L'immatériel contrôle le matériel
globalisation, effet papillon, interconnexion, information, contrôle, ressources matérielles, matériel, immatériel, ressources immatérielles, société de l'information
La globalisation des échanges est chaque jour plus importante. Ce que nous mangeons et buvons provient souvent de plusieurs continents. Ce que nous pensons aussi. Tout circule très vite. Le monde grouille non seulement d’avions et de voitures produits et circulant aux quatre coins du globe, mais aussi d'informations globalisées : films véhicules de valeurs, actualités qui façonnent notre vision du monde…
Quand à l'effet papillon, il est plus que jamais de circonstance : le vol d’un papillon dans le désert d’Australie peut provoquer une tempête sur Paris. C’est la loi de la nature, tout est interconnecté et les hommes commencent lentement à s’en rendre compte. Tout, c’est-à-dire le matériel (l’atome, l’être humain, les marchandises, la nature...) et l’immatériel (les idées, les informations, les bases de données, la spiritualité…).
Mais qui contrôle les échanges de biens matériels et de services immatériels ? Un peu tout le monde ? Peut-être… mais certains plus que d’autres.
Le matériel est une nécessité : manger de la nourriture saine, boire et se laver avec de l’eau propre, respirer de l’air pur. L’immatériel, c’est l'information qui permet de gérer le matériel : les idées, les manières de faire, nos réflexes, nos pratiques, les faits qui nous influencent...
Grâce à la combinaison des réseaux et des ordinateurs, les informations numériques circulent si vite qu’elles ont pris une place centrale dans la société. On parle d'une transition de la société industrielle vers la société de l’information.
Et ceux qui contrôlent la circulation des informations contrôlent les ressources matérielles. Si le contrôle est décentralisé, il est plus citoyen. S'il est centralisé, il sert les intérêts d'une minorité au détriment de la majorité. C'est connu. Mais les nouvelles formes que cela prend sont plus difficiles à identifier, vu que tout est de plus en plus complexe.
Alors les personnes avides de pouvoir cherchent à contrôler l'information. Et comme La communication, c'est simplement de l'information en mouvement, qui circule, ils cherchent à contrôler les flux d'informations, pour mieux les influencer. En achetant des pages de publicités ou des médias entiers, en définissant des stratégies planétaires de commercialisation et en utilisant les réseaux informatiques pour les imposer. Car les budgets informatiques sont intimement liés aux budgets publicitaires. Informatique et publicité sont les deux faces d'une même pièce, qui pèse lourd dans notre porte-monnaie : l'influence sur nos croyances. Les stratégies politiques, commerciales, sociales ou écologiques sont toutes basées sur des croyances. Par exemple, la croyance que le monde possède des ressources naturelles gigantesques dont seule l'exploitation peut permettre une croissance économique forte. Ou, au contraire, la croyance que le monde a des ressources limitées et qu’il faut les utiliser avec précaution, de manière responsable, en respectant le droit des générations futures d'en bénéficier elles aussi.
L'informatique sert aussi les intérêts des petits groupes qui coopèrent en réseau. Par exemple, au cours des forums sociaux internationaux ou des contre-sommets du G8, les militants sociaux se sont réunis physiquement, ils ont pris des avions, ont brandi des pancartes. Jamais toutefois leur coordination n'aurait pu s'opérer, avant les rencontres et les sommets en question, sans l’usage de l’Internet – où circulent les informations immatérielles pour définir les dates, les programmes, les logements...
En synthèse, peser sur les flux d'informations, qui sont de plus en plus numériques, permet d'influencer les croyances des gens. C'est ainsi que l'immatériel contrôle la matière : via les croyances des gens.
Nos croyances dépendent de l'image de marque, de notre capacité d'analyse et d'esprit critique, de notre temps (de cerveau) disponible, qui tous influencent sur nos manières d'agir sur la matière.
Au niveau des boissons : croyons-nous que Coca-Cola est une bonne boisson, produite par une firme responsable et éthique, que sa publicité est acceptable et que boire du Coca nous aide à digérer ? Ou, au contraire, croyons-nous que c'est une source de problèmes pour la santé et pour la cohésion sociale, sans suffisamment d'égards pour les populations qui la produisent. Envisageons nous que des gens sont tués pour préserver les intérêts des actionnaires de cette transnationale globalisée, comme le présente le site killercoke.org ?
Ainsi, dans un magasin, notre choix, entre une boisson locale d'une marque peu connue ou d'une bouteille de Coca-Cola, va dépendre de croyances.
La croyance, c'est un point de départ de la psychologie... et de l'informatique. On parle de Programmation Neuro-Linguistique (PNL), une discipline dans laquelle les responsables de promotion investissent massivement pour la formation de leurs employés chargé de vendre des produits.
C'est justement ce que les pionniers de la cybernétique et de l'Ecole de Palo Alto ont démontré par leurs recherches dans les années 1950 à 1970. Voilà pourquoi la citoyenneté numérique est un enjeu central de société.
L’immatériel « numérique, électronique » permet de contrôler le matériel physique, les mouvements d’objets et de personnes. C’est un changement fondamental de situation pour l’humanité. Un changement en vertu duquel tout projet, bon ou moins bon, peut être déployé plus vite et plus largement que jamais. Un citoyen désireux d'être actif au sein de la nouvelle société globalisée doit nécessairement prendre ce changement en considération. Or il est paradoxalement difficile d’être un citoyen actif dans de telles conditions : depuis qu’il est contrôlé par l’immatériel, le monde s'est complexifié. Les navires sont plus nombreux que les capitaines.
Encadré : Imprimantes 3D
Illustration de la nouvelle complexité : l'essor des imprimantes 3D. Ces imprimantes ne transposent plus une information de l'écran au papier, comme les imprimantes traditionnelles, mais produisent des objets matériels. Certaines de ces machines sont même capables de produire elles-même les pièces qui les composent. Elles ouvrent ainsi les portes d'un monde où l'opposition matériel versus immatériel n'a plus de sens. La multiplication de tels équipements donnerait certainement lieu, en effet, à une mutation qui verrait tout un chacun s'improviser producteur de biens matériels. Comme c'est le cas dans l'économie numérique, on passerait d'une économie de la rareté à une économie de l'abondance[1] [2].