Pirate ou esclave?
Pirate, esclave, copie illégale, cercle vicieux, cercle vertueux, logiciels libres.
Dans les technologies numériques, lorsqu'on vous informe qu'un produit recèle un secret de fabrication et qu'il ne peut être qu'acheté, et non copié, modifié ou redistribué, deux options s'offrent à vous : devenir un 'mauvais' client, c’est-à-dire un pirate en vous procurant une version illégale du produit, ou devenir un 'bon' client c’est-à-dire un esclave, en faisant l’acquisition de chaque nouvelle mise à jour... Pirate ou esclave, la différence paraît immense, mais elle est peut-être trompeuse : ce qui se dessine ici évoque un cercle vicieux, où les rôles se recoupent plus qu’on ne le croit.
Sommaire
Comment échapper à cette catégorisation
Pour entrer dans une spirale positive, il est possible d'adopter progressivement, dans toutes ses pratiques, la culture libre. Cela n'aura pas nécessairement tout de suite un impact positif sur votre position socioprofessionnelle ou votre vie personnelle : les fruits du libre se récoltent à long terme, comme s’il s’agissait d’une contamination positive. Ainsi les utilisateurs du numérique qui en ont compris les propriétés sociotechniques [1] s'inspirent et s'entraident, dans le but de représenter un jour, parmi les internautes, un groupe majoritaire. Alors ils pourront espérer ne plus être ignorés, moqués et combattus pour leurs idées et les pratiques qui en découlent.
Concrètement
Cercle vicieux
- Dépendre des logiciels propriétaires ou les pirater.
- Considérer qu'on a créé ou inventé un concept ou une œuvre.
- Vendre un produit plutôt que le partager.
- Pirates et esclaves entrent dans cette catégorie.
Cercle vertueux
- Contribuer à l'évolution des logiciels libres et les utiliser.
- Découvrir ou adapter un concept ou une œuvre.
- Vendre son temps pour accompagner la production.
- Les découvreurs entrent dans cette catégorie.
Où se situe le libre ?
Les dynamiques participatives promues par les mouvements sociaux du type Porto Alegre ne sont pas la seule solution pour promouvoir le libre. De même, les dynamiques d'optimisation industrielle et de management participatif promues par une frange innovante de grands entrepreneurs et d'industriels progressistes présents au Forum économique de Davos, ne constituent qu'une partie de la réponse à apporter aux enjeux soulevés par la question de la durabilité de l'espèce humaine.
Politiquement, la culture du libre n’est ni à gauche ni à droite. Si l’on se base sur la Déclaration d'Indépendance du cyberespace et sur les propriétés sociotechniques du numérique, on observe que les clivages entre –ismes (communisme ou capitalisme, par exemple) ont été dépassés : nous sommes entrés dans une troisième voie – la culture du monde conditionnel et non plus du monde relatif. L’événement invite à la fois à la réconciliation et à l'évolution.
Cette troisième voie est déjà amplement empruntée par certaines entreprises telle la fondation Wikimedia, qui gère des sommes considérables alors qu’elle s’est statutairement interdit de spéculer. De fait les grandes entreprises du libre rencontrent davantage de succès, économique ou populaire, que tous les forums sociaux et économiques réunis. Ces entreprises basées sur la culture socioéconomique du libre sont le fruit d’entrepreneuriats sociaux à but non lucratif. Il s’agit en général de réseaux de petites entreprises, à l'image de Debian, de Wikipédia, du W3c ou de l'Internet Society, qui regroupent experts et prestataires mais aussi secrétaires, balayeurs, cuisiniers, etc. On parle ici d’écosystème économique basé sur la participativité, entre autres valeurs issues des cinq compétences sociotechniques (lien interne).
Militants de l'extrême gauche et tenants du néo-libéralisme ou d'une approche néo-conservatrice travaillent de manière unilatérale et ne peuvent donc, à long terme, générer de solutions bénéfiques. En revanche les néophytes de la troisième voie agissent en fonction d’une démarche transversale ; être d'excellents gestionnaires ne les empêche pas de respecter dans le même temps une éthique responsable. Ces entrepreneurs sociaux génèrent les solutions les plus durables, les plus efficaces, les plus largement déployées et adoptées.
On pourrait croire, de prime abord, qu’Apple, Microsoft et Google figurent parmi les entreprises pourvoyeuses de telles solutions. Or en pratique, ces trois leaders ne peuvent se passer de la communauté des utilisateurs ni de l'écosystème participatif qu'ils s’évertuent à fédérer et à essayer de contrôler. Il nous suffira d’une conscience citoyenne plus affinée pour être prêts à poser des limites claires, à rejeter les solutions dominantes fondées sur la stimulation des instincts les plus primaires du consommateur. A nous alors de gambader sur le sentier déjà tracé de la culture libre.
Ils ont dit
"Il y a autant de raisons d'utiliser les logiciels libres que d'utilisateurs de logiciels libres." RMS, Forum Social Suisse à Fribourg, octobre 2003.