmes durables matures en fonctionnement ;
  • d’apprendre des systèmes naturels en fonctionnement, pour planifier l’intégration de l’être humain dans les écosystèmes où il s’est implanté et qu’il a abîmés avec ses systèmes agricoles et urbains, par manque de connaissance et d’éthique ;
  • d’inclure ceux qui n'ont jamais entendu parler de la permaculture.

On trouve des formations à la permaculture[2] sur les 5 continents, notamment pour la création d'écolieux.

Notes et références:

Liens externes


  1. Le terme permaculture a été utilisé pour la première fois par Bill Mollison et David Holmgren, dans leur livre Permaculture One paru en 1978
  2. Après la publication de Permaculture One, Mollison et Holmgren affinèrent et développèrent leurs idées en effectuant la conception de centaines de sites et en publiant des ouvrages plus détaillés. Mollison enseigna dans plus de 80 pays et son cours certifié de 72 heures fut suivi par des centaines d’étudiants.