Motivation de l'initiateur d'Ecopol : Différence entre versions
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− | '' | + | ''«Vers six ans, j'ai commencé à me plonger dans les livres de la collection bibliothèques rose. Je me les enfilais d'un coup, en un ou deux jours. Ca m'embarquais dans des aventures autour du monde, avec des drames, des passions, des défis. Je vivais à Chailly-Village, un quartier plein de verdure et de calme à Lausanne. On se disait bonjour entre inconnus dans la rue, la vie était facile. Je jouais à planter des légumes avec mon père et j'ai eu l'idée un petit magasin pour aller à la rencontre des gens qui se promenaient, pour leur proposer ma petite production et faire du commerce. Je rêvais de faire des tunnels pour relier les jardins des camarades voisins, pour pouvoir leur rendre visite sans devoir traverser les routes dangereuses à causes des voitures. Mais parfois à l'école, au centre-ville ou en voyage, j'étais confronté aux souffrances du monde. Fathi Derder, aujourd'hui conseiller national bien libéral, m'a plusieurs fois attendu avec d'autres après l'école pour me casser la gueule; j'avais peur de ses réactions mais au fond j'avais surtout le sentiment confus que c'était lui qui souffrait d'un complexe. J'étais triste de ne pas pouvoir changer la dynamique de mes relations avec les gens. Triste aussi les mendiants dans la rue dans mon premier voyage à Venise vers 8 ans, des scènes qui sont habituelles aujourd'hui pour presque tout le monde, mais m'ont choqué à vie. Triste enfin et surtout le livre "cinq milliard d'hommes dans un vaisseau" d'Albert Jacquard : un manifeste de l'écoconscience avant l'heure, qui dénonçait le péril nucléaire et montrait avec des mots simples l'étendue des problèmes de l'humanité, condamnée à s'adapter ou périr. C'est amusant de préciser ici qu'il est devenu, un quart de siècle plus tard, un des premiers parrains internationaux des projets de l'association Smala que j'ai co-fondée. Depuis mon petit paradis au bord du lac Léman, sans gros soucis personnels, je me rendais bien compte que j'étais un grand privilégié, mais je n'arrivais pas à rester insensible aux malheurs du monde, j'avais envie de "faire quelque chose". Alors le soir, quand je n'arrivais pas à dormir, je pensais à comment développer un lieu où les choses seraient "meilleures". M'appuyant sur les livres et les pratiques qui y étaient décrites, j'imaginais comment faire évoluer le fonctionnement de la justice, de l'école, de l'urbanisme... J'échauffaudais des plans, comme dans un labyrinthe infernal dont on cherche la porte de sortie. Je rêvais tout éveillé, c'étaient autant de graines pour mon destin. |
− | ' | + | Très vite, dès mes huit ans, je me suis investi à fond dans des micro-projets concrets, principalement des récoltes de fonds. J'allais sonner aux portes de tout le quartier pour demander des donation de lots pour la kermesse de la paroisse catholique, pour vendre les timbres de Pro Juventute au profit des enfants pauvres, et plus tard les oranges d'Helvetas pour réduire la famine en Afrique. Je me sentais utile, et j'aimais les gens et essayer de les comprendre, de les sentir, d'interagir. Mes parents, intellectuels, étaient dans un autre monde, une autre culture, plus traditionnelle, même s'ils m'apportaient beaucoup. Dès l'adolescence, j'ai quitté l'école formelle pour entrer dans l'école de la vie. J'ai cherché d'autres références, plus en phase avec mes intuitions qui convergaient vers cette idée de contribuer à "créer un environnement plus favorable pour l'humanité". |
+ | J'ai commencé à exprimer cette vision d'un monde réconcilié en réalisant des mises en scène de théâtre au MAD, puis des photographies. Les images réalisées montraient l'humain acteur dans la nature. Chaque série de photo était une aventure, comme un tournage de scène de film : scénario, budget, décor, csting de photomodèles en herbe, équipe de production, transport, mini-formation, pic-nic. Charles-Henri Favrod, alors directeur du musée de l'Elysée, m'a ouvert ses portes. Homme du monde, il m'a reconnu et encouragé. J'ai gagné en confiance. J'avais encore beaucoup de chemin à parcourir pour perdre mon innocence et trouver ma voie. | ||
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+ | Alors j'ai voyagé et travaillé comme photographe de mise en scène et touche-à-tout : curateur d'expositions, entrepreneur socioculturel, incubateur de réseaux, gestionnaire de programmes intergouvernementaux de coopération Nord/Sud, formateur d'adulte et réalisateur de films documentaires, bref, tout ce qui a trait à la créativité et qui transcende les disciplines. Je cumulais les expériences autodidactes dans des domaines où la formation académique n'est pas la seule entrée possible, à la différence notable des professions d'avocat ou de médecin. Des Etats-unis à la Yougoslavie, de l'Asie du Sud à l'Europe de l'Est, de l'Afrique de l'Ouest à l'Amérique du Sud, j'ai roulé ma bosse de 16 à 35 ans, tout en gardant la plupart de mes doigts de pied en Suisse où je créais des ruches dédiée aux nouveaux modes de vie, les maisons Tir Groupé, renommées maisons Smala dès 1997. | ||
