Pirate ou esclave ?

De Wiki ECOPOL

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Dans les technologies numériques, lorsqu'on vous informe qu'un produit recèle un secret de fabrication et qu'il ne peut être qu'acheté, mais pas copié, modifié ou redistribué, deux options s'offrent à vous : devenir un « mauvais » client, c’est-à-dire un pirate, en obtenant une version illégale du produit, ou devenir un « bon » client, c’est-à-dire un esclave, en achetant chaque nouvelle mise à jour... Pirate ou esclave, la différence paraît immense, mais ce n'est qu'une illusion. Elle est en fait minime, car c'est un cercle vicieux où les deux notions sont interdépendantes.

Comment échapper à cette catégorisation ?

Pour entrer dans une spirale positive, il est possible d'adopter progressivement la culture libre dans toutes ses pratiques. Cela n'aura pas nécessairement un impact positif sur votre position socioprofessionnelle ou votre vie personnelle à court terme : les fruits du Libre se récoltent à long terme tel une contamination positive. Ceux qui ont compris les propriétés sociotechniques du numérique s'inspirent et s'entraident. Leur but est de devenir majoritaire parmi les internautes, afin qu’ils ne soient plus ignorés, moqués et combattus pour leurs idées et les pratiques qui en découlent.

Comportements concrets

Spirale négative

  • Pirater ou dépendre des logiciels privateurs (aussi appelés logiciels propriétaires) ;
  • Considérer qu'on a inventé un concept ou réalisé une œuvre seul-e ;
  • Vendre un produit plutôt que de le partager ;
  • Se comporter comme pirate ou esclave des outils de communication.

Spirale positive

  • Utiliser et contribuer à l'évolution des œuvres libres ;
  • Découvrir ou adapter un concept, co-réaliser une œuvre ;
  • Vendre son temps pour accompagner la production ;
  • Considérer qu'on découvre plutôt qu'on invente.

Les sources sont mentionnées, mais la propriété n'est pas contraignante ici.

Où se situe le Libre ?

Les dynamiques participatives promues par les mouvements sociaux de Porto Alegre ne sont pas la seule solution pour promouvoir le Libre. Inversement, les dynamiques d'optimisation industrielle et de management participatif, promues par une frange innovante de grands entrepreneurs et d'industriels progressistes présents au Forum économique de Davos, ne constituent également qu'une part de la solution aux enjeux de la durabilité de l'humanité sur Terre.

Politiquement, la culture du Libre n’est ni à gauche, ni à droite. En se basant sur la Déclaration d'indépendance du cyberespace et sur les propriétés sociotechniques du numérique, on observe qu'on a dépassé les clivages des -ismes, que ce soit le communisme ou le capitalisme, et qu'on est rentré dans une troisième voie. On est dans la culture du monde conditionnel et non plus du monde relatif. C'est simultanément un message de réconciliation et d'évolution.

Cette troisième voie est déjà largement pratiquée par des entreprises comme la fondation Wikimedia qui gère des millions en s'étant pourtant statutairement interdit de spéculer. Les grandes entreprises du Libre ont plus de succès, tant économique que populaire, que les forums sociaux et économiques réunis. Ces entreprises basées sur la culture socio-économique du Libre sont des entrepreneuriats sociaux à but non lucratif. Il s’agit en général de réseaux de petites entreprises à l'image de Wikipédia. On parle ainsi d’écosystème économique basé sur les valeurs de la participativité, sur des valeurs issues des cinq compétences sociotechniques (lien interne).

Les militants de l'extrême gauche, les tenants d'un néo-libéralisme ou d'une approche néo‑conservatrice travaillent de manière unilatérale et ne peuvent donc apporter de solutions bénéfiques à long terme. En revanche, les néophytes de la troisième voie agissent dans une démarche transversale. Ils sont en même temps d'excellents gestionnaires qui conservent une profonde éthique, ils sont des entrepreneurs sociaux apportant les solutions les plus durables, les plus efficaces, les plus largement déployées et adoptées.

On pourrait croire, de prime abord qu’Apple, Microsoft et Google sont des entreprises pourvoyeuses de telles solutions. En pratique, ces trois leaders ont besoin de la communauté des utilisateurs et de l'écosystème participatif qu'ils essayent pourtant de fédérer et de diriger. Avec une conscience citoyenne plus affinée, nous serons à même de mettre des limites claires et de repousser les solutions dominantes basées sur la flatterie de nos bas instincts de consommateurs. Nous serons prêts à gambader sur le sentier déjà tracé, par des précurseurs clairvoyants, de la culture libre.


ENCADRE: dixit RMS

« Il y a autant de raisons d'utiliser les logiciels libres que d'utilisateurs de logiciels libres. »

RMS, Forum Social Suisse à Fribourg, octobre 2003. FIN ENCADRE

Parti pirate

Les pirates trichent. Ils visionnent et copient des œuvres sans autorisation des ayants droit. Musiques enregistrées à la radio ou films téléchargés sur Internet. Le faisons-nous aussi ? Ou plutôt pourquoi trichons-nous ? Parce que nous ne savions pas. Par paresse, parce Copier, est-ce illégal? Non, seule la copie des œuvres bridées par des interdictions d'usages est illégale. Rappelons-nous que si une œuvre ne mentionne aucun droit, elle n'est pas utilisable, car par défaut elle est interdite à l'usage, à la copie et à la distribution.

