Libération du PC par IBM
PC, modèle économique, ouverture, standardisation
Une histoire vraie : au début des années 1980, alors que IBM est leader du marché de l'ordinateur en général, sa direction décide de publier le plan (les spécifications techniques) permettant de construire un ordinateur complètement compatible avec ses propres PC. Ceci permet à de nombreuses entreprises, notamment à Taïwan, en Corée ou en Chine de fabriquer des composants pour des ordinateurs personnels "compatibles PC" (c'est-à-dire avec les PC d'IBM) : microprocesseur, disque dur, carte mère, carte graphique ou carte son peuvent donc interagir de manière identique à l'original d'IBM. Le matériel devient interchangeable. On parle alors de commodity business[1] en anglais. Ce terme désigne un marché où les produits sont standardisés et où la différenciation est difficile. C'est donc principalement sur le prix que se joue la concurrence. Naturellement, IBM a ainsi créé sa propre concurrence mais a aussi permis l'émergence d'un écosystème diversifié. Ce marché élargi s'est avéré bien plus vaste que si le PC avait été bridé par des restrictions légales (secrets, licences restrictives...). Une concurrence saine est possible. Elle sert alors l'économie de marché et les intérêts du consommateur final, en suivant la loi de l'offre et de la demande.
Apple, pas bon !
Inversement, Apple a basé son modèle économique sur l'exclusivité de fabrication, liée à une image de luxe : jusqu'à une époque récente, mais cela a changé, aucune entreprise ne pouvait fabriquer des produits compatibles MacIntosch sans l'autorisation de l'entreprise Apple. C'est ainsi qu'Apple contrôle un secteur limité du marché (5 % à 10 %), mais maîtrise toute la chaîne de production (matériel et logiciel), rendant ainsi difficile la compatibilité au niveau du matériel et logiciel. De plus, Apple a pu verrouiller la question de la responsabilité sociale : l'opacité de ses méthodes de production fait que les conditions de travail dans cette firme sont souvent critiquées par les ONG luttant pour la défense des droits des travailleurs.
Perspectives
La standardisation du matériel informatique, rendue possible par IBM, a déplacé la focalisation de la concurrence à un niveau supérieur, le niveau logiciel. Le matériel reste un domaine de concurrence, mais largement moindre : les prix se sont effondrés entre 1995 et 2010, l'obsolescence du matériel est moins rapide qu'au milieu des années 1990.
Et c'est là que Microsoft a tiré son épingle du jeu, en prenant une position de leader dans un monde fonctionnant sur le mode le gagnant rafle toute la mise[2]. Avec son système d'exploitation et ses logiciels de bureautique, Microsoft a verrouillé le marché de l'ordinateur personnel. Cependant, une autre révolution est en train de se dérouler : le système d'exploitation est en train de devenir également un commodity business, car de plus en plus de logiciels ne tournent plus sur la machine de l'utilisateur, mais sur un serveur Internet : l'ordinateur client ne sert que de terminal de commande, sans rôle critique. L'ère de la suprématie du logiciel est en passe d'être supplantée par celle des services : on parle par exemple de SAAS, Software As A Service (le logiciel comme un service), pour désigner le fait qu'on ne possède plus le logiciel, mais qu'on y accède : on loue un droit d'accès qui nous permet de bénéficier de ressources (stockage d'information, temps de traitement des requêtes...). Dans ce domaine, Google a une longueur d'avance sur la compétition, par exemple avec Google Docs, et l'on peut espérer une riposte du monde du Libre pour éviter un monopole dangereux pour le commerce, la qualité de service et les libertés individuelles[3].
Notes et références
- ↑ Cf. la définition de commodité.
- ↑ En anglais : Winner-take-all. C'est à dire qu'il n'y a pas souvent une multitude de gagnants dans le monde du logiciel, mais généralement un leader et un ou deux challengers. Les autres restent marginaux ou sont sur des marchés étroits, spécifiques (on parle de niches).
- ↑ Une initiative libre vise exactement à combler ce vide : UNG Docs (UNG's Not Google Docs, UNG n'est pas Google Docs)