− | '' | + | ''«De ce fait, j'ai pu réunir progressivement de nombreuses connaissances relatives à des pratiques durables. Je les mettais, toutes plus inspirantes les unes que les autres, dans ma besace de méthodes, d'idées et de manières de faire. Pour bien me former, j'ai cherché des mentors et des magazines spécialisés. Ils m'ont aidés à canaliser et à clarifier ce répertoire de pratiques, à m'orienter vers ce que je n'ai réussi à nommer que bien plus tard ''"écologie communautaire"''. |
− | ''' | + | C'est sur ce chemin que j'ai pu découvrir des réalités dont la presse parle peu, mais qui sont à mon sens au coeur des enjeux de socité, des sources d'inspirations particulièrement fortes : le réseau mondial des écovillages, les communautés intentionnelles, la culture des licences libres et, plus largement, l'esprit d'entreprise sociale. Toutes m'habitent à présent pour le reste de ma vie. C'est pour cela que je me sens à la fois sans spécialisation particulière, mais avec une connaissance profonde des méthodes pour relever les défis de société, à la fois dans la théorie et la pratique, ce qui me semble essentiel pour lancer un projet comme Ecopol. |
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+ | ''«Ce sont ces petits morceaux de chemins de vie qui vous sont partagés dans cet ouvrage, de la manière la plus digeste possible. Puissions-nous le faire évoluer ensemble, pour qu'à l'image d'Ecopol, il devienne, de plus en plus, le projet d'un groupe. Car si j'en suis l'initiateur et le vecteur, dès le début et jusqu'au bout, ce sera le produit d'une intelligence collective.»'' | ||
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Version du 14 septembre 2013 à 01:32
«Vers six ans, j'ai commencé à me plonger dans les livres de la collection bibliothèques rose. Je me les enfilais d'un coup, en un ou deux jours. Ca m'embarquais dans des aventures autour du monde, avec des drames, des passions, des défis. Je vivais à Chailly-Village, un quartier plein de verdure et de calme à Lausanne. On se disait bonjour entre inconnus dans la rue, la vie était facile. Je jouais à planter des légumes avec mon père et j'ai eu l'idée un petit magasin pour aller à la rencontre des gens qui se promenaient, pour leur proposer ma petite production et faire du commerce. Je rêvais de faire des tunnels pour relier les jardins des camarades voisins, pour pouvoir leur rendre visite sans devoir traverser les routes dangereuses à causes des voitures. Mais parfois à l'école, au centre-ville ou en voyage, j'étais confronté aux souffrances du monde. Fathi Derder, aujourd'hui conseiller national bien libéral, m'a plusieurs fois attendu avec d'autres après l'école pour me casser la gueule; j'avais peur de ses réactions mais au fond j'avais surtout le sentiment confus que c'était lui qui souffrait d'un complexe. J'étais triste de ne pas pouvoir changer la dynamique de mes relations avec les gens. Triste aussi les mendiants dans la rue dans mon premier voyage à Venise vers 8 ans, des scènes qui sont habituelles aujourd'hui pour presque tout le monde, mais m'ont choqué à vie. Triste enfin et surtout le livre "cinq milliard d'hommes dans un vaisseau" d'Albert Jacquard : un manifeste de l'écoconscience avant l'heure, qui dénonçait le péril nucléaire et montrait avec des mots simples l'étendue des problèmes de l'humanité, condamnée à s'adapter ou périr. C'est amusant de préciser ici qu'il est devenu, un quart de siècle plus tard, un des premiers parrains internationaux des projets de l'association Smala que j'ai co-fondée. Depuis mon petit paradis au bord du lac Léman, sans gros soucis personnels, je me rendais bien compte que j'étais un grand privilégié, mais je n'arrivais pas à rester insensible aux malheurs du monde, j'avais envie de "faire quelque chose". Alors le soir, quand je n'arrivais pas à dormir, je pensais à comment développer un lieu où les choses seraient "meilleures". M'appuyant sur les livres et les pratiques qui y étaient décrites, j'imaginais comment faire évoluer le fonctionnement de la justice, de l'école, de l'urbanisme... J'échauffaudais des plans, comme dans un labyrinthe infernal dont on cherche la porte de sortie. Je rêvais tout éveillé, c'étaient autant de graines pour mon destin.