Illustration : si on utilise simplement un mode d'emploi pour entretenir son jardin potager sans pesticide, trouvé sur le Web, sans mention d'une licence autorisant expressément la copie, l'utiliser est un crime potentiel. Il suffit que le détenteur engage une procédure. La réaction sera probablement à la mesure du crime, dans le cas du jardin potager : minime. Mais parfois des juges sous pressions des majors du showbiz cèdent et condamnent lourdement. Une fille de 15 ans qui filmait sa petite sœur dans une salle de cinéma aux USA a été incarcérée pendant 2 jours1. Le parti Pirate a pris ce débat comme exemple d'abus et l'a porté sur la place publique.

Le parti Pirate se concentre sur la liberté de l'information. Il a été initié dans les années 2000 en Suède suite à une affaire de copie de films et musiques à une échelle plus industrielle et plus participative. Actuellement il a un représentant à l'Union Européenne, à Bruxelles. Leur nom de Pirates, provoque justement le débat. Ils n'encouragent pas les contrefaçons de gadgets électroniques ou d'objets de luxe. Ils se concentrent, au contraire, sur l'information, proposent de nouvelles règles qui favorisent les artistes et la créativité. Ces règles reconnaissent et rémunèrent aussi les intermédiaires, à la juste valeur, qu'ils ajoutent. Mais ce n'est pas leur seul cheval de bataille et ce ne sont de loin pas les seuls acteurs politiques qui s'y attellent. De tous bords politiques, des voix conscientes proposent de revoir le droit d'auteur, la logique des brevets qui brident les droits d'accès aux vivants notamment. Là, on retombe sur les notions de biosphère et noosphère, sphère des idées (pour plus d'informations lire l'article Biosphère et Noosphère2 du livre).

Les idées, comme les plantes et les animaux, sont d'une certaine manière des êtres vivants. Pourquoi les brider ? Voici la bonne question. Qui peut prétendre avoir inventé quelque chose de nouveau sans s'être inspiré de travaux précédents ? Qui n'a pas souhaité profondément partager son œuvre sans la brider par des restrictions d'usages, tout en vivant avec la reconnaissance spirituelle et matérielle méritée ?

Alors, pirater ou rester esclave de l'information privatisée ? La spirale négative est à ignorer et plutôt miser sur le moteur des quatre libertés fondamentales. Le Libre, on y revient. C'est un enjeu de société. Une clé qui ouvre tous les autres sujets de société : création et diffusion des logiciels, des monnaies, des données personnelles...

En Europe, plusieurs milliers de Wikipédians, par exemple, contribuent à construire un patrimoine de connaissance et d'œuvres (banques d'images, cours) dans tous les domaines sur Wikiversity. Idem avec Ekopedia, l'encyclopédie des pratiques écologiques. Des savoirs qui servent toute l'humanité. Certains contributeurs ne font que corriger l'orthographe, vérifier les sources, fusionner et renommer. Ils encadrent et rédigent peu. Ce sont des gestionnaires de l'information documentaire, une compétence qui est certifiée par des Bachelor dans des universités et hautes écoles de toute l'Europe, mais qui n'a pas un système ad hoc pour reconnaître les contributions des citoyens du Net. Demain, peut-être, ceci évoluera et sera une source utile pour la citoyenneté planétaire. L'équipe de la fondation Ynternet.org mène plusieurs projets dans ce sens avec les réseaux de contributeurs à Wikipédia, qui sont réunis en associations nationales Wikimedia.

Imaginons un jour où ceux qui font le plus de contributions utiles pour la gestion des connaissances de la société humaine soient mieux reconnus. Ce jour-là, le débat serait au niveau des qualités de la culture libre et plus uniquement du principe de son existence ou non.

Détournements : piratage aussi !

Olivier Malnuit, rédacteur au magazine Tecknikart de réflexion sur le monde numérique, écrivait en 2003 :

« Envie de prison ? Besoin d’emmerdes ? Videz vos placards, prenez tous les produits de marque et transformez-les en œuvres d’art. C’est ce qu’ont fait récemment plusieurs artistes sous la bannière « Illegal Art », une exposition qui compile aux États-Unis les meilleures créations d’artistes en violation de la loi sur le copyright. Leur crime ? Avoir détourné les logos des grandes sociétés US, certains personnages de Disney ou même des billets de banque. Le risque ? Jusqu’à quinze ans d’emprisonnement et 5 000 dollars d’amende pour violation de la « propriété intellectuelle ». Morceaux choisis : le « Mickey masque à gaz » de Bill Barminski ou les distributeurs de bonbons Pez à l’effigie de rappers morts (2 Pac Shakur, Notorious Big) de Packard Jennings. Pour l’instant, seul Tom Forsythe, le créateur de la « Food Chain Barbie » (une poupée Barbie passée à la moulinette) vient d’être assigné en justice par Mattel. Mais les autres font profil bas. Chaque année, les plus grandes firmes du monde dépensent 500 milliards de dollars de pub (un tiers du PIB de la France) pour imposer leur image. Mais quiconque ose la reproduire pour s’exprimer encoure la même peine qu’un contrebandier ou un faussaire de Vuitton. À l’heure où vous lirez ces lignes, Olivier Malnuit, le créateur du site jeboycottedanone.com, saura s’il doit travailler toute sa vie pour payer ses frais de justice après avoir détourné un logo sur Internet. Merde… Olivier Malnuit, c’est moi. J’aurais dû faire artiste. »