Très vite, dès mes huit ans, je me suis investi à fond dans des micro-projets concrets, principalement des récoltes de fonds. J'allais sonner aux portes de tout le quartier pour demander des donation de lots pour la kermesse de la paroisse catholique, pour vendre les timbres de Pro Juventute au profit des enfants pauvres, et plus tard les oranges d'Helvetas pour réduire la famine en Afrique. Je me sentais utile, et j'aimais les gens et essayer de les comprendre, de les sentir, d'interagir. Mes parents, intellectuels, étaient dans un autre monde, une autre culture, plus traditionnelle, même s'ils m'apportaient beaucoup. Dès l'adolescence, j'ai quitté l'école formelle pour entrer dans l'école de la vie. J'ai cherché d'autres références, plus en phase avec mes intuitions qui convergaient vers cette idée de contribuer à "créer un environnement plus favorable pour l'humanité". J'ai commencé à exprimer cette vision d'un monde réconcilié en réalisant des mises en scène de théâtre au MAD, puis des photographies. Les images réalisées montraient l'humain acteur dans la nature. Chaque série de photo était une aventure, comme un tournage de scène de film : scénario, budget, décor, csting de photomodèles en herbe, équipe de production, transport, mini-formation, pic-nic. Charles-Henri Favrod, alors directeur du musée de l'Elysée, m'a ouvert ses portes. Homme du monde, il m'a reconnu et encouragé. J'ai gagné en confiance. J'avais encore beaucoup de chemin à parcourir pour perdre mon innocence et trouver ma voie.
Alors j'ai voyagé et travaillé comme photographe de mise en scène et touche-à-tout : curateur d'expositions, entrepreneur socioculturel, incubateur de réseaux, gestionnaire de programmes intergouvernementaux de coopération Nord/Sud, formateur d'adulte et réalisateur de films documentaires, bref, tout ce qui a trait à la créativité et qui transcende les disciplines. Je cumulais les expériences autodidactes dans des domaines où la formation académique n'est pas la seule entrée possible, à la différence notable des professions d'avocat ou de médecin. Des Etats-unis à la Yougoslavie, de l'Asie du Sud à l'Europe de l'Est, de l'Afrique de l'Ouest à l'Amérique du Sud, j'ai roulé ma bosse de 16 à 35 ans, tout en gardant la plupart de mes doigts de pied en Suisse où je créais des ruches dédiée aux nouveaux modes de vie, les maisons Tir Groupé, renommées maisons Smala dès 1997.
«De ce fait, j'ai pu réunir progressivement de nombreuses connaissances relatives à des pratiques durables. Je les mettais, toutes plus inspirantes les unes que les autres, dans ma besace de méthodes, d'idées et de manières de faire. Pour bien me former, j'ai cherché des mentors et des magazines spécialisés. Ils m'ont aidés à canaliser et à clarifier ce répertoire de pratiques, à m'orienter vers ce que je n'ai réussi à nommer que bien plus tard "écologie communautaire".
C'est sur ce chemin que j'ai pu découvrir des réalités dont la presse parle peu, mais qui sont à mon sens au coeur des enjeux de socité, des sources d'inspirations particulièrement fortes : le réseau mondial des écovillages, les communautés intentionnelles, la culture des licences libres et, plus largement, l'esprit d'entreprise sociale. Toutes m'habitent à présent pour le reste de ma vie. C'est pour cela que je me sens à la fois sans spécialisation particulière, mais avec une connaissance profonde des méthodes pour relever les défis de société, à la fois dans la théorie et la pratique, ce qui me semble essentiel pour lancer un projet comme Ecopol.
«Ce sont ces petits morceaux de chemins de vie qui vous sont partagés dans cet ouvrage, de la manière la plus digeste possible. Puissions-nous le faire évoluer ensemble, pour qu'à l'image d'Ecopol, il devienne, de plus en plus, le projet d'un groupe. Car si j'en suis l'initiateur et le vecteur, dès le début et jusqu'au bout, ce sera le produit d'une intelligence collective.»